Pandémie : quel impact sur l’activité des coopératives ?
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La Coopération Agricole a, durant ces trois premières semaines de confinement, mené l’enquête auprès de 567 entreprises adhérentes pour faire le point, filière par filière, sur leurs activités. Beaucoup ont dû réorganiser les lignes de production, relever les défis logistiques, s’adapter pour assurer la continuité de l’alimentation. Certains marchés sont à la peine.
Le 7 avril, la Coopération Agricole a dévoilé le bilan de trois enquêtes menées auprès de 567 entreprises. L’une dédiée aux vignerons coopérateurs a collecté près de 300 réponses. Les deux autres visaient d’une part à appréhender « la gestion des commandes et de la logistique » et d’autre part, à suivre « l’évolution des commandes, des taux de service et des évolutions de tarifs au sein de la grande distribution ». Si certaines filières ont pu s’adapter aux mesures de confinement, pour d’autres, la situation est plus compliquée.
L’export et la RHD en difficulté
La filière horticole connaît une situation dramatique. Les filières de la distribution spécialisée sont fermées, alors que les coopératives horticoles réalisent près de 80 % de leur chiffre d’affaires annuel entre le 15 mars et le 15 mai.
Pour le marché de l’export, c’est le secteur du vin - déjà durement affecté par les taxes américaines - qui est le plus touché. Il voit son activité chuter de 60 %. Les produits laitiers enregistrent également une baisse des expéditions, d’environ 40 %, liée au recul de la consommation hors foyer, en Chine notamment.
La fermeture des restaurants et des établissements scolaires marque un arrêt quasi complet du marché de la restauration hors domicile (RHD). Seules subsistent 19 % des commandes habituelles, destinées aux hôpitaux et aux Ehpad.
La demande explose en beurre, farine, œUFS
Le beurre, la farine et les œufs affichent encore, pour la troisième semaine de confinement, des taux de commandes jusqu’à deux fois plus élevés qu’en période normale. La filière viticole perd 50 % de commandes en moyenne pour les boissons alcoolisées (vins, champagnes…) en grandes et moyennes surfaces, par rapport à la même période de l’année dernière.
Poulet et dinde, plus demandés que le bœuf
Les deux première semaines, les commandes de poulets et de dindes, fruits et légumes et autres produits frais (charcuterie, traiteur…) ont également affiché de fortes hausses : de 20 à 30 %. La troisième semaine, la progression était de l’ordre de 10 %. Quant à la filière porcine, la demande est stable. Pour d’autres produits comme la viande de bœuf, après des sur-commandes en viande hachée surgelée lors des deux premières semaines de confinement, les commandes se sont effondrées de près de 25 % au cours de la troisième semaine. Cette tendance est accentuée par la fermeture des rayons traditionnels dans de nombreux magasins. Les petites filières volailles (canards, pintades, pigeons), les filières veau et agneau, notamment n’ont constaté aucune hausse de commandes, voire ont enregistré des baisses dans certains cas.
Une logistique opérationnelle
Autre enseignement de cette enquête : l’importance de la logistique et du transport. Deux maillons essentiels au fonctionnement de la chaîne. Au sein des coopératives, 94 % des opérations se déroulent de manière fluide pour collecter et acheminer les produits agricoles. De même, malgré quelques retards liés à la désorganisation des flux et des hausses tarifaires, les capacités de transport routier sont disponibles dans 95 % des cas.
Des prix coopératifs stables
À ce jour, les prix de vente des produits coopératifs n’ont pas augmenté auprès des enseignes de la grande-distribution. L’enquête rappelle que, pour la plupart des produits, les prix sont fixés pour un an dans le cadre des négociations commerciales annuelles. La perception d’un prix plus élevé par le consommateur sur certains fruits et légumes s’explique notamment par une réorientation de l’approvisionnement des distributeurs vers des produits d’origine France dont les coûts de production sont plus élevés (notamment le coût de la main d’œuvre, par exemple deux fois plus élevé en France qu’en Espagne).
Témoignage
Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole
« Dans un futur proche, nous aurons besoin des consommateurs et des pouvoirs publics »
« L’un des premiers enseignements que nous pouvons d’ores et déjà tirer de cette crise sans précédent est l’importance de construire des logiques de filières et de travailler en étroite collaboration avec tous les acteurs de la chaîne. Il est également primordial de réfléchir et de travailler sur deux niveaux en parallèle : la gestion de l’activité à court terme et l’anticipation pour la suite, notamment en cherchant des solutions pour aider les filières les plus en difficulté. Dans un futur proche nous aurons besoin des consommateurs et de l’appui des pouvoirs publics français et européens pour nous épauler dans la crise économique qui, après la crise sanitaire, va frapper certaines de nos filières. Il faut la prendre en compte dès aujourd’hui dans les différentes réflexions à mener pour que les agriculteurs et les entreprises bénéficient de l’accompagnement nécessaire à leur résilience ».