Référence agro

Philippe Mangin, Coop de France, « les clignotants sont passés au rouge »

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L'agriculture semblait bien résister à la crise qui touche l'essentiel des secteurs économiques en France. En tout cas jusqu'à cette rentrée, où une grande partie des indicateurs sont passés de l'orange au rouge, comme l'a souligné Philippe Mangin, le 3 septembre, lors de la conférence de presse de rentrée de Coop de France.

L'embargo sur la Russie (voir autre actu dans cette lettre) vient accentuer un ralentissement de l'activité économique particulièrement sensible sur les industries agro-alimentaires : recul de 2,2 % de l'activité en 2013, qui se poursuit sur le premier semestre, conjugué à une baisse des prix à la consommation : - 1,4 % sur un an en juillet 2014 sur l'alimentation et - 9 % sur les produits frais. Une fois n'est pas coutume, c'est dans la politique gouvernementale que Coop de France puise le plus de raison d'espérer : « nous souhaitons la pleine réussite de ce gouvernement », a indiqué Philippe Mangin, satisfait de « la réconciliation qu'il tente de réaliser avec le monde de l'entreprise. » Il n'en attend pas moins un retour concret, en termes d'allégement des contraintes, notamment environnementales et des prélèvements qui pèsent sur les entreprises. Le président de Coop de France a rappelé la bataille gagnée sur le terrain de la compensation du CISE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) puisque les coopératives seront exonérées de la taxe C3S. Cette dernière correspond à 50 millions d'euros, sur un « manque à gagner » de 100 M€, que les coopératives souhaitent compenser totalement.

Emmanuel Macron, « un fin connaisseur du monde coopératif »

Ce dossier sera repris avec Emmanuel Macron, nouveau ministre de l'Economie. La nomination « d'un fin connaisseur du monde coopératif, y compris agricole », a été accueillie avec satisfaction. Peut-être entendra-t-il les récriminations des professionnels sur le retour de l'écotaxe ou leur impatience à voir publier les décrets d'application de la loi Hamon ? La régulation des relations producteurs/distribution permettrait de limiter la « spirale négative liée à la course effrénée à la baisse des prix des produits alimentaires, qui ne bénéficient à aucun des maillons de la filière. » Première conséquence tangible : les annonces d'alliances ou d'acquisitions se font rares, les sociétés mettant en sourdine leurs projets pour se centrer sur la recherche de compétitivité en interne.


Accélérer la concentration de l'offre à l'international


La grande diversité des filières et des productions en France constitue à la fois une richesse, mais aussi une faiblesse lorsqu'il s'agit de peser sur les marchés internationaux. Un constat récurrent qui a conduit Coop de France à créer un pôle agro-alimentaire. La réponse se situe essentiellement au niveau national, où « il reste beaucoup à faire en matière d'accompagnement pour faire émerger de grands groupes coopératifs », estime Philippe Mangin. Elle passe aussi par des groupes coopératifs transnationaux. Dans le domaine du végétal ou dans celui de l'alimentation animale, où InVivo pourrait apporter des réponses concrètes à court terme. « Il ne faut rien s'interdire », a souligné Philippe Mangin, qui assure également la présidence de l'union nationale des coopératives.


En céréales, « nous retrouvons les fondamentaux du métier »


Peu satisfait de  la manière dont les médias dramatisent la question de la récolte de blé cette année, Philippe Mangin entend rassurer les clients, tout particulièrement du bassin méditerranéen. « Nous retrouvons les fondamentaux du métier », a-t-il indiqué. Analyse des lots, allotements, gestion des flux… les coopératives sont mobilisées. « Nous satisferons bien sûr la demande de la meunerie française, de l'industrie amidonnière et de l'alimentation animale. » Avec une demande explicite en direction les acheteurs de blé fourrager pour qu'ils stockent sur 18 mois, profitant à la fois de la faiblesse des prix et d'un coût de l'argent historiquement faible. Il s'agit de limiter l'impact sur les trésoreries des céréaliers de la conjonction de prix faibles et de qualités hétérogènes. L'inquiétude se focalise cependant sur les fruits et légumes. « Une filière carrément menacée par la concurrence étrangère,  même sans tenir compte de l'embargo sur la Russie ».

Elevages, un regard mitigé sur la reprise de Gad  


Les filières animales se tiennent globalement mieux, à l'exception de la volaille. La situation en Bretagne, qualifiée d'ubuesque, est dominée par les dossiers Doux et Tilly Sabco. « Des acteurs comme Sofiprotéol ou In Vivo pourraient être parties prenantes », a réitéré Philippe Mangin, soulignant que l'endettement de ces deux groupes est porté à bout de bras par les coopératives. Sur le dossier porc, la reprise de Gad ne réjouit pas Coop de France sur le long terme. « Il n'y a qu'en France que certains distributeurs veulent devenir industriels, et nous craignons que ne soit activée une stratégie de produits d'appel pénalisante pour l'ensemble de la filière. »