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La distribution sur tous les fronts face aux inquiétudes de la rentrée

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Innov’agri et La Foire de Châlons marquent le début du festival des salons agricole de la rentrée et constituent de bons indicateurs pour prendre le pouls de la profession. Sur leurs stands, les distributeurs abordent les sujets chauds qui les préoccupent. Si la suppression des 3R ainsi que la séparation du conseil et de la vente sont restés en fil rouge tout l’été dans les têtes des dirigeants, la commercialisation de la récolte estivale, la qualité de la collecte d’automne et la trésorerie des exploitations occupent tout autant les esprits.

Valorisation et commercialisation difficiles

Si la récolte s’avère globalement bonne, voire très bonne en blé, du Sud-Ouest au Nord-Est, des inquiétudes demeurent pour la qualité des orges brassicoles. « Nos orges de printemps, qui représentent 70 à 80 % de nos volumes pour la brasserie, affichent des taux de protéines moyens, indique Jean-Luc Jonet, directeur agriculture de Vivescia. Le standard de qualité se situe à 10,5 %, mais une partie de la collecte affiche un taux de 9,5. Il y a un risque de déclassement en mouture et donc de baisse de prix de vente. Notre défi va être de valoriser au mieux cette récolte et d’apporter le maximum de valeur ajoutée à nos agriculteurs ».

Pour le blé, ce sont les cours actuels qui inquiètent. « Après trois campagnes compliquées, la trésorerie des adhérents est très tendue », témoigne William Bouziguet, responsable de la région Gers-Garonne pour Arterris. Depuis quatre ans, la coopérative adapte sa structure en termes d’efficience et de coûts d’intermédiation (stock, logistique, …), optimisation des stocks avec un magasin central…

Sécheresse : repenser le système de stockage des fourrages

Philippe Mangin, président de la coopérative EMC2 et vice-président de la région Grand-Est, ne partage pas complètement la satisfaction globale de cette moisson 2019. « C’est une année assez moyenne accompagnée de prix bas et loin de se stabiliser, ce qui amène à une situation pas terrible pour notre coopérative. A cela s’ajoute la sécheresse qui pénalise fortement la production de fourrage, notamment maïs ensilage dans la région, et donc l’élevage. Le secteur traverse depuis plusieurs années des crises. A ce stade, ce n’est plus conjoncturel. Il faut repenser le modèle, augmenter les capacités de stockage de fourrage, pourquoi pas avec un accompagnement de la Région. »

Une collecte d’automne mitigée dans le Sud-Ouest

« La collecte d’automne s’annonce bonne sur l’ensemble du Territoire d’Euralis, mais plus mitigée sur le secteur Toulousain sur les cultures en sec », éclaire Sylvain Claveria, directeur du territoire Occitanie pour Euralis. Le constat est identique pour VAL DE GASCOGNE qui s’attend à une récolte de tournesol et de maïs très hétérogène. Idem pour Arterris. « La collecte d’automne n’a pas encore démarré dans notre secteur, mais on sait déjà qu’elle ne sera pas record, du fait du manque de pluviométrie, explique William Bouziguet. Tournesol, sorgho et maïs en sec sont en peine sauf sur les bonnes parcelles. En revanche pour les colzas semés précocement dans de bonnes conditions, les levées sont belles, même si la surface totale est en diminution constante. »

Séparation vente et conseil : le ministre interpelé

Alors que Didier Guillaume déambulait dans les allées de la Foire de Châlons, Alain Truchon, gérant du négoce Truchon Diffusion, a interpelé le ministre sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. « J’ai recruté une équipe de conseillers, formés et diplômés dans les écoles d’ingénieurs qui dépendent du ministère de l’Agriculture. Ils sont là pour conseiller, et en aucun cas pour survendre. Nous sommes d’accord pour engager la transition agroécologique. Nous mettons d’ailleurs des solutions pour que l’agriculteur y parviennent, tout en lui garantissant une bonne rémunération. Le Gouvernement veut de l’agroécologie, mais on ne le sent pas très présent sur cette question de rémunérer les agriculteurs pour les efforts fournis. »

Vers une montée en puissance des contrats filière ?

Pour la coopérative Val de Gascogne, la séparation du conseil et de la vente rime avec contrat et qualité. « La coopérative est en réflexion sur le meilleur modèle pour accompagner ses adhérents, déjà très engagés en contrat filière, afin de maintenir un haut niveau de qualité », explique Geoffrey Goulin, en charge de l’agriculture connectée chez Val de Gascogne. Avec 25 % de ses blés contractualisés, Val de Gascogne continue sa progression.

Chez Euralis, la coopérative penche plutôt du côté du conseil. « Mais nous ne pouvons pas laisser nos adhérents sans solutions pour la vente des phytos », complète Sylvain Claveria. Plus généralement, les enjeux sociétaux sont très présents dans les discussions entre TC et adhérents. « Ces derniers nous demandent d’agir pour expliquer le bien fondé du métier, de les représenter et de discuter avec les parties prenantes, poursuit-il. Au-delà, nous devons sortir de l’approche produit pour avoir une vision globale des besoins de nos agriculteurs. C’est pourquoi, nous travaillons un service à la carte, en découpant chaque besoin : suivi parcellaire, délégation de commercialisation, prestation de travaux, etc. Jusqu’à avoir une offre intégrale où l’agriculteur nous délègue la gestion de ses terres : on fait tout ! »

Retrouver de la valeur ajoutée

Mais dans un tel contexte économique, il est toujours difficile de demander à l’adhérent de repayer un service acquis. Les coopératives s’organisent alors pour retrouver des filières plus rémunératrices. Pour Arterris, c’est par exemple « le blé BPC, bonnes pratiques culturales, avec une première récolte en 2020 qui devrait préserver une prime », éclaire William Bouziguet. Pour Euralis, les filières à forte valeur ajoutée sont le maïs Waxy, la charte Soja de France, le popcorn et les semences.

Val de Gascogne affûte sa stratégie grâce à l’agriculture de précision, le bio et la certification HVE. « Nous visons 100 % de nos viticulteurs certifiés HVE 3 pour 2021, continue-t-il. Dans le même temps, nous étendrons la certification à d’autres types d’exploitations. » Le bio fait évidemment partie de la différenciation. « Aujourd’hui, tous nos TC ont la double compétence bio et conventionnelle, explique Thomas Cantaloup, conseiller spécialisé en charge de l’agriculture numérique chez Val de Gascogne. Nous avons aujourd’hui 4 silos dédiés et environ 3 000 hectares en conversion chaque année : d’ici quatre à cinq ans, nous aurons entre 30 et 40 % du volume en bio. »