La digitalisation de la distribution agricole, décryptée par Audanis
Le | Cooperatives-negoces
La digitalisation des coopératives et des négoces agricoles s’intensifie et fait partie des axes stratégiques des entreprises. Elle devrait modifier la relation entre les structures et les agriculteurs, avec des attentes différentes selon les directions des entreprises. Voici ce qui ressort d’une enquête menée par le cabinet de conseils Audanis, à paraître fin novembre et dont Référence agro publie les résultats en exclusivité.
Où en sont les distributeurs agricoles dans leur transformation digitale ? C’est à cette question qu’a voulu répondre Audanis. De juin à septembre 2022, le cabinet de conseils a réalisé une enquête auprès de plus de 200 dirigeants (direction générale, financière, systèmes d’information, ressources humaines et de la communication) de 92 entreprises (voir encadré sur le panel de l’enquête). Son nom : « Transitions et digital, le baromètre des tendances du secteur agricole ». Référence agro publie les résultats, en exclusivité. « Nous savons que le secteur agricole vit de grands bouleversements en ce qui concerne les pratiques, le renouvellement des générations, etc. C’est dans ce contexte très chahuté que les OS s’intéressent à la digitalisation de leurs activités et investissent dans ce secteur. Nous voulions avoir un point de référence solide sur la situation », explique Guillaume Nanot, directeur d’Audanis.
Cette étude montre que la montée en puissance du digital et de l’omnicanal constitue certes des opportunités mais également des menaces pour les OS. Ces outils sont des enjeux de la relation entre le distributeur et les agriculteurs, qui, selon 86 % des personnes interrogées, va fortement évoluer dans les cinq prochaines années. Mais également dans le développement du e-commerce, qui devrait s’accélérer dans les cinq ans, pour 72 % des sondés.
Une part montante du e-commerce
Dans cette enquête, les directeurs de coopératives et négoces estiment que le e-commerce constituera en moyenne 16 % du flux d’affaires en appro et 25 % en collecte d’ici à cinq ans. 47 % des sondés envisagent une part de marché supérieure à 10 % de la partie appro, et 53 % d’entre eux estiment que leur part de marché collecte, via le e-commerce, dépassera 10 % sur cette période. « Ce sujet était encore inexistant à la fin des années 2010, précise Guillaume Nanot. Dans des études similaires, seulement 1 % des personnes interrogées en 2013, et 3 % en 2018, déclaraient une part du chiffre d’affaires supérieure à 10 % pour cette activité. »
L’agroéquipement est, actuellement, la famille de produits la plus concernée par le e-commerce selon les sondés (86 %), devant les engrais (70 %) et les produits phytosanitaires (47 %).
Par ailleurs, les céréales constituent le secteur le plus adapté à la digitalisation de la collecte, pour 86 % des réponses.
La disponibilité (43 %) et le prix (38 %) sont les deux éléments différenciants pour les agriculteurs, loin devant la proximité du lieu de stockage (6 %) qui reflète historiquement le lien avec l’agriculteur.
Des préoccupations et attentes différentes selon les fonctions
L’enquête d’Audanis s’est également penchée sur les préoccupations et les attentes sur le digital. La cybersécurité arrive en tête (90 %), devant la mobilisation des équipes métiers dans les projets (84 %), les évolutions réglementaires (78 %), ou le e-commerce (70 %). « Nous ne nous attendions pas à voir la cybersécurité en tête des attentes, reconnaît le directeur d’Audanis. C’est une surprise, mais une bonne nouvelle. » Les réponses varient selon la fonction occupée par le répondant dans l’entreprise. « Le top management, c’est-à-dire la direction générale et la DAF, place le e-commerce dans le top 3 des préoccupations, quand les autres fonctions sont moins affirmées sur le sujet, analyse-t-il. Cette différence de perception s’explique sans doute par la dimension stratégique et prospective pour une mutation dont l’accélération est récente. »
Du côté des directions de la communication, sans surprise, c’est la communication interne et externe qui est la première préoccupation concernant l’évolution du digital, à égalité avec la mobilisation des équipes métiers dans les projets et devant la mise en conformité réglementaire. Assurer la promotion et l’image de l’entreprise, est citée par 76 % d’entre eux, la communication avec les agriculteurs suit avec 71 %.
