Tour de plaine : la récolte s’achève sur une cascade de mauvais résultats
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Les premières réflexions s'ébauchent sur comment faire face à cette récolte 2016 au goût amer. Partie pour être l'une des plus belles ce printemps, -avec, en corollaire de la loi Macron, une vague d'optimisme et d'investissements en matériel agricole dont il va bien falloir honorer les traites-, elle s'achève sur des records de baisse sur le Nord de la Loire. Eric Chrétien (CAL), Denis Huet (Caproga) et Jean-Guy Valette (Atlantiques Céréales) détaillent la situation pour leur région.
Coopérative Agricole Lorraine (54) : collecte en recul de 37 %, les premières mesures d'aides pour les agriculteurs s'ébauchent
Les toutes dernières parcelles sont en train d'être récoltées. « Nous tiendrons à peine les 45 quintaux en blé, contre 75 q en moyenne l'an dernier », introduit Eric Chrétien, directeur général de la CAL (54). Le colza, avec moins 17 % est la culture qui se comporte le moins mal, suivi des orges fourragères et de printemps. Côté qualité, les PS font défaut. « Pour le coup, faute de volume, nous avons eu le temps d'alloter à mesure les blés en fonction des qualités. Nous devrions être en mesure de répondre aux marchés meuniers locaux. » Le constat est identique pour les orges fourragères. Les acheteurs tardent à se positionner mais le point d'équilibre devrait se trouver dès la rentrée.
Il n'en ira pas de même pour les trésoreries des agriculteurs. En zone de polyculture-élevage, les éleveurs doivent aussi faire face à la dépréciation des marchés du lait et de la viande. L'apport que constituaient les céréales va vraiment faire défaut, y compris pour la campagne d'approvisionnement qui arrive. « Il y a eu un coup de frein très net mi-juin sur les achats de semences et d'herbicides. Difficile d'évaluer ce que va être la dynamique de cette campagne. » En 34 ans de métier, Eric Chrétien n'a jamais vu une telle conjonction de facteurs défavorables. « Il y aura un avant et un après », estime-t-il. La coopérative renouvelle les aides déjà mises en place pour les jeunes agriculteurs ainsi que l'accompagnement en trésorerie approvisionnement. Les mécanismes restent à être adaptés, en fonction des décisions nationales qui pourraient être prises. Les contrats de production vont aussi être renouvelés, notamment le règlement de la semence lors de l'année suivante. « On ne peut pas se permettre de rater la mise en terre de cette année », conclut le directeur de la CAL.
Caproga la Meunière (45) : le coup de grâce pour certaines exploitations
« Quel qualificatif employer ? »… Denis Huet, directeur général adjoint de Caproga la Meunière fait état des rendements de blé pratiquement divisés par deux. « Du moins 40 quintaux en blé… Dans nos petites terres, on part pour une année normale sur du 75 q. » Les résultats ne sont pas meilleurs en blé dur, avec des rendements de 15-20 q, idem en pois. Les orges d'hiver affichent 55 q, celles de printemps, 40 q pour celles semées avant mars, 30 q pour les autres. Comparativement, on peut considérer que le colza s'en sort bien avec des 31-32 q. « Compte-tenu des qualités, nous devons travailler le grain comme nous ne l'avons jamais fait. Nous n'allons pouvoir tenir nos engagements qu'auprès de la moitié de nos clients. » Le second volet est tout aussi désolant. Les pertes à l'hectare se situent entre 500 et 600 euros pour les agriculteurs, 50 % de leur chiffre d'affaires hors prime Pac. Quelles réponses apporter ? La trésorerie va être au cœur des préoccupations. La fiscalité agricole et les effets pervers sur les achats de machinisme, méritent d'être revus. Quant à la campagne d'approvisionnement, les lignes ne peuvent pas beaucoup bouger estime Denis Huet. Peut-être un peu plus de semences de ferme, y compris sur les colzas, une nouvelle baisse des fertilisants de fond, voire une limitation sur les fongicides au printemps. Mais l'essentiel n'est pas là aux yeux de notre interlocuteur : « Dans notre secteur de petites terres, les agriculteurs sont sur des niveaux de rentabilité beaucoup trop bas. Même les logiques d'agrandissement des exploitations qui ont prévalu jusqu'à présent ne sont pas suffisantes. Cela risque d'être le coup de grâce pour certains ».
Atlantique Céréales (79) : un bilan très contrasté
Rassemblant quarante-quatre négoces et couvrant une grande moitié Ouest de la France, de Rouen à Sète, Atlantique Céréales affiche un bilan contrasté. « En dessous d'une ligne Rennes-Poitiers-Limoges-Lyon les rendements céréales sont en recul de 5 à 10 %, soit sensiblement mieux qu'au nord », introduit Jean-Guy Valette, directeur d'Atlantique Céréales. La récolte nationale n'en sera pas moins inférieure de quelques 30 Mt en blé tendre, de quoi perdre des marchés à l'exportation. Le fait d'être sur un secteur important permettra à Atlantique Céréales de répondre en bonne partie à la demande de ses clients sur ses secteurs historiques. Mais, pour Jean-Guy Valette, la principale préoccupation est la situation des agriculteurs. « La pérennité de certaines exploitations peut être menacée. Il y a une pudeur des agriculteurs : il va falloir être très attentif. » L'accompagnement pour la campagne qui s'annonce ne sera pas que technique et financier, mais aussi psychologique, souligne le directeur d'Atlantique Céréales. « Des solutions spécifiques vont devoir être élaborées en lien avec les pouvoirs publics. Les cellules d'urgence qui vont se réunir dans les régions les plus touchées vont rassembler les principaux acteurs. » Il attend beaucoup des mesures qui vont être annoncées par le ministre de l'Agriculture. L'accompagnement par les banques et l'ensemble des structures sera également décisif pour passer le cap de cette campagne. Particulièrement dans la région Centre.