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Séparer la vente du conseil ? Un petit « oui », assorti d’un grand « comment »

Le | Cooperatives-negoces

Le dossier revient depuis des années dans les échanges entre les différents ministres de l'Agriculture, de l'Environnement et la profession. Les ONG militent inlassablement en sa faveur… et y voient la possibilité de réduire les quantités d'intrants utilisées. Ce dossier, c'est celui de la séparation de l'acte de conseil de celui de vente. Cette proposition, Emmanuel Macron l'a effectivement couchée sur son programme. Pour la première fois, les organisations professionnelles n'ont pas, dans un bel ensemble, effectué de levée de bouclier.

Si Coop de France comme la Fédération du Négoce agricole nous confiaient, dans notre édition du 22 mai, attendre de voir comment va se présenter le dossier et dans quel cadre - par un texte spécifique ou dans le cadre des États généraux de l'Alimentation prévus pour cet été- , ils montrent une relative ouverture. Les positions globales d'Emmanuel Macron sur le dossier agricole est, par ailleurs, plutôt porteur d'espoir pour les professionnels. Les Etats généraux devraient être surtout centrés sur la compétitivité des exploitations et des filières. Cinq milliards devraient être alloués à l'agriculture pour investir dans les cinq ans qui viennent en matière d'environnement. Le sentiment dominant est donc que les problèmes sont posés dans le bon ordre. Et méritent peut-être quelques concessions.


La simplification administrative fera-t-elle l'impasse sur les très impopulaires CEPP ? Le précédent ministre de l'Agriculture, pour contrer l'offensive de Ségolène Royal sur cette séparation vente/conseil, avait posé comme contrepartie la mise en place des CEPP. Interrogé par notre titre, il précisait que l'hypothèse d'une séparation conseil et distribution avait été étudiée lors de la rédaction de la loi d'avenir agricole, mais qu'il avait «  finalement été décidé de prendre une autre option, en encourageant le biocontrôle et les méthodes alternatives, et en instaurant le principe des certificats d'économies de produits phytosanitaires, CEPP. »


Que recouvre la séparation du conseil et de la vente

Et finalement, que pourrait recouvrir une séparation de la vente et du conseil ? Les équipes sont aujourd'hui, pour beaucoup, déjà scindées entre technico-commerciaux et conseillers autour de services de plus en plus nombreux et pertinents. La question de la facturation du conseil, autre arlésienne, pourrait peut-être connaître un début de réponse avec une identification des différentes missions.

Le « comment » est loin d'être connu à ce jour. L'expérimentation sur le conseil indépendant, lancé par Ségolène Royal, et qui regroupe aujourd'hui quatre coopératives (une au Nord de Paris, une dans le Centre, une dans l'Ouest et une dans le Sud-Est) n'est pas encore lancée sur le terrain. Le cahier des charges est en construction. Pour Damien Mathon, tout juste arrivé à la tête de la FNA, « il convient de s'appuyer sur ce qui existe. L'agrément distributeur définit déjà clairement la séparation du conseil et de la vente. Préconiser n'est pas prescrire ». En toile de fond la question de la responsabilité du conseiller s'immisce dans les débats. 

La ligne rouge à ne pas franchir, la séparation juridique des deux activités

La Fédération du négoce rejoint sur ce point la FNSEA, considérant que l'agriculteur doit rester maître de ses décisions, et de ses responsabilités. La fédération du négoce trace cependant une ligne rouge à ne pas franchir : la séparation juridique d'une entreprise en une structure de conseil, et une autre dédiée à la vente.

Philippe Mangin, président d'InVivo, interrogé en marge de la manifestation Diversiterre le 2 juin à Paris, fixe lui aussi une limite : «  la filialisation n'est pas la solution. » Quant au comment, il pourrait bien s'imposer de lui-même : « les coopératives ont fortement évolué. Elles ont investi dans le concept d'agro-écologie, mis en place les solutions alternatives. Le métier de conseiller n'est plus le même. Et imaginer que les phytos sont le moteur de la relation avec les adhérents est totalement dépassé. » Les marges en France sont désormais très proches de celles de nos voisins européens, y compris Allemands. La solution la plus simple serait sans doute que l'acte de conseil soit effectué par les équipes terrain, l'agriculteur ayant l'initiative de la commande. Le scénario reste à écrire.