Référence agro

Qualité panifiable 2014 : OS et céréaliers à la peine

Le | Cooperatives-negoces

Problématique de grains germés oblige, la qualité panifiable 2014 est mauvaise dans la principale zone de production française de blé meunier. Stockeurs et meuniers s'adaptent à cette situation difficile, mais coopératives et négociants craignent les conséquences financières très négatives pour de nombreux céréaliers.

 

Pour une grande partie du bassin de production français de blé meunier, la collecte 2014 s'avère très mauvaise compte tenu des problèmes qualitatifs engendrés par la germination des grains sur pied (lire notre actualité du 25 juillet). Car si globalement la moisson nationale de blé est plutôt bonne en quantité (lire également dans cette lettre), la qualité est très hétérogène avec une forte dégradation des indices de chute de Hagberg dans une vaste zone allant de la Picardie au Rhône-Alpes, en passant par le Bassin parisien, la Beauce et la Bourgogne, régions où de nombreux céréaliers misent essentiellement sur les atouts de leur blé meunier. Et les incertitudes demeurent dans les régions plus au Nord où la collecte est à peine terminée.

Or, avec des indices de Hagberg ne dépassant pas les 180, voire beaucoup moins, les récoltes de blés meuniers vont se trouver fortement dévalorisées. La norme en meunerie française se situe en effet à 220, et les clients à l'export, notamment dans le Maghreb, réclament des indices de Hagberg parfois plus élevés. « Le manque à gagner du déclassement sera énorme pour les céréaliers et beaucoup vont devoir vendre leur récolte à un prix inférieur à leurs coûts de production qui se sont envolés ces dernières campagnes », prévient ainsi Germain Bour, directeur de la coopérative Cerepy (89), dont 70 % de la collecte de blé meunier analysée affiche un indice de Hagberg inférieur à 150.  Du point de vue de nombreux analystes, quand des blés meuniers de bonne qualité peuvent se vendre au moins à 170 €/t, des fourragers peineront à être achetés 120 €/t, alors que les coûts de production sont souvent estimés au delà 160 €/t.

 

Difficultés de trésorerie, d'allotement…

 

« Nous allons devoir accompagner les céréaliers face à de grosses difficultés de trésorerie et nous prenons d'ores et déjà des mesures pour retarder le paiement des engrais », poursuit Germain Bour. « Les céréaliers vont avoir une prochaine campagne difficile et cela aura des répercussions sur toute la filière », prévoit également Philippe Forgeret chez AGROPITHIVIERS (45). « Dans une année difficile comme celle-ci, il faut se montrer solidaire », souligne Pierre Guez, DG de Dijon Céréales, coopérative qui a déjà organisé une série de réunions avec ses adhérents afin d'échanger sur cette moisson difficile et les conséquences économiques pour les exploitations.

Face à cette situation, l'urgence pour les collecteurs concernés est donc de valoriser au mieux ce qui peut l'être. Alors que la récolte n'est pas partout terminée, les analyses se multiplient tous azimuts dans les silos et chez les meuniers pour déterminer le niveau d'acceptabilité de la qualité 2014 pour la panification. « Les essais sont en cours pour voir les possibilités de panifier correctement des blés d'indice de Hagberg avoisinant les 180. Les meuniers, contraints de s'approvisionner à proximité de leurs moulins, étudient les possibilités de correction en fonction des variétés et des taux de protéine », confirme Bernard Valluis, président de l'Association nationale de la meunerie française (ANMF).

Les OS font de plus face à des difficultés d'allotement, car en matière de qualité panifiable, la loi des mélanges ne fonctionne pas. « Un blé à faible indice de Hagberg mélangé à un autre à fort indice ne va pas fournir un lot d'indice moyen, mais au contraire dégrader la qualité de l'ensemble du lot », précise Bernard Valluis.

 

… et de recherche de débouchés fourragers

 

Du côté de l'export, l'offre de blé meunier français 2014 va par ailleurs avoir du mal à être concurrentielle. « En raison de primes à la qualité sur le marché intérieur, le prix du marché physique français va se trouver de plus en plus déconnecté de celui du marché à terme qui sert de référence à l'export », analyse le président de l'ANMF. En attendant, les silos portuaires s'organisent face à des difficultés pour faire des lots homogènes avec des qualités très hétérogènes. A Rouen, Sénalia vient de repréciser les critères de qualité des livraisons acceptées dans ses silos : indice de Hagberg de 220 et taux de protéines de 10,5 %. « Nous recevrons des marchandises de qualité inférieure dans la mesure où elles ont un débouché contractualisé, clairement identifié et communiqué à Sénalia, précise Laurent Martel, DG de Sénalia. Nous mettrons toute notre puissance logistique au service de la filière d'export pour accompagner la recherche et l'exécution de contrats sur forcément des marchés différents de ceux habituels (Maghreb) ».

Certains stockeurs se trouvent par ailleurs confrontés à des difficultés de recherche de clients pour leur nouvelle collecte déclassée, surtout quand ils étaient habitués à écouler 100 % de blés meuniers. Les contrats avec ces derniers doivent parfois être résiliés, car basés le plus souvent sur des indices de Hagberg de 220. Les plus gros organismes stockeurs semblent mieux faire  face à ces problèmes de recherche de débouchés. « Avec une collecte sur neuf départements et tous les types de débouchés, notre organisation nous permet de bien anticiper les besoins et de regrouper facilement les lots pour mieux répondre aux différentes demandes », explique par exemple Thierry Renard, responsable communication chez Axéréal (45).

Les OS peuvent aussi compter sur leurs organisations en unions pour mieux commercialiser des qualités très hétérogènes. « La commercialisation s'avère délicate et technique. Notre union Cerevia est sur le pont pour trouver des débouchés pour près de 500 000 t supplémentaires destinées à l'alimentation animale, débouchés souvent visés par d'autres régions dont la collecte n'est pas meilleure », commente Dijon Céréales.