« Les coopératives s’en sortent de manière plus résiliente », Yoann Mery, La Coopération agricole Grand Ouest
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Les coopératives du Grand Ouest font face à des défis liés à l’inflation, à la baisse de la production animale et aux choix de consommation. Les impacts du changement climatique, les stratégies de communication et la vie politique française sont également au cœur des préoccupations. Yoann Mery, directeur de La Coopération agricole Grand Ouest éclaire Référence agro sur cette situation à l’occasion de son assemblée générale qui s’est tenue le 18 juin 2024 à Rennes.
Référence agro : Comment vont les coopératives de l’Ouest ?
Yoann Mery : Je ne dirai pas que cela va bien, mais ça ne va pas trop mal. Les coopératives s’en sortent de manière plus résiliente que d’autres types d’entreprises, surtout celles qui ont diversifié leurs produits. Toutefois, elles ne sont pas épargnées des effets de l’inflation, et le bio ainsi que les signes d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo) sont fragilisés.
La production animale régionale continue de baisser structurellement, notamment dans les élevages bovins lait et porcins. Dans la filière volaille, les efforts de remise en état après la grippe aviaire se poursuivent. Les problématiques de transmission des élevages demeurent : investir aujourd’hui dans cette filière requiert du courage.
Avant la tendance de la montée en gamme de l’alimentation, 20 % des volailles étaient importées. Aujourd’hui, ce chiffre a grimpé à 55 %. Les coopératives s’interrogent sur le traitement de ces produits et la manière de répondre à la demande. Le consommateur n’achète pas toujours ce que les exploitants français offrent, et les importations augmentent pour des produits que l’agriculture française n’avait pas choisi de produire. Nous sommes allés vers une montée en gamme que le consommateur avait demandé, mais qu’il n’achète pas. C’était une mauvaise idée. Il est décourageant de constater que nos poulets labellisés ne se vendent plus. Redresser la barre a un coût social et économique et nous continuons de produire ce que le marché ne veut pas. Des intermédiaires seraient nécessaires. Le secteur biologique, qui a subi un effondrement, est un exemple parlant. Continuer à faire du bio met en péril les fermes. Peut-être pourrions-nous envisager des alternatives au bio, qui ont un peu de valeur, afin de réussir à sortir certaines des exploitations de cette impasse à un prix abordable. À l’opposé, une des productions qui se porte très bien est la filière lin.
R.A. : Comment s’adaptent-elles au changement climatique ?
Y.M. : Des territoires s’attendent à des baisses importantes de production. Dans l’Ouest, les effets du changement climatique sont ressentis différemment et peuvent être vus comme un atout, avec l’émergence de nouvelles productions. Par exemple, une coopérative viticole voit le jour en Bretagne. Cela va nécessiter des réflexions sur les filières de valorisation. Côté technique, l’agroforesterie commence à émerger, en particulier pour la gestion des ressources en eau, et nous devons accélérer les efforts sur le stockage de l’eau.
Par ailleurs, il va falloir se poser la question de l’impact carbone des industries agroalimentaires. Il serait prudent de ne pas vendre nos crédits carbone à des structures extérieures au secteur agricole même si nous avons l’impression de perdre de l’argent, afin de les conserver pour nos besoins futurs.
R.A. : Où en êtes-vous de votre stratégie de communication ?
Y.M. : Jusqu’à présent, nous ne communiquions pas du tout. Notre métier de base est l’influence. Mais lors de l’assemblée générale de 2023, le conseil d’administration a dit qu’il fallait prendre la parole et sortir du bois, mais uniquement sur des sujets que nous maîtrisons. Pour porter la voix des coopératives, nous irons plutôt vers les parlementaires, les institutionnels, les régions, les acteurs économiques, etc. Nous sommes en train de travailler sur un manifeste qui devrait sortir à la fin de l’année.
R.A. : Que pensez-vous de ce qui se passe actuellement dans la vie politique française ?
Y.M. : Les coopératives sont préoccupées par les élections à venir. Ce qui nous inquiète est de voir des programmes politiques qui vont à l’encontre du secteur économique agri-agro français et par la même de la souveraineté alimentaire. Cela renforce l’importance de la communication pour nos structures, d’autant plus que de nouveaux députés, novices en agriculture, pourraient être élus.