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La distribution chez nos voisins européens

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Alors que la loi Egalim venait d’être publiée, Agrosud a mis à l’honneur de ses journées d’octobre, le 18 octobre à la Grande-Motte, le thème de l’organisation et du rôle de la distribution agricole en Europe. L’occasion de (re)découvrir l’étendue des possibles pour les distributeurs français, au travers des exemples du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Espagne.

Pragmatique, exécutante ou simple relais des firmes ? L’avenir de la distribution agricole française est au cœur des préoccupations de l’appro-collecte. Pour apporter des éléments de réponse, pourquoi ne pas regarder de l’autre côté de nos frontières ? C’est le choix fait par le réseau de négoces AGROSUD, à l’occasion de son séminaire annuel, le 18 octobre à la Grande-Motte, placé sous le thème : Organisation et rôle de la distribution en Europe.

Au Royaume-Uni, la distribution maîtrise le conseil

Au Royaume-Uni, le conseil est déjà séparé de la vente des intrants. Et ce, de manière étanche ou non. « Le marché du conseil est peu réglementé, car ce n’est pas l’Etat mais les agriculteurs qui sont à l’origine de la séparation entre le conseil et la vente, explique Jeremy Macklin directeur technologie et innovation chez le distributeur anglais Hutchinsons, adhérent à l’union de distributeurs européens Novafield. Deux modèles de séparation coexistent : soit le conseil est filialisé avec une facture séparée, soit le producteur réalise un appel d’offre pour acheter son produit. Pour prescrire, le technicien doit posséder une qualification pour les phytos (Basis), comme pour les engrais (Facts). L’agriculteur ne peut intervenir que s’il possède une préconisation d’une personne qualifiée. « Le conseil est écrit, formel et spécifique à l’usage (culture, dose), continue Jeremy Macklin. Si le conseil est erroné, le prescripteur doit rembourser la perte d’argent. Si le producteur n’a pas de préconisation, il perd une partie de ses aides. Si le produit vendu au producteur n’est pas identique au conseil, le vendeur est contraint de refaire la préconisation. » Au total, 45 % des conseillers vendent le conseil séparément. L’accompagnement est global : travail du sol, aides PAC, gestion des intrants,… Au Royaume-Uni, 90 % du marché de la distribution est détenu par cinq acteurs. Deux d’entre eux sont côtés en bourse. Le marché des phytos représente 765 millions de dollars, dont la moitié de fongicides.

Le distributeur allemand, entre grossiste et revendeur

« En Allemagne, la distribution n’a pas réussi à créer de la valeur : elle n’a pas fait sa place », explique Henri Comolet, responsable commercial Europe pour BASF. Considérés comme des « grossistes », les coopératives et négoces se partagent le marché des intrants avec des revendeurs. Tous interviennent dans la collecte. Liés aux distributeurs ou indépendants, les revendeurs s’approvisionnent auprès de plusieurs sources (firmes, coopératives, négoces) et achètent aussi des produits entre eux. Ils réalisent la moitié des ventes des phytosanitaires, dont le marché s’élève à 1,7 milliard d’euros, avec plus de 85 % en fongicides et herbicides. Dans ce paysage concurrentiel, les agriculteurs possèdent jusqu’à trois ou quatre sources d’approvisionnement. « La différenciation produit ne suffit plus, l’offre en services augmente et les coopératives investissent dans le digital. Quelques distributeurs et revendeurs ont leur propre service technique, mais ce n‘est pas généralisé », continue Henri Comolet. Le conseil reste très marqué par la typologie des exploitations, héritée de l’Histoire : un conseil plutôt privé pour les grandes entreprises agricoles du Nord/Nord-Est, et un conseil public gratuit dispensé par les Chambres d’agriculture pour les petites exploitations de l’Ouest du Sud.

En Espagne, la distribution comme relais du fournisseur

Le marché espagnol est très fragmenté, avec des cultures variées et des exploitations de petite taille. Premier exportateur mondial de fruits et légumes, l’Espagne présente plus de 60 cultures majeures. « Le marché de la protection des cultures est atomisé, explique Constance Tuffet, responsable communication chez Bayer et auparavant chef produit en Espagne. Six groupes de cultures (vigne, légumes, agrumes, fruits, olive et céréales) représentant 49 cultures comptent pour 80 % du marché, soit 944 millions d’euros. » 80 % des phytos sont vendus par la distribution. Chaque distributeur est « distributeur officiel » d’un fournisseur, avec une certaine « exclusivité », en réalité de l’ordre de 50-60 %. Il promeut en priorité les innovations de la firme, et en cas de manque dans le portefeuille, conseille un autre fournisseur. Les distributeurs vendent soit à des agriculteurs en direct, soit à des points de ventes, soit à des coopératives. « Le professionnalisme des équipes est très hétérogène et le turn-over important, autour de 40 % chaque année », continue Constance Tuffet. La vente et le conseil sont effectués par le même technicien, chaque agriculteur pouvant avoir plusieurs conseillers. La prescription est régionalisée. Il n’existe pas d’institut technique, ni de conseil privé. Dans un marché tourné vers l’étranger, le conseil du TC de l’exportateur pèse lourd.