La digitalisation des entreprises, une réalité
Où en est la digitalisation des entreprises ? 85 % des personnes interrogées indiquent qu’elle s’est accélérée dans leur entreprise au cours des dernières années. Parmi elles, 60 % estiment que la digitalisation concerne la relation agriculteurs et 51 % les fonctions support.
« Nous constatons une forte progression comparée aux précédentes études, les investissements dans les outils dédiés à la relation agriculteurs ne constituaient pas nécessairement une priorité, ajoute Guillaume Nanot. La croissance sur la digitalisation de la relation agriculteurs se traduit par une évolution importante des sites internet et extranet, fondée sur une refonte d’image de marque. »
Quant aux investissements dans les systèmes d’information, les directions générale et des systèmes d’information indiquent qu’ils sont en croissance pour 62 % d’entre eux et stables pour 36 %. En revanche, l’enquête pointe une divergence entre les deux fonctions : 69 % des DG considèrent ces investissements en croissance contre seulement 54 % des DSI. Si de nombreux DG ont déjà ancré des investissements supplémentaires dans leur feuille de route, les DSI n’ont pas forcément les ressources financières dans leurs budgets. De plus, la digitalisation ne prend pas en compte les seuls budgets et investissements informatiques, mais également la prise de participation dans des start-ups, des projets d’innovation, de la formation salariés en interne comme au sein d’unions, des sujets pas toujours connus des DSI.
DSI, un rôle stratégique à jouer
La communication externe fera partie des lignes d’investissement digital dans les cinq prochaines années pour 81 % des répondants et 96 % des DG. Viennent ensuite les logiciels de pilotage et de gestion, pour plus de 70 % des répondants. Autre point significatif, seules les DSI placent les outils back office et de sécurité dans leur top 3 des sujets qui vont donner lieu à des investissements informatiques. Ce qui indique que les investissements liés à la sécurité informatique sont d’ailleurs mal connus, alors que la notion de cybersécurité est identifiée comme l’une des principales préoccupations pour tous. C’est également le cas des outils d’interopérabilité, qui apparaissent comme une ligne d’investissement à venir pour 71 % des DSI mais seulement pour 50 % des autres directions. « Cela témoigne du rôle majeur que la DSI a encore à jouer auprès des autres directions sur la sensibilisation et l’information autour des sujets centraux de la transformation digitale », insiste Guillaume Nanot.
La formation est un des leviers des distributeurs pour réussir leur transformation digitale. Pour trois répondants sur quatre (DRH et DSI), de nouvelles compétences sont à acquérir au sein de leur structure afin d’accompagner la transformation digitale. Ce qui passe surtout par la formation.
Panel de l’enquête
Ce sondage a été réalisé par téléphone entre juin et septembre 2022 auprès d’un panel représentatif de dirigeants de coopératives et négoces agricoles du paysage français.
La majeure partie des questions était commune à l’ensemble des fonctions sondées : direction générale, directions financière, juridique, communication & digital. Certaines questions ciblaient plus spécifiquement une ou plusieurs fonctions.
- 203 dirigeants de 92 structures ont été interrogés : 81 % de coopératives et 19 % de négoces.
- 70 % sont présentes, de manière dominante, sur le secteur des céréales, 15 % polyvalentes, 6 % dans le vin, 4 % en nutrition animale, 2 % en sucre, 2 % en lait, 1 % en fruits et légumes.
- 51 % ont un chiffre d’affaires compris entre 100 et 1000 M€, 37 % moins de 100 M€ et 12 % plus de 1000 M€.