Rassurer, donner le cap… Les présidents des coop peaufinent leur discours à la veille des assemblées générales
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L’assemblée générale de Centre Ouest Céréales aura lieu le 6 décembre et déjà, Philippe Delafond, le président, réfléchit au contenu de son discours. « Un exercice compliqué cette année tant l’actualité est morose et anxiogène pour le monde agricole. Les sujets d’inquiétude sont nombreux : pression sur les phytos, critiques sociétales sur nos modes de production, évolution de nos métiers… Sans oublier le climat ! Dans notre secteur, entre les colzas qui ont souffert de la sécheresse et les blés qui ne peuvent pas être implantés à cause des excès d’eau, certains agriculteurs n’ont ensemencé que 20 % de leurs cultures d’automne. Pour eux, la priorité, c’est la sauvegarde de leur exploitation. Si je ne peux l’ignorer, je dois rester optimiste, donner le cap pour les années à venir. Je compte rappeler que la ligne prise par la COC est la bonne. Les résultats de la coopérative sont positifs : notre outil industriel fonctionne bien, a production d’huile alimentaire, lancée cette année, est un succès. Nous devons continuer de produire ce que le client attend et aider nos adhérents à aller dans ce sens ».
Un réel manque de reconnaissance sociétale
À la Dauphinoise, les assemblées de section ont été l’occasion de prendre le pouls. « Elles constituent en effet un très bon baromètre du moral de nos adhérents, explique Jean-Yves Colomb, président de la coopérative implantée en Isère. Nous y échangeons avec des agriculteurs qui ne viennent pas forcément à l’assemblée générale. En petits comités, le partage est plus facile. Cette année, ils mettent en avant le manque de reconnaissance économique et sociétale de leur travail, alors qu’ils font des efforts et s’adaptent. En grandes cultures, le contexte économique pèse : certains ont la sensation de ne pas voir le bout du tunnel. Cette baisse de moral impacte parfois celui de nos équipes terrain. Les réunions de fin d’année sont l’occasion de remobiliser tout le monde autour d’un avenir commun. Voilà pourquoi nous avons choisi de présenter le projet d’union avec Terres d’Alliance dès les assemblées de section (cf autre papier dans cette lettre) ».
La séparation de la vente et du conseil inquiète
Parmi les sujets qui posent question, celui de la séparation du conseil et de la vente des phytos. « Lors de notre assemblée générale, nous devrions longuement évoquer la transformation de notre organisation liée à cette séparation. Nous allons expliquer aux agriculteurs pourquoi le service que nous leur faisions avant va en partie disparaître de la coopérative ou être facturé. C’est un changement car nous avons toujours beaucoup misé sur le conseil, avec un important service agronomique. Sur cette question de la séparation, nous avons vraiment intégré les adhérents aux discussions avec les équipes », indique Philippe Mangin, président de la coopérative EMC2.
La robustesse du modèle, parfois remise en cause
L’enjeu pour les présidents et directeurs est bien de convaincre que le projet de leur coopérative est robuste. Mais comment préserver cette robustesse quand le modèle est attaqué de toutes parts ? Les contraintes réglementaires se multiplient, les contrôles fiscaux également, le mode de gouvernance est pointé du doigt. La suppression des 3R, la perspective de la séparation du conseil et de la vente bousculent les lignes. Un contexte qui pousse les conseils d’administration à se poser des questions. Éric Schlusselhuber, consultant pour le groupe Triangle, confie que « en deux mois, une dizaine de structures m’a sollicité pour une demande d’accompagnement. Leur principale question : doit-on rester seul ? Ce sont plutôt des structures de taille moyenne, sans débouchés spécifiques. Les entreprises qui ont réussi à développer des cultures de niche, porteuses économiquement, ne se posent pas la question ». Selon lui, de nouveaux projets de fusion sont en train de se dessiner dans plusieurs régions.
Rester mobilisés
Écrire un discours est une chose. Encore faut-il un public pour l’écouter ! Certains présidents, à l’image de Philippe Delafond, craignent une démobilisation des adhérents lors des assemblées générales. « Leur priorité n’est peut-être pas toujours la même que celle de la coopérative, confie un président de coopérative du Sud-Ouest de la France. Pour eux, l’urgence c’est de pouvoir semer leurs céréales d’hiver. Et pourtant, s’ils ne sèment pas, nous ne pourrons pas vendre ! Ils doivent comprendre que nous sommes dans le même bateau ». « Nous ressentons beaucoup de fatalisme de la part des agriculteurs, confirme Benoît Piètrement, président de l’union NOVAGRAIN (Marne). Notre rôle est de leur expliquer les moyens mis en œuvre pour répondre à leurs craintes, expliquer les choix stratégiques de l’entreprise. Car des solutions, il y en a ! »