Rencontre - Pierre Lefebvre, président de Goëmar. « La France doit vite repenser ses modes de production »
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Pierre Lefebvre, nommé président de Goëmar le 27 janvier dernier, mise sur la prise en compte croissante de l’environnement et de la santé du consommateur pour permettre à la société de devenir un acteur majeur des solutions durables de santé des plantes. A l’appui d’une carrière tournée vers l’international, il nous livre sa vision de l’agriculture française.
Référence-appro.com : Vous venez d’être nommé à la tête de Goëmar. Quels sont vos objectifs de développement pour la société ?
Pierre Lefebvre : Le changement d’actionnaires l’été dernier, avec la cession du contrôle de la société à BeCapital et Pechel Industries, s’est accompagné d’une feuille de route ambitieuse, avec deux grands axes : d’une part l’essor de notre département recherche et développement afin de mettre rapidement sur le marché de nouveaux produits de nutrition et de protection pour l’ensemble des espèces végétales, et d’autre part le renforcement de l’actuelle montée en puissance de Goëmar à l’international.
RA : Quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour parvenir à ces objectifs ?
Pierre Lefebvre : En matière de protection des plantes, nous misons sur la prise de conscience nationale et internationale de l’importance d’utiliser des produits respectueux de l’homme et de l’environnement. Nos stimulateurs des défenses naturelles à base d’algues, qui n’ont jusque-là pas toujours été perçus comme tels, représentent des alternatives désormais plus convoitées. Le marché est porteur et notre nouvelle usine de production, entièrement dédiée à l’activité agricole, va nous permettre de répondre à la demande : grâce à cet outil flambant neuf, opérationnel depuis quelques jours et qui bénéficie des dernières technologies, nous multiplions par deux notre capacité de production. Enfin, une bonne partie de la croissance escomptée de la société sera investie dans la recherche. Une recherche qui gardera les algues comme source phare, mais qui élargira ses ressources naturelles, et qui n’hésitera pas à multiplier les partenariats.
Propos recueillis par Gaëlle Gaudin
RA : Comment expliquez-vous que 55 % du chiffre d’affaires de Goëmar soient réalisés hors de France ?
Pierre Lefebvre : Notre société est présente dans 45 pays et son développement à l’international est en pleine croissance. La prise en compte de l’environnement et de la santé humaine ne se limite pas à l’Europe. Elle est internationale et nettement perceptible dans les pays émergents comme le Brésil ou la Chine. De nombreux pays ont compris que le fait d’utiliser des produits de protection des plantes d’origine naturelle permet d’accéder à de nouveaux marchés qui répondent à une préoccupation croissante de l’opinion publique. Proposer par exemple des légumes exempts de résidus de produits phytopharmaceutiques est fortement attendu par le consommateur et donc par la grande distribution. Le moteur de changement le plus puissant reste l’opinion publique.
RA : La France prend-elle du retard dans ce domaine ?
Pierre Lefebvre : En France, la profession agricole reste effectivement encore le plus souvent centrée sur la productivité. De ce fait, tous les produits qui ne présentent pas d’avantage significatif sur ce seul critère de rendement ont encore du mal à se faire une place. Mais nous comptons sur la mise en œuvre du Grenelle, notamment, pour faire avancer les mentalités. L’aspect qualitatif de la production va peu à peu prendre toute son importance. La France doit d’ailleurs en passer par là pour ne pas continuer à perdre du terrain et rester un acteur majeur. Elle ne doit pas s’enfermer dans un passé glorieux mais réagir et repenser ses modes de production afin de se démarquer par des produits éventuellement plus chers mais de qualité. Notre pays conserve dans le monde une image remarquable dans le domaine agro-alimentaire, il serait dommage de la dilapider.
RA : Seriez-vous pour un allègement des règles de mise en marché des produits de biocontrôle ?
Pierre Lefebvre : Non, au contraire ! Nous demandons la même rigueur dans l’homologation pour rester crédibles. Cette rigueur est la meilleure des garanties. Nous pensons que toute barrière protectrice est favorable à l’instant « t » mais présente un effet dévastateur à long terme. A nous de convaincre les utilisateurs de l’intérêt de nos produits et de leur montrer comment bien les mettre en œuvre, en complément ou non de produits phytopharmaceutiques. Mais si nous ne demandons pas de passe droit, de cadre réglementaire qui nous soit favorable, nous sommes en revanche opposés à voir les spécialités de biocontrôle faire partie des produits pris en compte dans Ecophyto 2018 : il nous paraît en effet aberrant de vouloir réduire de 50 % les alternatives aux produits phytopharmaceutiques !