La communication de crise n’est pas un gadget
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Incendie dans un silo, contamination d’aliments par un produit phyto, pollution d’une rivière, soupçon de cultures OGM, inondation, sécheresse… quand le monde agricole fait la Une des médias généralistes, le plus souvent, c’est à charge. Quelle réaction avoir quand votre entreprise est directement montrée du doigt ? Faut-il communiquer ? Si oui, comment ? Vers qui ? Thomas Begon (1), responsable de la communication au sein de Bioline-InVivo, nous donne les pistes pour une communication de crise réussie.
Triskalia en a fait l’amère expérience la semaine passée. Deux accusations en moins d’une semaine (cf autre actu dans cette lettre). Le groupe n’a pas hésité à réagir, par voix de presse et sur les réseaux sociaux, pour expliquer sa version des faits. Un exemple concret de gestion et de communication de crise. « L’une ne va pas sans l’autre, explique Thomas Bégon. La gestion de crise consiste à organiser une réaction face à un évènement inattendu. Le fait générateur étant souvent issu d’un scénario multifactoriel, imprévisible et donc, difficile à anticiper. Derrière une gestion de crise, il y a une équipe : des experts (juridiques, techniques, ingénieurs, RH…), un pilote et une cellule de communication. À elle de préparer les messages en fonction de ce que proposent les experts. »
Raconter sa propre histoire
Dans sa communication de crise, l’entreprise doit tout d’abord raconter sa version de l’histoire, avec ses propres mots car la partie adverse utilisera, le plus souvent, un vocabulaire anxiogène. Le message doit ensuite expliquer le plan d’actions mis en place pour gérer la situation. Être pédagogue pour ne pas laisser croire que rien n’est fait ou n’a été fait en amont pour prévenir cet événement. Le caractère humain est également essentiel car si c’est l’entreprise qui est attaquée, derrière il y a des salariés, des élus, des hommes et des femmes qui eux aussi ont vécu et subi la crise. Exprimer le choc, les émotions ressenties fait partie des propos à diffuser.
Au directeur de donner l’impulsion
La communication de crise n’est pas réservée uniquement aux multinationales du Cac 40. « Toutes les entreprises doivent se sentir concernées, quelle que soit leur taille, insiste Thomas Bégon. À la direction générale de donner l’impulsion. Cela peut ensuite passer par le service communication s’il existe, par la DRH ou par la personne en charge de la gestion des risques. Une chose est sûre : la communication de crise, ce n’est pas un gadget. Elle se base sur une réelle méthode, avec des codes. D’où l’importance d’échanger entre professionnels et de se tourner vers les personnes compétentes, en interne ou en externe. »
Se poser les bonnes questions
« Mais attention, prévient Thomas Bégon, opter pour une communication de crise, c’est aussi tenir compte de l’actualité concurrente ! Si une entreprise décide de communiquer le matin même de la mort de Johnny, peu de chance malheureusement que son message soit repris par les médias ! D’où la question à se poser en amont : quelles sont les cibles de cette communication ? Est-ce l’interne, l’externe, les politiques, le grand public, la presse locale, nationale, professionnelle ? De la réponse dépendra aussi le choix des outils de diffusion ».
Créer l’adhésion des équipes, en interne
Et puis, ne l’oublions pas, une actualité a, en moyenne, une durée de vie de 24 h, 72 h maximum. « Avec la puissance des réseaux sociaux, cela tape certes plus vite et plus fort mais moins longtemps, constate-t-il. Une fois cette crise passée, l’entreprise doit continuer à vivre avec, même si le grand public, lui, a déjà oublié. D’où l’importance de communiquer avant tout en interne. Selon moi, une communication de crise doit commencer par créer l’adhésion de ses équipes. Les collaborateurs sont le plus souvent en attente d’un message clair de la direction, d’explications, d’éléments de langage pour comprendre et pouvoir, si besoin l’expliquer à leur tour. Car en famille ou entre amis, salariés et élus sont parfois amenés à se justifier, à argumenter, pour parler de leur métier ou de leur entreprise. Une bonne communication passe aussi par ce biais. »
Généraliser la « communication positive »
Les opposants, les contradicteurs au monde agricole ont pour la plupart des relais très efficaces dans les médias grand public. Un épiphénomène peut ainsi avoir un retentissement national, en quelques heures. Comment contrer de telles actions ? « En communiquant, au quotidien, de façon positive sur son métier, poursuit Thomas Bégon. Ne pas attendre d’être attaqué pour prendre la parole. Tel est l’un des enjeux du réseau France Agri Twittos : que chaque acteur du monde agricole s’approprie une part de la communication. Expliquer son quotidien, montrer au grand public en quoi consiste son travail, pourquoi il utilise tel ou tel produit, participe à faire changer le regard sur le métier d’agriculteur et plus largement, sur celui de toute la filière. »
(1) Thomas Begon est, depuis 2016, responsable de la communication au sein de Bioline-InVivo, la partie agricole du groupe. Il a précédemment, durant douze années, travaillé chez Arjuna, un cabinet de conseil spécialisé en communication et gestion de crise. Aujourd’hui, il est amené, régulièrement, à conseiller des coopératives agricoles sur ce thème.