« L’essor des signatures sans résidus de pesticides est une bonne nouvelle », Gilles Bertrandias, président du collectif Nouveaux champs
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Référence environnement : Où en est le déploiement du collectif Nouveaux champs ?
Gilles Bertrandias : Le nombre de parcelles concernées par la démarche est passé de 500 à 1000 entre 2018 et 2019. La démarche fédérait 62 entreprises en octobre. Nous devrions être plus près des 65 à la fin novembre. Ce sont surtout des acteurs des filières fruits et légumes, pour lesquelles nos entreprises représentent 21 % des volumes nationaux. Mais l’ouverture est là. Nous avons trois adhérents en viticulture et d’autres sollicitations. En blé dur, nous avons accueilli Alpina Savoie, mais aussi Quinoa d’Anjou et des transformateurs, notamment des producteurs de jus de fruits.
Ceux qui intègre le collectif, dans de nouvelles productions, sont en général déjà avancés dans la démarche de production, c’est le socle, ainsi le déploiement de notre référentiel Zéro Résidu est facilité. Nous ne leur disons pas ce qu’ils doivent faire mais partageons les expériences. Aujourd’hui, 31 aliments sont disponibles sous le Label « Zéro Résidu de Pesticides » et une quinzaine sont en cours de labellisation.
R.E. : Une culture qui présente le moindre résidu de pesticide sort du périmètre de la démarche. Avez-vous noté un recul de ces produits « recalés » ?
G.B. : Il est encore difficile de juger l’évolution de ces « échecs », car nous avons beaucoup de nouveaux membres qui s’approprient tout juste la démarche. Pour ceux qui en sont à « l’an 2 », il y a évidemment moins de casse même si chaque saison est particulière notamment en lien avec le climat et ses conséquences. Pour nous tous, les itinéraires restent un peu expérimentaux. Et l’apprentissage est très fin, en croisant les résultats d’analyses de résidus et les pratiques déployées. Pour ceux qui ne passent pas le cap du zéro résidu (1), les produits vont vers les filières conventionnelles. S’ils ont investi pour changer leurs pratiques, en effet, c’est un risque de marge moindre. Mais ceux qui intègrent le collectif savent où ils mettent les pieds, ils veulent progresser sur l’évolution des pratiques et la dépendance aux pesticides.
R.E. : Que vous inspire la prolifération des labels « sans résidus de pesticides » ?
G.B. : J’en suis content. Quand nous nous sommes lancés, ça a été un tollé. Nous avons été taxés de greenwashing, d’opportunisme, de court-termisme. Deux ans plus tard, beaucoup nous ont rejoint, d’autres ont créé des démarches du même type. Nous avons échangé avec certains, avec lesquels nous partageons souvent la même vision de la transformation agricole…. Tous n’ont pourtant pas vocation à nous rejoindre. Il faut rester humble, se réjouir de cette tendance et surtout éviter de s’opposer. Pour limiter le risque de perdre les consommateurs en multipliant des signatures aux critères variables, Interfel prépare un guide sur les allégations liées aux pesticides. Tout cela va dans le bon sens.
R.E. : Quels objectifs vous donnez-vous pour la suite ?
G.B. : Il n’y a pas d’ambition chiffrée. Je ne crois pas qu’il y ait une taille critique pour le Collectif : grandissons à notre rythme. Plus qualitativement, nous voulons avancer vers la HVE. Nous allons plus loin sur le volet « pesticides », mais c’est un socle plus global pour les exploitations. Le pas à franchir pour être certifié n’est pas grand. Un quart de nos producteurs bénéficient déjà de la HVE. En 2020, ce chiffre va augmenter considérablement car tous nos adhérents suivent les indicateurs (option A) de la HVE.
R.E. : Et sur le volet communication ?
G.B. : L’idée est de continuer à gagner en visibilité. Nous avons récemment eu rendez-vous, en ce sens, avec le ministère de l’Agriculture. Nous devons aussi avancer avec les autres acteurs des filières : nous ne pouvons pas avancer seuls. Je pense notamment à la distribution. Nous ne gagnerons du terrain que si le marché rémunère nos efforts. Enfin, un grand chantier se prépare sur la réduction des volumes d’emballages « plastiques » et la mise en place d’une offre « vrac ».
Nous voulons aussi continuer à expliquer nos idées. La question n’est pas « pour ou contre les pesticides ? », mais bien comment on transforme notre agriculture, comment on fait mieux avec moins. Une agriculture sans pesticides, ça n’existe pas, quelque que soit le type d’agriculture. L’évolution des pratiques passe aussi par la capacité à partager les avancées avec les consommateurs, les citoyens, c’est aussi le pari que nous faisons. Le label Zéro Résidu est une promesse difficile, et atteindre cet objectif passe par une évolution des pratiques, pour rappel en 2018, nous avons mesuré des baisses d’IFT de 51 % chez nos membres… Nous avançons.
(1) L’absence de résidu est déterminée par un résultat inférieur à la limite de quantification, soit la plus petite valeur quantifiable par les laboratoires avec une précision « acceptable » selon le document Santé 11945/2015 de la Commission Européenne.