Livre blanc de la coopération : rendre cohérents les enjeux agricoles
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Loi de modernisation de l’agriculture, Pac 2013, OMC… L’équilibre de l’agriculture française tient à des débats hautement politiques, dont les acteurs sont parfois très loin des réalités du terrain. En présentant le 12 mai un Livre blanc « Comment moderniser notre agriculture », Coop de France entend clarifier les débats en cours, en lançant « un appel des coopératives au pragmatisme et à l’intelligence collective ». Fort de son poids dans l’économie agricole et l’agro-industrie, Coop de France rassemble ses revendications dans dix propositions. Les principaux messages sont centrés sur le sens à donner aux aides agricoles, les mécanismes de régulation du marché, le rôle des organisations de producteurs et le concept d’agriculture écologiquement intensive. En toile de fond : le rôle spécifique de la coopération. C.D.
Photo : Philippe Mangin, président de Coop de France : « dans une situation de gel des dépenses publiques, développer les initiatives privées dans un cadre collectif grâce aux coopératives ».
« L’enjeu est aujourd’hui de produire plus avec moins », a introduit Philippe Mangin, président de Coop de France. « Ce n’est possible que si la Pac accompagne cette mutation avec des aides versées dans le cadre de contrats pluriannuels, tenant compte des spécificités régionales, et qui feraient l’objet d’une évaluation ». La justification serait la conformité des changements avec la transformation des modes de production.
Dépenser moins en régulant plus
Le climat de rigueur budgétaire justifierait-il une autre régulation des marchés ? C’est ce qu’estime Coop de France qui propose que soit créé par le G 20 un « niveau de stock tampon partagé entre grandes puissances » pour lisser les aléas de l’offre et la volatilité des cours. Ce qui suppose que l’agriculture ne soit plus une variable d’ajustement dans les négociations au sein de l’OMC. Sur un plan communautaire, ces mêmes fluctuations de l’offre, inhérentes à la production agricole, seraient modérées par « un système de stockage public et privé, avec une clause de sauvegarde vis-à-vis des pays tiers en cas de crise ». L’introduction de la notion de stockage privé a pour objectif de décourager la spéculation. « Il ne faut pas voir dans ce système un débouché facile en cas de surproduction », a précisé Philippe Mangin, proposant de mettre en place « un mécanisme de co-responsabilité de type assurantiel ».
Des organisations de producteurs nécessairement à vocation commerciale
Quant au niveau national, la ferme France se caractérise par son inorganisation, qui fragilise les agriculteurs dont 70 % de la production va vers les industries agroalimentaires, alors que 80 % des achats passent par cinq enseignes. « La loi de modernisation agricole aborde timidement ce thème, assure Philippe Mangin. Elle ne tranche pas sur la question des organisations de producteurs en reportant sa décision à un bilan en 2012. Or, les bilans existent. Les tiroirs du ministère de l’Agriculture en sont pleins ! ». Pour Coop de France, il n’est pas possible de concilier l’indispensable structuration des filières sans reconnaître la primauté des organisations de producteurs commerciales, et à plus forte raison, celui des coopératives. D’où une position très claire : « Les coopératives ne contracteront qu’avec leurs adhérents ».
Contractualiser, trois fois oui !
Pour autant, Coop de France « dit trois fois oui à la contractualisation ». Se référant au manque de résultat de la LME, Philippe Mangin rappelle qu’il n’y a pas meilleure transparence que celle obtenue grâce aux contrats. « Il faut définir les accords cadres au sein des interprofessions, où les coopératives doivent siéger en tant que telles », la contractualisation par décret ne devant intervenir qu’à défaut d’accord interprofessionnel. Une contractualisation qui irait bien au-delà de la collecte de la matière première, où chaque maillon garantirait pour une partie de la production des règles de fixation de prix.
Oui à l’agriculture écologiquement intensive
Coop de France s’inquiète d’un « mauvais bruit de fond », où « le lobby paysan aurait gagné en obtenant moins d’écologie ». Et préfère clamer avec vigueur son attachement « à une écologie rationnelle fondée sur l’innovation », OGM inclus. « Le gouvernement s’est trompé en écoutant les partisans de la décroissance », a expliqué Philippe Mangin, qui invite à s’interroger sur la progression des produits premiers prix dans les rayons et la perte de parts de marché de la France sur ce segment. « En misant sur les produits de qualité, on répond peut-être aux attentes des consommateurs, mais pas à leurs besoins. Depuis des années, nous sommes mobilisés sur une agriculture de qualité et écologiquement correcte, au détriment de la compétitivité ».
Edité à 3 500 exemplaires, le Livre blanc a été adressé aux parlementaires, partis politiques, ministères, organisations professionnelles agricoles, ONG environnementales et réseau européen.