Patrick Aps, directeur général de Cap Seine - « Garder le cap dans cette actualité anxiogène »
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Dans une actualité riche et mouvementée, les entreprises doivent réussir à garder le cap pour mener à bien leurs projets. Certains s’annoncent de taille, à l’image de la fusion entre Cap Seine et Interface Céréales, prévue pour le 7 décembre. Référence Appro a souhaité donner la parole à Patrick Aps, le directeur général de Cap Seine, pour prendre le pouls à quelques semaines du vote.
Référence-Appro : Tout s’accélère. La pression sur les phytos, et plus largement sur le monde agricole, grandit. Quel est votre sentiment ?
Patrick Aps : J’en ai assez d’entendre et de lire, à longueur de journées, dans les médias grand public, dans les discours des politiques ou de la société civile… des propos fustigeant les agriculteurs. Ces mots, qui souvent prennent les producteurs pour des imbéciles, sont insupportables. Non, nos adhérents ne sont pas accros aux produits phytos ! Non, ils n’en utilisent ni par plaisir ni par excès. C’est un poste de charges utile à la rentabilité de leurs exploitations. Depuis des années, nous cherchons des alternatives pour limiter l’utilisation et l’impact de ces produits. Mais cela ne se fait pas en un claquement de doigt. L’objectif du projet de loi Egalim est louable mais si son application va jusqu’au bout, les conséquences seront très impactantes pour nos entreprises.
R.A. : Dans quelles mesures le projet de loi Egalim va-t-il impacter vos métiers ?
P.A. : Une séparation capitalistique entre la vente et le conseil des phytos induira inéluctablement un recalibrage de nos équipes ! Est-ce vraiment cela que souhaitent les politiques ? À eux d’assumer ensuite de telles conséquences. Le problème : depuis des mois, nous passons par toutes les phases, toutes les hypothèses sont émises. Des zones d’ombre persistent. Certains évoquent un conseil annuel de 1 500 € pour les agriculteurs ! Une charge supplémentaire considérable. Que deviennent nos agréments distributeurs, les certiphytos, les précophytos, l’expertise de nos équipes de TC ? La situation actuelle s’avère très anxiogène pour nos salariés. Nous allons devoir repenser notre organisation alors que nous disposons d’experts terrains formés, à la pointe et qui aiment leur métier. Ces experts n’ont pas d’autre objectif que la marge brute de l’agriculteur !
R.A. : Avez-vous pu échanger avec les politiques locaux pour exprimer vos craintes ?
P.A. : Oui, à maintes reprises avec les députés et sénateurs. Certains écoutent, d’autres moins… voire pas du tout. Je leur ai ainsi expliqué que demain, n’importe qui pourra s’improviser marchand de phytos. Sur certains sites internet, entre les slips et les tondeuses, il est désormais possible d’acheter des produits phytos ! Quid dans ce cas de la dangerosité présumée de ces solutions tant décriées ? Je crains aussi que certaines sociétés phytosanitaires ne profitent de l’occasion pour vendre en direct, auprès des agriculteurs. Que deviendront les unions d’appro ? Toute l’organisation mise en place ces dernières années va être totalement remise en cause.
R.A. : Et pourtant, vous restez confiant quant à la réussite de votre projet de fusion avec Interface Céréales ?
P.A. : Oui bien évidemment. L’actualité réglementaire ne doit pas perturber notre projet régional. Nos entreprises sont complémentaires tant à l’échelle du territoire, qu’au niveau du profil de nos adhérents et de nos clients, de nos activités, de l’ancrage sur le port de Rouen pour Interface et de la diversification des productions pour Cap Seine. L’objectif est avant tout de capter de la valeur ajoutée à l’amont et à l’aval pour rendre plus « robustes » les exploitations et l’entreprise.
R.A. : Vos adhérents vous suivent-ils dans ce projet ?
P.A. : Les nombreux échanges que nous avons eus avec eux s’avèrent à ce jour très positifs. Bien sûr certains évoquent quelques craintes dont la perte de proximité ou de services. À nous de les rassurer et de leur expliquer que la taille de l’entreprise n’a pas d’importance : le dispositif que nous adopterons sera garant de cette proximité. Nous sommes bien évidemment confiants sur l’issu du vote qui aura lieu le 7 décembre pour les deux entreprises.
R.A. : Quels sont les changements prévus au sein de l’organigramme ?
P.A. : Tout n’est pas encore calé mais Sabine Enjalbert, l’actuelle directrice générale d’Interface va intégrer le Comex du nouveau groupe constitué avec une fonction centrale : celle de directrice du service innovation et agriculture durable. Un positionnement transverse au sein des activités business et support pour accroître les performances.