Séparation conseil/vente : réagir après le K.O.
Le | Cooperatives-negoces
Un électrochoc. En claquant la porte de la réunion de concertation du 14 novembre et en communiquant rapidement leur colère, les représentants des négoces et des coopératives veulent faire réagir le gouvernement. Est-il encore temps ? Tous l’espèrent. Car la version du texte de l’ordonnance de mise en œuvre de la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, présentée mercredi dernier, n’est encore qu’un document de travail.
Les standards téléphoniques de la FNA et de Coop de France ont été inondés d’appels. Sur les réseaux sociaux, les réactions s’enchaînent, et parfois se déchaînent, depuis mercredi dernier. Le matin de ce 14 novembre, lors de la troisième réunion de concertation sur l’ordonnance de mise en œuvre de la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, les différents partenaires (1) ont découvert une nouvelle proposition de texte. Au final si les 9/10 du document sont conformes à la version présentée fin septembre, quelques paragraphes ajoutés ont fait mouche. Le texte précise ainsi que le conseil spécifique à l’utilisation des phytos est réservé aux seules structures de conseil indépendant. Ces dernières auraient donc dans leur besace non seulement le conseil annuel mais également le conseil du quotidien, au fil de la campagne. Exit donc la distribution agricole… sauf si celle-ci choisit le conseil plutôt que la vente.
Faire bouger les lignes
Vente ou conseil ? Un choix cornélien. A moins que les vives réactions des fédérations de distribution, publiées dès le mercredi midi, fassent réagir le gouvernement. « Tel est notre souhait, confie Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France métiers du grain. Nous contestons ce document et le ferons savoir, par la voie officielle, aux ministres concernés. Nous espérons encore pouvoir apporter de la souplesse ». Si rien ne bouge, « nous étudierons les voies possibles de recours juridique, une fois l’ordonnance publiée », confie de son côté Damien Mathon, délégué général de la FNA.
Quid de l’étude d’impact ?
Les deux structures regrettent ne pas avoir eu écho de cette nouvelle version avant la réunion de mercredi. Elles regrettent aussi la non-diffusion des résultats de l’étude d’impact réalisée à l’initiative du Gouvernement. « L’idée était précisément de chiffrer les conséquences de cette séparation, notamment en termes d’emploi. L’étude est bouclée mais les résultats sont, d’après le gouvernement, sous embargo. Où est la transparence ? », se demande Vincent Magdelaine.
Pour Damien Mathon, les conséquences économiques et sociales de cette séparation seront lourdes pour le monde agricole : suppression de plusieurs milliers d’emplois dans les entreprises rurales de distribution agricole, destruction des démarches de filières avec l’interdiction implicite de l’accompagnement des itinéraires culturaux par les organismes de collecte et coup d’arrêt porté au déploiement des solutions alternatives (biocontrôle par exemple) et donc du dispositif des CEPP.
Qui seront les conseillers indépendants de demain ?
« Ce parti-pris interroge effectivement sur la cohérence de la politique souhaitée par le Gouvernement, poursuit Vincent Magdelaine. Quid de l’accompagnement technique des agriculteurs, de la diffusion des solutions alternatives, des OAD, du biocontrôle ? Nous avions déjà des leviers pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. La machine était lancée. Pourquoi vouloir la stopper net ? Sans compter que le nombre de conseillers indépendants est pour l’heure beaucoup trop insuffisant pour répondre à la demande, dans le schéma souhaité par le gouvernement. Qui va remplir cette mission ? Qui les formera ? Et si les distributeurs abandonnent la vente des produits phytosanitaires, qui le fera ? Une entreprise quelconque qui rachètera un stock… uniquement pour faire du chiffre ! Est-ce cela la solution ? Nous ne pouvons l’accepter ».
Et si les agriculteurs boudaient le conseil ?
« Saucissonner le conseil, considérer que le conseil phyto doit être déconnecté du reste de l’itinéraire technique, c’est ne pas connaitre notre métier, confie un distributeur de la région Ouest. Même si la situation est assez anxiogène pour nos équipes, nous ne devons pas céder à la panique. Nous trouverons des solutions. Au fond, nous nous attendions à une telle situation « jusqu’auboutiste » de la part du gouvernement ».
Autre solution évoquée par les hommes de terrain : et si les agriculteurs se passaient de préconisation pour leurs achats en cours de campagne ? Car si le conseil annuel est obligatoire, celui « au fil de l’eau » ne l’est pas ! Par économie, cette solution pourrait, malheureusement, devenir fréquente.
(1) FNA, Coop de France, syndicats agricoles, ONG…