Tracer son sillon dans le machinisme… opportunité ou risque ?
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A l’heure où la pression environnementale, notamment sur les phytos, s’intensifie, la mécanisation revient sur le devant de la scène. La montée en puissance de l’agriculture de précision incite certains distributeurs à se poser la question d’investir dans le machinisme, support au développement des nouvelles technologies. Pour certaines coopératives, le choix est acté depuis des décennies. Pas question pour elles de changer de cap. D’autres, à l’image de Noriap, ont investi tout récemment. Dans un secteur très concurrentiel où les ventes de tracteurs diminuent, le pari est-il risqué ? Pas à en croire les témoignages recueillis.
Aujourd’hui, le machinisme, ce n’est plus seulement vendre des tracteurs ou des pulvés. C’est proposer un outil capable de répondre aux enjeux économiques, environnementaux et réglementaires d’une exploitation. Plus que le prix de l’engin, les agriculteurs veulent connaitre son coût de revient à l’hectare ou à l’heure. « Le business model évolue, et vite, confirme Vincent Costenoble (photo) directeur d’Advitam Agroéquipement (1). Un tracteur devient un outil comme un autre pour réduire ses coûts ! Ce n’était pas vrai il y a encore cinq ans. Les échanges avec le service agronomie du groupe nous permettent de proposer les outils dont l’agriculteur a besoin. Et inversement ! L’agronome connaît la technologie, ses fonctions et son coût. Le conseil est ajusté, encore plus personnalisé. Vendre ses propres outils et en assurer la maintenance nous permet aussi d’assurer un fonctionnement le jour J. Un service capital aux yeux des utilisateurs ».
Proposer un service global
Chez Advitam, le machinisme est ancré dans les gènes de l’entreprise depuis 70 ans. A la Cal, en Lorraine, cette activité date des années 60. Depuis, elle a grossi et offre, avec l’arrivée du numérique dans les engins et dans les exploitations, de nouvelles perspectives. « L’idée est aujourd’hui de proposer une solution globale à l’adhérent, une « stratégie de services », confie Didier Lemarquis (photo), directeur du pôle machinisme de la Cal (2). La taille des exploitations augmente, les débits de chantier aussi, avec des fenêtres climatiques d’intervention parfois réduites. Les agriculteurs veulent gagner en vitesse et confort de travail, en précision, en efficacité. Les outils existent mais sont encore peu déployés. Les potentialités sont énormes qu’il s’agisse d’automatisation, de guidage, de connexion des machines entre elles, d’optimisation des déplacements, de collecte de données… nous n’en sommes qu’au tout début ». La Cal compte sur les technologies développées par John Deere, la marque retenue par la concession, pour rester dans la course.
Des solutions simples à utiliser
Agrial, elle, a fait le choix de s’adosser à Claas. Car rappelons-le, à chaque concession une seule marque de constructeur. En créant le mois dernier SM3 Claas, les deux partenaires visent à devenir « un leader régional dans le machinisme agricole ». Didier Secoué, directeur de cette nouvelle entité, se définit comme « un apporteur de solutions à des problématiques particulières ». « Etre présent, via Agrial, à toutes les étapes de la production, nous permet d’instruire des dossiers de fond de façon plus limpide auprès des agriculteurs, en nous appuyant par exemple sur les résultats d’essais du service agronomique », précise-t-il. Selon lui, pour que les nouvelles technologies entrent dans les fermes, « elles doivent être accessibles et simples d’utilisation. Certains sont équipés mais ne le savent même pas, reconnaît-il. A nous de les accompagner au mieux ».
Diminuer les coûts de revient
Avec sa filiale Somat (3), créée fin 2016, Noriap est le petit nouveau sur le créneau. « Cette décision de racheter deux bases d’une concession s’inscrit pleinement dans le projet de l’entreprise, souligne Xavier Beaufort, directeur général de Somat (photo), aujourd’hui à la tête de 5 sites. L’objectif est double : proposer un nouveau service aux agriculteurs et développer une nouvelle source de rentabilité pour la coopérative. D’où l’option de créer une filiale, pour aller chercher des clients au-delà de nos adhérents ».
Même si le fonctionnement de Somat est indépendant de celui de la coopérative, Xavier Beaufort reconnaît s’appuyer sur certains services supports de la maison mère comme les ressources humaines, la comptabilité ou l’informatique. « Nous travaillons aussi avec la ferme expérimentale de la coopérative à qui nous avons fourni du matériel », poursuit-il.
Les échanges entre Somat et Noriap sont permanents. Une personne dédiée aux nouvelles technologies assure d’ailleurs l’interface entre les deux structures. « L’évolution des contraintes environnementales et la pression sur les phytos nous obligent à travailler différemment. Aujourd’hui, la coopérative fournit des conseils agronomiques à la parcelle, la collecte de données via des drônes, des stations météo, la cartographie de parcelles… Avec Somat, le but est d’aller encore plus loin, tout en assurant un suivi du conseil, en proposant du guidage sur les engins, des modulations de doses intraparcellaires, des coupures de tronçons sur les pulvés… Autant de pistes pour ajuster les traitements et au final, diminuer les coûts de revient à l’hectare ».
Faute de successeurs, l’avenir de certains concessionnaires s’annonce incertain. Des opportunités à saisir pour la distribution ? Peut-être oui. A condition que ce projet s’intègre pleinement dans celui du groupe coopératif. Ceux qui sont déjà dans l’aventure aiment le rappeler : ce métier ne s’improvise pas.
(1) Advitam agroéquipement : CA de 130 M€, 280 personnes
(2) Cal Agroéquipement : 55 M€ de CA, 180 personnes
(3) Somat, filiale de Noriap : objectif, 12 M€ de CA au 30 juin 2018, 5 sites, 30 personnes
(4) EMC2, Terrena et Terre Comtoise possèdent également une activité machinisme.