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La filière blé tendre, déjà tournée vers les prochaines campagnes

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Le 17 mai, Arvalis organisait, à la Rochelle, le premier forum blé tendre Océan Centre Ouest. Même si le blé français reste, dans le contexte actuel, très demandé, les intervenants ont insisté sur la nécessité de ne pas relâcher les efforts, notamment en termes de qualité. Car les clients sont de plus en plus exigeants. Les OS ont leur rôle à jouer pour répondre à ces demandes, à commencer par l’expliquer aux agriculteurs. Négoce, coopératives et industriels ont témoigné.

La filière blé tendre, déjà tournée vers les prochaines campagnes
La filière blé tendre, déjà tournée vers les prochaines campagnes

Le forum blé tendre Océan Centre Ouest, organisé pour cette première édition à la Rochelle, visait à lister les atouts et les faiblesses de l’offre régionale, au regard des attentes des utilisateurs, aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’export. Cette manifestation devrait à terme être dupliquée dans d’autres régions de France. Bien évidemment, le contexte actuel est particulier. La guerre en Ukraine tend les marchés et le débouché pour la collecte française ne devrait pas, sauf incident climatique majeur, poser de souci dans les mois à venir. Pourtant, les intervenants ont rappelé la nécessité de ne pas relâcher les efforts pour assurer des volumes en quantité et en qualité et de se tourner, dès à présent, vers les prochaines campagnes.

Les pays d’Afrique aussi ont besoin de blé de qualité

Yann Lebeau, responsable du bureau Maghreb-Afrique pour Intercéréales a par exemple précisé que « les acheteurs d’Afrique Subsaharienne ont besoin d’une qualité de protéines particulière, pour produire une pâte à pain capable de résister aux fortes chaleurs, aux forts taux d’humidité, au pétrissage lent… Nous ne pouvons pas leur envoyer le tout-venant. Ce marché affiche une croissance de 5 % par an avec une forte demande en blés premium. Nous préparons-nous à répondre à cette hausse ? Cela doit se traduire, dès à présent, par des implantations de variétés dédiées à ces marchés. »

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La filière blé tendre, déjà tournée vers les prochaines campagnes - © D.R.
La filière blé tendre, déjà tournée vers les prochaines campagnes - © D.R.

De g. à d. : Vincent Forestier, Pasquier ; Simon Artagnan, Minoterie Girardeau ; Yann Lebeau, Intercéréales et Cathy Hatte Costa Pinto, Terrena.[/caption]

« Ne pas tomber dans le piège de cahiers des charges privés »

Le marché intérieur aussi possède des exigences précises. « Nous avons besoin de blés et de mélanges spécifiques, pour préparer nos différentes farines, souligne Simon Artagnan, responsable achats aux minoteries Girardeau. Connaître précisément ce qui nous sera livré accroît notre visibilité et limite les achats spots pour corriger les qualités. » Ce meunier se fournit uniquement de blés français. Un argument qui séduit de plus en plus les consommateurs. « Tout comme les aspects biodiversité, carbone… souligne Vincent Forestier, chef de projet R&D chez Pasquier. Mais nous ne pouvons pas travailler ces dossiers tout seuls. Notre métier, c’est de faire des brioches. Protéger la biodiversité, stocker du carbone, nous ne savons pas faire. Les échanges avec l’amont sont incontournables. » Et Simon Artagnan d’ajouter : « le piège serait que chaque structure développe son propre cahier des charges. Nous devons travailler avec l’ensemble de la filière pour capter cette opportunité de marché et ainsi, se projeter à plus de six mois ! La vision à moyen et long terme est capitale. »

Les OS doivent convaincre les agriculteurs de faire évoluer leurs pratiques.

Les OS ont bien évidemment un rôle à jouer dans cette segmentation de l’offre souhaitée par les clients, à commencer par convaincre les agriculteurs ! « Chaque exploitant a ses habitudes, en matière de variétés, de mélanges, de pratiques de fertilisation… confirme Emmanuel Massicot, producteur dans la Vienne et président de Centre Ouest Céréales. Produire plus de protéines oui, s’il y a une carotte au bout et que le climat et les contraintes réglementaires (accès à l’eau, fertilisation azotée…) nous permettent de le faire. » Chez Isidore, des primes - et des malus - ont d’ailleurs été instaurés pour inciter les agriculteurs à produire des grains sains et de qualité. « L’enjeu n’est pas que de produire des quintaux, explique Stéphanie Bureau, directrice des activités céréales pour le négoce. Il faut produire pour vendre : avec les qualités exigées par les acheteurs. »

Trier, mélanger, alloter… et anticiper

« L’équation est effectivement de plus en plus compliquée à résoudre, poursuit Philippe Merle, directeur du pôle agriculture chez Océalia. Produire différentes variétés, oui. À condition que le collecteur soit capable de les trier et de les isoler. Cela demande de faire des choix, en amont de la récolte, pour regrouper certains lots si le nombre de cellules n’est pas suffisant. Chez Océlia, 70 % des blés partent à l’export avec des clients qui n’exigent pas la même chose. Le travail mené avec la Sica Atlantique est essentiel pour trier, mélanger, alloter. « Sachant qu’en bout de chaîne, tout ne peut pas être réparé, insiste Vincent Poudevigne, directeur général de la Sica Atlantique. D’où l’importance d’agir en amont. À nous ensuite de faire en sorte que les efforts réalisés par les agriculteurs et les OS soient préservés. Car nos clients à l’export demandent des bateaux de qualité homogène, sur l’ensemble de la campagne. »

Être proactif et partager la valeur ajoutée

Pour Frédéric Gond, producteur en région Centre et administrateur chez Axéréal, « nous devons être proactifs et faire de ces contraintes un atout, même si cela nous pousse dans nos retranchements. À ce titre, construire, échanger au sein de la filière est un réel atout pour que chaque maillon puisse partager cette valeur ajoutée. Segmenter, oui. Répondre aux attentes des consommateurs, oui. Mais cela demande et demandera une adaptation de notre savoir-faire. Nous devons aussi réfléchir à un accompagnement du risque. Car cette année le montre encore, le climat reste un élément clé dans la réussite de ce challenge. »