Olivier Claux, MG Consultants - « Séparation de la vente et du conseil des phytos : être d’ores et déjà proactif »
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Avant la publication de l’ordonnance sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, prévue, normalement, au premier trimestre 2019, mieux vaut éviter de laisser le flou s’installer. Le management des équipes est un point essentiel, mais pas le seul. Tout est à remettre à plat, en fonction de chaque scénario. Quantifier l’impact, humain et financier, permet de mieux réagir, avant que ne s’installe durablement un climat anxiogène. L’analyse d’Olivier Claux, directeur associé de MG Consultants.
La séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires se prépare. Le Gouvernement compte publier l’ordonnance au premier trimestre 2019 pour une application au 1er janvier 2020. Comment les entreprises de la distribution peuvent-elles se préparer à aborder ce changement ?
Les grandes lignes de cette loi sont écrites : la séparation sera capitalistique avec une incompatibilité affirmée par le Gouvernement de posséder, au sein d’une même entreprise, des équipes dédiées à la vente et au conseil des produits phytosanitaires. Si tout le monde est convaincu que les fondamentaux stratégiques du monde de la distribution sont à réinventer, dans les faits, personne ne sait encore précisément comment. L’organisation des équipes est à repenser. Mais pas seulement : que l’on choisisse de garder la vente ou le conseil, c’est l’ensemble du projet de la coopérative ou du négoce qui doit être redéfini. À ce stade, certains se projettent déjà… mais ils sont rares. Peu d’entreprises ont déjà fait leur choix. Beaucoup attendent que les grandes lignes de ce projet soient précisées via une ordonnance dont la publication est attendue pour le premier trimestre 2019. Sur ce dossier, mon conseil est d’aller de l’avant en évoquant, en conseil d’administration ou de direction, toutes les questions soulevées par la séparation de ces deux activités… même celles qui peuvent faire peur, comme l’éventualité de devoir licencier ou d’abandonner tout un pan de l’activité de l’entreprise. Toutes les hypothèses doivent être étudiées en quantifiant l’impact, humain et financier. Au final, le coaching des équipes terrain n’est qu’un élément des conséquences de ce projet de loi : un élément clé mais pas le seul à prendre en compte. Un vrai travail de fond est à entreprendre sur l’ensemble des activités. Alors autant poser les jalons dès à présent.
La demande de conseils de la part de vos clients distributeurs a-t-elle évolué ces derniers mois ?
Oui, bien évidemment. Nos clients ont besoin de ce regard extérieur, de cet accompagnement pour se projeter. Nous les aidons à identifier les différents scénarii possibles : vente et conseil ne pourront plus coexister ; je garde la vente des phytos ; je garde le conseil ; et enfin, le plus optimist,e mais celui auquel certains croient fermement, rien ne va changer. L’enjeu est de les confronter à la réalité, dans un contexte de plus en plus concurrentiel où il est important d’être proactif.
Parmi vos clients, certains ont déjà écrit tous les scénarii possibles, pouvez-vous nous donner quelques éléments clés qui ont guidé leur réflexion ?
L’idée première est d’anticiper pour ajuster l’organisation, les missions de chaque collaborateur terrain de l’entreprise puis passer à une phase de formation si elle s’avérait nécessaire. Mais les différentes versions des textes les ont conduites à temporiser à présent. Tant que l’ordonnance définitive n’est pas actée il peut y avoir encore beaucoup d’incertitudes et se lancer dans des hypothèses peut relever de la théorie pure. Nous ne pouvons que conseiller aux entreprises d’anticiper la montée en compétences commerciales de leurs équipes : vendre un conseil, si c’est le volet conseil qui est retenu, est une démarche de vente bien plus complexe que celle de produits basée sur des arguments techniques. Un vrai enjeu, quelque soit le volet retenu par les distributeurs.
Quel conseil pour ceux qui n’arrivent pas à choisir entre le conseil phyto ou la vente ?
Pour se positionner, l’équipe dirigeante doit mettre en place une projection stratégique à moyen terme. Opter pour l’une ou l’autre de ces deux activités n’est pas un choix dogmatique mais rationnel, fondé sur les forces actuelles et futures de l’entreprise. Toute perte de marché appelle à devoir se projeter pour la réduire ou la substituer par d’autres activités, et à prendre des décisions fortes en termes de projets et d’organisation des équipes.
Chaque entreprise est différente et se doit donc de travailler sa stratégie et de la rendre la plus différenciante possible par rapport à ses concurrents. Pour certains, ce sera l’expertise du conseil agronomique, pour d’autres le développement de nouvelles activités ou encore l’élargissement pour intégrer davantage les productions agricoles dans une chaîne alimentaire globale avec de nouveaux partenaires. Le tout en lien avec son territoire et ses spécificités.
Le point essentiel pour que cette transition soit aussi portée par les salariés de l’entreprise ?
C’est la communication ! Les menaces externes sont les plus difficiles à appréhender pour les salariés. Il faut expliquer les enjeux et les conséquences possibles sur l’entreprise, sans dramatiser ni édulcorer. Rappeler que la direction a bien pris en compte ce changement et travaille à le gérer au mieux. L’actualité montre que le manque de communication régulière cristallise les peurs et amène les personnes à s’inquiéter davantage.
Et pour les équipes les plus concernées directement, ne pas hésiter à les réunir, à écouter, à échanger pour que les salariés soient intégrés dans la discussion et sentent leurs cadres présents et soucieux de trouver, avec eux, les meilleures pistes pour gérer ce cap.