Les semenciers, pour la liberté encadrée
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Les semenciers ont porté une double exigence lors de leur assemblée générale, le 8 novembre 2011, à Paris : liberté d’innovation d’une part et réglementation claire et réaliste, d’autre part. Une liberté d’innovation qui passe, comme l’a précisé François Desprez, président de l’Union Française des Semenciers, par l’accès aux techniques les plus innovantes, dont les OGM, et aux ressources génétiques. En la matière, les textes de loi ont quelques difficultés à suivre. Pour preuve la transcription, toujours en cours, de la convention UPOV de 1991. Adoptée par le sénat le 8 juillet 2011, ce texte devait être vu par la commission économique de l’assemblée nationale le 9 novembre. Il a été finalement reporté. Il touche à plusieurs points : certificats d’obtention végétale (COV), accès aux ressources génétiques mais aussi à celui, très médiatisé, des semences de ferme. Catherine Deger
Photo : Table ronde lors de l’assemblée de l’UFS. De gauche à droite, Gérard Mermet (Francoscopie), Hervé Lejeune (ex dirigeant de la FAO) et Christian Huyghe (Inra).
Sur ce thème, l’UFS défend le principe d’une dérogation pour les semences de ferme ciblée sur une liste restreinte d’espèces, rémunératrice pour les obtenteurs et strictement limitée à l’exploitation agricole. Dans le même temps, le droit des brevets continue d’évoluer. « Le brevet est la forme appropriée pour la protection des inventions biotechnologiques, mais il nous faut veiller à limiter les interférences entre brevets et COV », a résumé Claude Tabel, président de la commission propriété intellectuelle de l’UFS. Un dossier qui reste largement ouvert, comme celui de l’harmonisation de la réglementation européenne.
Better regulation, les critères d’inscription et leur contrôle en question
La démarche, dite « better regulation » vise la simplification du cadre réglementaire européen. Soit, pour le secteur des semences, le passage de douze textes actuellement à un seul sur des thèmes aussi stratégiques que l’inscription des variétés ou la certification des semences. Six scenarii ont été soumis à consultation par la Commission, allant d’un relatif statu quo à une dérégulation. L’UFS se positionne pour un maintien des critères d’inscription, outil d’orientation de la recherche et de progrès de la génétique, mais aussi pour un rôle accru des entreprises dans les différentes étapes de la certification, sous contrôle des pouvoirs publics. L’union met en avant les efforts accomplis par les professionnels en matière de bonnes pratiques de protection des semences.
Plus franco-français, et inscrit dans la logique de ces bonnes pratiques, figurent la participation au plan qualité poussière, avec 88 % des stations maïs déjà auditées, la récupération de 350 000 tonnes d’emballages usagés en 2011 ou encore un accord passé avec les cimentiers pour détruire les semences traitées déclassées.
L’assemblée générale a acté un renforcement des moyens alloués à l’UFS, sur la base d’un nouveau système de cotisation. Il s’agit de conforter l’expertise et le poids de l’union auprès de ses interlocuteurs nationaux et européens et de porter plus haut les couleurs de la génétique et son apport dans le défi alimentaire mondial. Un objectif illustré l’après-midi même de l’assemblée générale, avec un débat sur « Consommateurs et semences : diversité des demandes, réponse des semenciers ».
La semence en phase avec les enjeux alimentaires mondiaux
Comportement des consommateurs - Êtes-vous « mutants », à 100 % pour le progrès technologiques, « mutins », adeptes inconditionnels du principe de précaution ou « moutons » ? Trois catégories proposées par Gérard Mermet, directeur du cabinet d’études Francoscopie. Qui, loin de nous enfermer dans ces cases, souligne en même temps le sentiment accru de frustration des citoyens face aux grands enjeux environnementaux, mais aussi leur responsabilisation accrue. Le tout sur fond de glissement du pouvoir de l’offre à celle de la demande. Pour Gérard Mermet, aucun doute, le consommateur citoyen a repris la main.
Nourrir 9 milliards d’humains en 2050 - Cette échéance ne doit rien au hasard. Après cette date, la population mondiale devrait commencer à se stabiliser, voire décroître. Une population qui se sera à 75 % fixée dans les zones urbaines, et qui aura besoin de 70 % de production agricole supplémentaire pour se nourrir. Ce défi peut être relevé, estime Hervé Lejeune, ex- sous directeur de la FAO, en grande partie grâce aux semences. Ce qui n’exclut pas de nombreuses incertitudes, dont celle des biocarburants.
Innovation et défis alimentaires - Pour Christian Huyghe, directeur de recherche à l’Inra, « il faut à la fois produire plus, mieux et avec moins de ressources. Nous avons sous-estimé la question de la rareté, notamment de l’eau, de l’énergie et des phytosanitaires, pour leur impact sur le milieu pour ces derniers. Ce qui suppose de penser efficience des intrants. » Les variétés sont un élément essentiel de la réponse, en les positionnant dans une approche globale des modes de culture. Et il convient de ne pas résumer le progrès génétique à la seule question des OGM, « qui n’est qu’une clé d’entrée pour ceux qui ne veulent pas du progrès génétique », a souligné Christian Huyghe. Point de vue partagé par Jean-Christophe Gouache, directeur de la branche potagère de Limagrain, pour qui les peurs suscitées chez les citoyens sont instrumentalisées. Et qui voit dans la demande du « zéro défaut » attendu par les consommateurs un frein à la diversité, en générant une uniformité et une standardisation de l’offre.