RSE, la directive CSRD concerne au moins 150 coopératives
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Entrée en vigueur le 1er janvier 2024, la directive CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive, vise à collecter et centraliser les informations relatives à la durabilité des entreprises. 150 à 160 coopératives agricoles seront, dès 2025, contraintes d’évaluer leur performance et d’établir leur feuille de route, contre seulement une trentaine jusque-là. Le point avec Quentin Pauchard, responsable RSE pour la Coopération agricole.
« Pendant des années, la performance des entreprises a été évaluée par l’argent : bilan comptable, chiffre d’affaires, cotations. Depuis 2014, l’impact sur l’environnement et les personnes entrent également en ligne de compte, explique Quentin Pauchard, responsable RSE pour la Coopération agricole. Le volet RSE d’une entreprise était évalué jusqu’à présent par la déclaration de performance extra-financière, DPEF. La Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD, est dans la lignée de ce qui existait, mais devient beaucoup plus étoffée. »
Si dans la DPEF, les entreprises devaient indiquer en quoi leurs activités influent sur l’environnement et les communautés, la CSRD suppose également de réfléchir à l’impact subi par les entreprises. Une réflexion à double sens, qui repose sur une douzaine de normes (1), qui comprennent plus de mille sous-catégories. « La Commission européenne a argué que les entreprises ne seraient pas affectées par tous les sujets, mais sur l’environnement et le social, les coopératives sont très concernées », pointe Quentin Pauchard.
Entre 150 et 160 coopératives agricoles engagées dans la CSRD
Concrètement, dès le 1er janvier 2024, sont concernées toutes les entreprises qui cumulent au moins deux critères, entre un chiffre d’affaires minimum de 40 M€, un bilan minimum de 20 M€ ou un minimum de 250 salariés. Alors que seules 10 000 entreprises européennes étaient précédemment sujettes à déclaration, l’exigence va s’étendre à près de 50 000 entreprises. Entre 150 et 160 coopératives seraient concernées, contre une trentaine jusque-là.
Elles seront tenues de réaliser des rapports établissant leur impact de durabilité, mais aussi des feuilles de route pour mettre en œuvre un changement de pratiques. Pour ce faire, elles devront échanger avec leurs parties prenantes : adhérents, clients, banques, etc. Les premiers résultats devraient être publiés mi-2026. Deux autres textes de la Commission européenne co-existent déjà avec la CSRD : une directive sur la finance durable, incitant les banques à orienter leurs investissements vers des activités durables, et un texte décrivant ce qu’est une activité durable. « L’objectif de cette triple réglementation est d’emmener l’Europe dans sa transition, afin de respecter les accords de Paris » explique Quentin Pauchard.
Des sanctions lourdes en cas de manquements
Problème : les entreprises seront tenues de réaliser une feuille de route sur tous les aspects qui les concernent, soit un travail de titan, qui demandera un investissement considérable. Or un grand nombre de coopératives de taille modérée, qui seront demain concernées par cette directive, ne possèdent pour le moment pas forcément de service RSE, et doivent trouver les fonds pour réaliser le rapport et les changements identifiés comme nécessaires. Des démarches contrôlées par des organismes certificateurs indépendants. En cas de manquements aux obligations, les sociétés et leurs dirigeants pourraient être punis par des sanctions allant jusqu’à un emprisonnement de cinq ans et une amende de 75 000 euros, d’après l’ordonnance mettant en œuvre la CSRD, publiée le 6 décembre. En outre, les coopératives pourraient, en cas de manquement, ne plus être éligibles à des marchés publics.
Les coopératives, impactées dès 2024 en tant que parties prenantes ?
Quentin Pauchard soulève un autre risque, celui que toutes les coopératives, concernées ou non par la directive, soient impactées, en tant que parties prenantes de groupes plus importants. « Dès 2024, les entreprises cotées en bourse doivent se mettre en conformité, explique-t-il. Si un grand groupe agroalimentaire, ou un acteur de la distribution en grande surface, doit établir son rapport de durabilité, il va contacter ses fournisseurs, dont font partie les coopératives ». Sur les 2000 coopératives de LCA, certaines n’auront pas les moyens de réaliser un état des lieux interne aussi poussé de la RSE. Les groupes agroalimentaires pourraient ne plus s’approvisionner auprès de ces petites entreprises.
Pour apporter de la clarté à ses adhérents, La Coopération Agricole a créé, au sein de son Comité RSE, un groupe de travail spécifique à la CSRD, où ces sujets sont débattus par les responsables RSE des coopératives. « Nous travaillons également un guide d’accompagnement qui peut aider les coopératives, ainsi que des formations pour celles qui sont le moins à l’aise avec ces sujets, explique Quentin Pauchard. Enfin, le 12 décembre, nous avons organisé un webinaire sur le sujet, en mettant en avant les retours d’expériences de deux de nos adhérents : la coopérative laitière Prospérité fermière et la coopérative fruitière Blue Whale. »
(1) Deux pour l’application de la directive, une pour la gouvernance des entreprises, quatre pour le volet social (les salariés, les communautés locales, les consommateurs et la chaîne de valeur) et cinq pour l’environnement (la pollution, le climat, les ressources marines, la biodiversité et l’économie circulaire).