Dans les champs, tous les espoirs ne sont pas gelés
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Depuis trois semaines, tout s’accélère dans les champs : apport d’azote, désherbage de rattrapage et préparation du sol pour les semis de printemps. Après des conditions d’implantation difficiles, blé et colza ont subi les affres de la météo la semaine passée avec un fort vent du nord et des températures glaciales. Trop tôt pour quantifier l’impact sur le potentiel, d’autant que ces cultures peuvent parfois faire preuve d’une forte capacité de compensation.
Dame Nature n’épargne aucune région, aucune culture. Partout les plantes souffrent. Après avoir eu les pieds dans l’eau durant de trop nombreuses semaines, blé et colza ont dû affronter de forts vents du nord et des températures parfois très fraîches. Ralentissement de la croissance, tige de colza à terre, les dégâts sont encore difficilement quantifiables. Paradoxe de cette campagne : la pluie est attendue pour permettre la levée des semis de printemps et l’assimilation de l’azote par les plantes. Le tour des régions avec arrêt chez Axéréal, Cavac, VALFRANCE, le groupe Carré et EMC2.
Axéréal (45) - Pierre Toussaint, directeur filières : « Le climat à venir sera déterminant »
« Dans notre région, les surfaces de colza sont en recul de 50 %. Celle des blés, d’au moins 5 %. Des retournements ont encore eu lieu ces dernières semaines. Visuellement, les parcelles sont très hétérogènes. Pour les colzas, difficile de quantifier l’impact des forts vents et des basses températures subis la semaine passée. Rien d’alarmant toutefois : cette culture sait faire preuve d’une bonne capacité de compensation. En blé, la difficulté de gérer le désherbage et les pucerons a certainement impacté le potentiel. Les sols sont secs en surface. Le redoux des températures et l’arrivée de pluies la semaine prochaine devraient être bénéfiques pour les cultures. Le recul du colza et du blé profite aux orges de printemps, au tournesol, au blé dur, au maïs mais aussi à d’autres cultures comme le sorgho, la féverole ou le soja. Les semis d’orge se sont étalés dans le temps : pour elle aussi le climat des semaines à venir sera déterminant ».
Cavac (85) - Jean-Luc Lespinas, responsable du service agronomie : « Tous les blés durs enfin semés »
« Les semis de blé dur se sont terminés fin mars dans des conditions plutôt moyennes. Dans les zones de marais, les surfaces de cette culture sont attendues en recul : densité de semis accrue, manque de semences, parcelles trop humides… les raisons sont multiples. Sachant que le créneau idéal de semis se situe, dans notre région, en novembre et décembre, nul doute que le potentiel sera impacté avec un décalage du stade épiaison et un remplissage des grains qui risque d’être pénalisé par le manque d’eau et les coups de chaud estivaux. Mais heureusement, pour l’heure, les cours restent porteurs. Les semis de tournesol et de maïs n’ont pas commencé : le froid a calmé les esprits. Ceux des orges de printemps sont en cours avec une crainte pour la levée si la pluie n’arrive pas. Pour les blés, le dessèchement rapide des sols en surface, dû aux forts vents de ces derniers jours, perturbe l’assimilation de l’azote. En dehors des zones hydromorphes, les colzas se portent bien même si ça et là, les attaques de charançons des siliques ont pu causer des dégâts. »
Valfrance (60) - Hugues Desmet, responsable collecte : « En blé, tout est encore possible »
« Depuis deux semaines, c’est le coup de feu pour préparer les sols, semer, désherber, épandre l’azote. Les fortes pluies de cet hiver, suivies d’un fort vent et de belles journées ensoleillées ces derniers jours ont créé une croute en surface qui complique la préparation des sols. Les semis de betteraves, d’orges de printemps et de pois avancent bien. Le recul des cultures d’automne devrait profiter au maïs, au soja, au tournesol mais aussi à des cultures secondaires comme le millet ou l’avoine. Depuis les semis, les cultures d’automne n’ont pas connu de conditions optimales : semis tardif, pluies abondantes, hiver doux, pression ravageurs non négligeable… Le potentiel est déjà parfois mis à mal. Même si pour le blé par exemple, les conditions de culture semblent dégradées, nos statistiques régionales montrent qu’il n’existe au final aucune corrélation entre les conditions de culture début mars et le rendement final ! Les fortes capacités de compensation des céréales doivent rassurer les agriculteurs. Tout est encore possible ! »
Carré (62) - Gautier Dufour, directeur commercial : « Recul du lin, face à une demande chinoise en retrait »
« Les colzas les plus avancés de notre zone de collecte, dans le sud d’Amiens, ont souffert des températures de -6 à -8°C enregistrées la semaine passée et du vent fort venu du nord. Les tiges ont été couchées avec des pertes de potentiel de près de 10 q/ha. Les blés semés tardivement, fin novembre, ont eux aussi été touchés avec à la clé, des pertes de talles ainsi qu’un recul du potentiel de 10 à 15 %. Les semis de betteraves, d’orge de printemps et de pois de conserve avancent à un bon rythme. La filière lin a demandé aux producteurs de revoir leurs surfaces à la baisse, de 10 %, en raison d’une moindre demande de la Chine et de stocks importants en France. Certains agriculteurs ont augmenté leurs surfaces d’orge. Celles-ci ont été semées avec près d’un mois de retard sur le planning idéal mais si la levée est rapide, tout est encore possible. Les semis ont parfois été réalisés dans 5 à 6 cm de sec : dans ces situations, quelques millimètres de pluie seraient les bienvenus pour faciliter la levée. »
EMC2 (55) - David Meder, responsable céréales : « Les colzas souffrent »
« Les blés, semés tardivement, se sont bien rattrapés dans les sols argilo-calcaires. Mais dans les limons argileux et plus largement, dans les sols hydromorphes, la situation est plus compliquée avec parfois, l’obligation de ressemer. Au final, le bilan de fin mars s’annonce plutôt meilleur que celui de fin novembre. Les quelques matinées de gel, à -3 ou -4°C ne semblent pas avoir impacté les blés. Les colzas ont en revanche peu apprécié le froid et le vent du nord, notamment ceux fragilisés par les attaques d’altise. L’inquiétude est vive pour l’avenir de cette culture dans la région. La sole a déjà reculé de près de 10 % par rapport à 2019 et le manque de solutions techniques notamment pour lutter contre les insectes pose question. Depuis le 16 mars et le retour du beau temps, les travaux dans les champs se sont enchaînés : apports d’azote et désherbages sur céréales, semis de printemps… Tout est allé très vite. L’eau serait désormais la bienvenue pour faire lever le lin, les betteraves et les orges de printemps, valoriser l’azote sur blé et affiner la préparation du sol pour les tournesols et les maïs. »