« Nous passons à la vitesse supérieure sur la transition agroécologique », Frédéric Chausson, Sodiaal
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La coopérative laitière Sodiaal a annoncé le lancement de Sodiaal Transitions, une plateforme destinée à accélérer le financement de la transition environnementale et sociale des 8500 fermes adhérentes à la coopérative laitière, lors du Space à Rennes le 19 septembre 2024. Explications avec Frédéric Chausson, directeur des relations extérieures et du développement durable.
Référence agro : Quelles sont vos ambitions en matière de décarbonation ?
Frédéric Chausson : L’amont laitier représente 80 % de l’empreinte carbone de Sodiaal. L’objectif de la coopérative est de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030 sur l’ensemble du groupe, de 20 % au niveau des agriculteurs car nous avons une baisse régulière de la collecte depuis plusieurs années, et de 50 % au niveau de la supply chain, soit nos usines. Si Sodiaal bouge avec son poids national et 20 % de la collecte française, l’impact sera important sur la filière laitière. Nous pensons que nous pouvons avoir un effet d’entraînement sur les sujets de biodiversité et de captation du carbone.
Nous avons déjà réalisé de nombreuses actions.
- 76 % de nos éleveurs, soit 6500 éleveurs, ont réalisé un autodiagnostic Self CO2 de l’Institut de l’élevage en 2023, que nous avons lancé il y a cinq ans. C’est une approche assez légère mais qui a l’énorme mérite de caractériser les émissions au niveau de l’exploitation. Nous disposons d’une base de données unique en France sur les émissions de gaz à effet de serre de la filière laitière.
- 1900 diagnostics Cap2ER ont été réalisés en 2023. C’est un diagnostic plus poussé de l’exploitation.
- 280 éleveurs sont engagés dans le label bas-carbone en 2023, une démarche qui se met en place progressivement chez nous.
Ces actions ont permis d’atteindre une émission de 0,92 kg de CO2 par litre de lait en moyenne en 2023.
Comment va fonctionner la plateforme Sodiaal Transitions que vous mettez en place ?
Frédéric Chausson : Elle part du constat que nos clients veulent agir sur la durabilité sans savoir comment faire. Les partenaires qui abonderont le programme pourront valoriser leur investissement, notamment avec la baisse du scope 3. De notre côté, nous voulons intégrer la durabilité dans la chaîne de valeur, car les actions sont onéreuses, et accélérer le financement de la transition.
Grâce à Sodiaal Transitions, nous offrons à nos partenaires des services permettant de financer des projets de durabilité :
- l’achat de matériel ou de services pour les éleveurs permettant la réduction des émissions de CO2 (micro-méthaniseurs sur les fermes, panneaux photovoltaïques, etc.) ;
- la régénération de la biodiversité, avec le financement de projets tels que l’implantation de haies ;
- l’allocation de volumes de lait selon leur empreinte carbone ;
- l’amélioration du quotidien des éleveurs, à travers le financement de jours de congés ou de formations.
Quels sont vos objectifs avec Sodiaal Transitions ?
Frédéric Chausson : Nous avons pas mal de discussions avec un certain nombre de clients. Nous sommes en train de signer un contrat important, de plusieurs millions d’euros, sur le lait bas carbone, mais nous ne pouvons pas dévoiler l’identité de la structure. Nous espérons signer une dizaine de contrats en 2025.
Il nous faut encore nous rôder sur le plan juridique, faire appel à des commissaires aux comptes pour certifier la comptabilité carbone. Le système d’autodiagnostic, avec Self CO2, peut être pris en compte s’il y a 5 % de contrôles physiques sur l’ensemble des exploitations impliquées. Nous calons le dispositif. C’est le début d’une histoire.
Vous avez lancé une prime durabilité le 1er avril 2024. Quels sont les premiers résultats de cette action ?
Frédéric Chausson : Notre objectif est de récompenser les éleveurs réduisant leur empreinte carbone et favorisant des projets pour la biodiversité. C’est une première en France. 3000 éleveurs ont reçu une prime moyenne de 1,9 € pour 1000 litres de lait, avec un maximum de 5 € pour 1000 litres de lait depuis le lancement. Sodiaal prévoit un investissement annuel de 10 M€. Là aussi, nous sommes en train de caler le dispositif.
Vous engagez d’autres actions plus larges sur la décarbonation : quelles sont-elles ?
Frédéric Chausson : Nous lançons en effet d’autres actions, en parallèle de Sodiaal Transitions :
- une cellule chargée d’identifier les meilleures pratiques à travers le monde ;
- deux fermes expérimentales en 2025 près de Rennes (Ille-et-Vilaine) et de Lyon (Rhône-Alpes) ;
- 20 fermes pilotes en 2025 chez des éleveurs ;
- 200 conseillers formés pour accompagner les éleveurs. Le métier est en train de changer et nous voulons faire progresser nos coopérateurs dans la durabilité.
Nous passons clairement à la vitesse supérieure sur la transition agroécologique.
Nous allons également intégrer cela dans notre politique tarifaire qui s’applique aux négociations commerciales. Pour que les producteurs puissent vivre de leur métier, il faut un tarif durable, augmenté de 2 à 3 %.
Nous voulons être proactifs et que les actions mises en œuvre correspondent à nos convictions : nous croyons au lait, la transition est un effort collectif financé par tous, imposer des règles descendantes est exclu, la transition est fondée sur la science.
Il faut également rappeler que les produits laitiers permettent d’avoir un bon apport de protéines, avec un impact environnemental réduit et un coût accessible pour le consommateur. Malgré l’inflation, nous n’avons pas observé de décroissance de la consommation des produits laitiers.