Sébastien Picardat, directeur général de la FNA, « Des mesures immédiates pour alléger les trésoreries »
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La Fédération du commerce agricole et agro-alimentaire a formulé une série de demandes auprès des pouvoirs publics début août. Pour décliner ces mesures dans les filières grains et agro-fourniture, Sébastien Picardat, directeur général de la Fédération du négoce agricole, tire les premiers enseignements de la récolte 2016. Il détaille les mesures pouvant être mises en œuvre pour engager la campagne sans obérer le résultat de la prochaine récolte.
Reference-appro.com : Quel bilan dressez-vous de la récolte 2016 ? Quels moyens d'adaptation peuvent actionner les négociants ?
Sébastien Picardat : La situation n'est pas la même partout. Les régions Centre et Ile-de-France, avec moins 40 à 50 % de récolte et Champagne-Ardenne, Lorraine, Hauts de France et Bourgogne, avec moins 30 à 40 % qui sont les plus en difficulté. Pour les petites et moyennes structures, il s'agit déjà de se centrer sur les marchés locaux et régionaux et de jouer la fidélité des relations commerciales. Les acheteurs sont compréhensifs. Meuniers et fabricants d'aliments travaillent avec les collecteurs pour adapter les cahiers des charges à la réalité de la récolte 2016. Pour les négoces de taille plus importante, la question de l'optimisation de la collecte pour approvisionner leurs clients historiques et celle du maintien de la rentabilité de l'outil commercial se pose avec encore plus de force. Le négoce dispose cependant de moins d'installations de stockage ou de flotte de transport en propre que les coopératives et fait davantage recours à la sous-traitance. Il aura un peu plus de souplesse d'adaptation.
Mais la deuxième conséquence, et la plus sévère, est la chute du chiffre d'affaires chez les agriculteurs. Les encours en polyculture élevage étaient déjà très importants sur les deux dernières années. Les négociants, qui disposent de moins de fonds propres que les coopératives, resteront vigilants sur le suivi de leurs ratios financiers et leurs relations avec les banques.
RA : Comment faire face à la dégradation des trésoreries des agriculteurs et celles des négociants ?
S. P. : Les banques doivent jouer leur rôle en prenant une partie du risque client. C'est leur métier ! Elles peuvent ouvrir une ligne de prêt où les achats d'appro des agriculteurs sont décomptés progressivement.
Pour nos entreprises, nous avons demandé des mesures fiscales aux pouvoirs publics : exonération sur la campagne des taxes locales pour cette campagne et suppression effective de la C3S. Nous souhaitons aussi un décret autorisant de déroger uniquement sur cette campagne aux délais de paiements encadrés par la LME. Concernant la redevance pour pollution diffuse nous avons demandé qu'elle soit réglée à paiement des factures et non au moment de leur émission. Ces dernières mesures ne coûtent rien à l'Etat. Nous espérons une réponse favorable pour la fin du mois de septembre. Les stigmates de la campagne à venir, notamment sur les encours, seront réellement visibles à la clôture de l'exercice, en juin 2017.
RA : Quelles actions concrètes des négociants en direction des agriculteurs ?
S.P. : Il faut déjà les écouter, aller les voir, identifier la situation de chacun et les raisons des difficultés de trésorerie. Par exemple, conseiller de vendre son blé plutôt que le garder à la ferme dans l'espoir d'une hypothétique hausse des cours. Ces rencontres permettront de mettre en œuvre des solutions de prévention, comme des cessions de créances, des garanties, le cas échéant sur la terre… De nombreux agriculteurs sont en situation de détresse. Aller à leur rencontre prend aussi une autre dimension, autrement plus humaine.