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La betterave a-t-elle encore un avenir en France ?

Le | Cooperatives-negoces

Alors que les surfaces de betteraves sont annoncées en recul de 7 à 10 % pour 2019, que Südzucker, la maison mère allemande de Saint Louis Sucre prévoit de fermer deux usines françaises en 2020, qu’une restructuration de l’ensemble de la filière européenne semble à terme inéluctable, la question est simple : la betterave a-t-elle encore un avenir en France ? Pour Franck Sander, le président de la CGB, la réponse est clairement « oui ».

Depuis l’annonce, le 14 février, de Südzucker, le premier sucrier mondial, de fermer cinq de ses 29 usines (1), dont deux en France, la mobilisation dans le monde betteravier ne faiblit pas. Plusieurs manifestations ont eu lieu, le 22 février à Cagny (14), le 1er mars à Eppeville (80) et le 12 mars à Mannheim devant le siège du sucrier allemand. Salariés, planteurs, syndicalistes, élus locaux, politiques… tous sont montés au créneau pour dénoncer cette décision jugée au mieux « incompréhensible », souvent « inacceptable », au pire « lâche ». Le sujet mobilise, inquiète. Car au-delà du dossier Südzucker, c’est l’avenir même de l’industrie du sucre, sur notre territoire, qui pose question.

Un mauvais cap à passer !

« Avec l’arrêt de la suppression des quotas en octobre 2017 et la libéralisation du marché du sucre, nous savions que certaines campagnes seraient compliquées, explique Franck Sander, le président de la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves). Cela est juste arrivé plus vite que prévu. La hausse des surfaces en Europe, les très bonnes récoltes en Inde, en Thaïlande et au Brésil font qu’aujourd’hui, le marché est excédentaire et les prix, en berne. Mais il faut passer ce cap ! À mon sens, c’est l’affaire de deux à trois années, pas plus. Les industriels ne peuvent pas demander aux planteurs d’accroitre leurs surfaces (+16 % en 2018), d’allonger la durée des campagnes comme ce fut le cas en 2018 et annoncer, l’année suivante, une fermeture de deux de leurs outils de travail. Certes Südzucker est un financier, avec une notion permanente de rentabilité (2), mais d’autres solutions doivent être étudiées. C’est pour leur expliquer notre vision de la situation que nous avons rencontré, le 12 mars, le président et les membres du directoire de l’industriel allemand. Des échanges fermes. Face à leur message pessimiste, nous leur avons exposé nos raisons de faire marche arrière. »

10 % de la production française de sucre en jeu

La CGB espère que le sucrier tire un trait sur ce projet ou au moins, assouplisse sa vision… sur au moins un point : la possibilité que Cagny et Eppeville soient à vendre. « Car pour l’heure, en prévoyant de laisser une poignée de salariés sur ces sites, le groupe allemand empêche tout déclenchement d’un processus de recherche de repreneurs, explique-t-il. Soyons réalistes, si certains planteurs d’Eppeville pourront à terme livrer à Roye, l’une des deux autres usines de Saint Louis Sucre, ou se tourner vers Tereos ou Cristal Union, les 2500 producteurs concernés n’auront pas tous cette opportunité. Sur les 36 000 ha de betteraves rattachés à ces deux sites, certains vont forcément être supprimés. 500 000 tonnes de sucre sont en jeu : soit près de 10 % de la production française ! Sans oublier une possible suppression de 130 postes ».

Les raisons d’y croire

Quelles solutions proposer ? « Pourquoi les industriels ne s’adapteraient-ils pas au marché qui, lorsqu’il n’est pas intéressant, proposeraient d’eux même de réduire leur production et par conséquent les surfaces betteravières ? Pourquoi ne pas envisager une diversification de Cagny et d’Eppeville, dans le bioéthanol par exemple ? Pas question de démanteler la filière sucrière et betteravière française. Nous comptons sur le Gouvernement français pour nous soutenir ».

Car pour certains observateurs, la restructuration pourrait, très vite, toucher les autres groupes sucriers qui eux aussi, courbent l’échine depuis plusieurs mois. Dans un contexte tendu, chacun devrait rapidement dévoiler sa stratégie pour faire face. A.G.

(1) Deux en Allemagne, une en Pologne et deux en France : Cagny et Eppeville

(2) Südzucker a enregistré un déficit de 83 M€ sur sa branche sucre au troisième trimestre de l’exercice 2018/19.