Lilian Bachellerie, conseiller indépendant - « Le regard des fournisseurs sur mon métier change »
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Installé depuis 17 ans dans le vignoble de Bergerac comme conseiller indépendant au sein de sa société Chrysope, Lilian Bachellerie suit une cinquantaine de viticulteurs, soit près de 1500 hectares. Une clientèle qui grandit, bien qu’il ne prospecte pas. Ses atouts ? Une connaissance approfondie de la technique et de la réglementation, pour des conseils personnalisés. Même la vision qu’ont les fournisseurs et les distributeurs de son métier évolue.
Après 13 ans passés au sein d’un négoce en tant que technico-commercial, Lilian Bachellerie fait le choix, en 2005, de devenir conseiller indépendant, dans le vignoble de Bergerac. Il suit aujourd’hui une cinquantaine de viticulteurs, installés en Dordogne, Gironde et dans le Lot-et-Garonne. « Les profils et les tailles des exploitations sont très divers, constate-t-il. De 3 à 110 hectares, en bio, conversion ou conventionnel. 80 % de mes clients sont déjà engagés sur la voie de la HVE ou du bio. J’ai toujours eu cette sensibilité de ne traiter que si nécessaire. Ma philosophie commence à être bien connue ! Ne faisant aucune prospection, je vois pourtant arriver chaque année de nouvelles demandes. Tout se fait de bouche à oreille. Mais avant de m’engager auprès d’un viticulteur, je vérifie que son projet est viable, pour lui… et pour moi. »
S’informer pour rester dans le coup
En règle générale, Lilian Bachellerie conseille ses clients sur la partie protection et fertilisation des cultures, avec analyses de sol et observation de la flore adventice, des ravageurs et maladies. « Pour asseoir ma plus-value et rester pertinent, je me dois de suivre les évolutions de gammes des fournisseurs, découvrir les nouveautés et rester à la pointe de la réglementation, explique-t-il. Pour cela, je rencontre, chaque année toutes les firmes qui le souhaitent et visite les essais qu’elles mettent en place. » Il constate d’ailleurs que les sociétés, surtout les plus petites, sont de plus en plus à l’écoute de son métier, « ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années, reconnaît-il. Désormais, certains directeur ou directeur commercial n’hésitent plus à venir me rencontrer. Parmi les grosses sociétés phytosanitaires, une seule reste en revanche toujours assez méprisante vis-à-vis de ma fonction. Mais je lui rends bien… en évitant de référencer ses solutions dès qu’il existe une alternative ! »
Chez les distributeurs, le conseil existe toujours
La relation avec la distribution agricole évolue également. « Mes clients ont besoin d’eux pour les métiers de vente, poursuit-il. Les vendeurs des coopératives et négoces me voient comme un « facilitateur d’affaires ». Mais ils doivent avoir à l’esprit que c’est toujours mon client qui, au final, choisit son programme et son distributeur. Même si certains vignerons me font confiance depuis près de 30 ans, je ne choisis jamais à leur place. Quant au conseil, malgré la séparation du conseil et de la vente des phytos, force est de constater qu’il perdure… par voie orale. Les adhérents des coopératives et clients des négoces ont à ce titre, à mon sens, perdu en qualité de conseils. Je ne dis pas que tous les technico de ces entreprises se valent : certains sont très bons mais ne peuvent plus conseiller comme avant. D’où l’arrivée de nouveaux clients dans mon périmètre et la volonté de certains technico-commerciaux d’évoluer. »
Le métier de conseiller indépendant fait des émules
En effet, depuis deux ou trois ans, Lilian Bachellerie est régulièrement sollicité par des conseillers qui souhaitent, à leur tour, s’installer à leur compte. « Je prends toujours le temps d’échanger avec eux, confie-t-il. Cette bienveillance, je ne l’ai pas toujours eue quand je me suis installé. Or, se lancer n’est pas simple. Être accompagné sur le plan juridique et sur la RPC, la Responsabilité civile professionnelle, notre assurance obligatoire, est par exemple très important. Quand on démarre de zéro, l’enjeu numéro un est de gagner la confiance des prescripteurs. Dans ce cadre, être un ancien TC est plus simple car le réseau est déjà en partie en place. Je constate qu’il est également moins risqué de s’installer en vigne qu’en grandes cultures car la valorisation du tarif à l’hectare est moins compliquée. »
Attention aux fausses économies en fertilisation
Pour la première fois cette année, « je pense voir des exploitations disparaître, prédit-il. Avec le gel, la grêle et la sécheresse, s’ajoutent des difficultés de commercialisation des vins. Dans ce cadre, mon rôle est de chercher encore à optimiser les charges, à commencer par les dépenses en phytosanitaires et en fertilisation. Dans la région, en moyenne, le poste phyto, c’est entre 500 et 900 €/ha de vigne. Lilian Bachellerie réussit à conseiller pour 40 à 50 % moins cher, en observant et raisonnant chaque traitement, sans impacter le rendement. « En fertilisation, attention en revanche aux fausses économies, prévient-il. Face aux aléas climatiques, il est capital d’aller chercher le rendement et cela passe par un sol bien nourri. Ne pas hésiter à investir dans les parcelles les plus prometteuses pour opter pour des solutions plus économiques ailleurs. » Et ce, sans oublier l’un de ses objectifs : « minimiser l’impact des traitements sur l’environnement, la biodiversité et la santé de ceux qui vivent au sein du territoire, à commencer par les vignerons eux-mêmes. » À ce titre, Lilian Bachellerie est fier d’avoir participé, avec d’autres influenceurs locaux - vignerons, techniciens de caves coopératives, conseillers de la chambre d’agriculture, vendeurs de la distribution… - au déploiement de la confusion sexuelle sur son territoire : près de 3000 ha désormais couverts. Une dynamique qui devrait se poursuivre.