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« Travailler en collectif est majeur pour l’installation », Christine Eysseric Rocca, Sodiaal

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« Nos dispositifs d’accompagnement des nouveaux installés sont en place depuis 2014. Nous avions anticipé cet enjeu de l’installation. Notre force est notre organisation collective, tant sur les plans financiers qu’humains », déclare Christine Eysseric Rocca, directrice des affaires publiques de Sodiaal, à Référence agro le 27 juin 2024. La coopérative laitière a communiqué ses chiffres relatifs aux nouvelles installations en son sein, le 24 juin 2024. L’objectif de 1 000 installations entre 2019 et 2026 a été atteint, avec 1 232 nouveaux installés à date. Sodiaal a également élu son nouveau président, Jean-Michel Javelle, à Pau le 19 juin 2024.

Christine Eysseric Rocca, directrice des affaires publiques de Sodiaal. Photo : Sodiaal - © D.R.
Christine Eysseric Rocca, directrice des affaires publiques de Sodiaal. Photo : Sodiaal - © D.R.

Référence agro : Vous annoncez 1 232 nouvelles installations agricoles entre 2019 et 2023 au sein de votre coopérative. Cela dépasse vos objectifs de 1 000 installations d’ici à 2026. Comment expliquez-vous ces chiffres ?

Christine Eysseric Rocca : Notre coopérative appartient à ses éleveurs. Notre objectif est à la fois de continuer à avoir du lait en France et de le valoriser. Nous le valorisons au travers de nos marques Yoplait, Entremont et Candia. Nous travaillons continuellement à la création de la valeur par l’innovation par exemple. Nous savons l’importance et l’enjeu de l’installation dans cette création de valeur. Cela fait longtemps que nous menons une politique d’installation et d’accompagnement des nouveaux installés.

En réalité, nous avons lancé notre « Sodiaal Box » en 2014. Nous avions anticipé cet enjeu de l’installation, en le plaçant rapidement comme l’une de nos priorités. Pour chaque nouvel installé, nous nous engageons à ce qu’il bénéficie d’un accompagnement, financier et humain. Une enveloppe de 10 000 € lui est allouée. Nous lui donnons les moyens de se former, en prévoyant des remplacements par exemple. Nous avons créé un comité des nouveaux installés pour favoriser le soutien, les échanges et les rencontres entre eux. Ce qui différencie le modèle coopératif des autres modèles est que nous travaillons en collectif. Un éleveur qui s’installe chez Sodiaal n’est pas tout seul. Nous avons organisé nos journées des nouveaux installés, dans le Nord les 25 et 26 mai 2024. Ils étaient une centaine, sur les 230 nouveaux installés en 2023, et tous recherchent du lien, de se sentir en collectif.

Nous réfléchissons à la mise en place d’un dispositif particulier pour accompagner nos nouveaux installés sur la question du foncier. Nous aurons des solutions à proposer dans les prochains mois.

Le prix du lait est une des conditions d’installation. Une coopérative fonctionne sur la redistribution : quand nous faisons un résultat positif, nous avons une clé de répartition, un partage de la valeur. À Sodiaal, un tiers de notre résultat va en cash au niveau des éleveurs, donc dans le prix du lait. Un autre tiers va dans les parts sociales. Et le dernier tiers est réinvesti dans la coopérative, notamment pour les outils de transformation et de transition.

Nous dépassons nos objectifs d’installation car nous sommes fortement attachés à notre modèle d’accompagnement collectif et à la visibilité sur l’avenir que nous donnons à nos agriculteurs.

Avez-vous remarqué des évolutions sur le profil de vos nouveaux installés sur les dernières années ? Et sur leur souhait en matière de modèle d’exploitation ?

Nous voyons arriver beaucoup plus de jeunes non issus du monde agricole. Nous avons encore beaucoup de transmissions, et de plus en plus de femmes qui s’installent.

Ces nouveaux installés, comme tous les éleveurs de la coopérative, ont comme objectif de réduire l’empreinte carbone de leur exploitation. La prime Durabilité Sodiaal encourage et valorise les efforts des éleveurs en matière de carbone et de biodiversité. Nous travaillons également sur un partenariat pour installer de la microméthanisation. C’est une solution qui peut convenir à certains éleveurs.

La robotisation fait aussi partie des solutions pour les nouveaux installés pour se libérer du temps, et gagner une meilleure connaissance de la production laitière sur leur exploitation.

Les modèles d’élevage sont variables. Nous sommes présents dans 72 départements. Cela varie en fonction du territoire. Nous n’avons pas de modèle d’élevage-type. Il y a des petites exploitations comme des exploitations où il peut y avoir 200 vaches. Souvent, ces grandes exploitations sont en GAEC, avec des associés. Nous observons une évolution des GAEC, un système où des éleveurs sont ensemble, leur permettant de partager le temps de travail, de se libérer des week-ends ou d’avoir des vacances. Cela contribue au bien-être global.

Votre prochain objectif est d’atteindre les 1 000 nouveaux installés d’ici à 2030. Est-ce réalisable ? Avez-vous déjà des projections sur les évolutions de l’installation agricole en France pour les prochaines années ?

Nous sommes restés dans une continuité avec nos précédents objectifs. Il y a une capacité d’accueillir. Il vaut mieux que nous ayons des objectifs atteignables, qui donnent de l’ambition plutôt que de mettre des chiffres trop hauts et qui découragent. Notre souhait est d’avoir un nombre d’éleveurs qui correspond à la demande en lait et en produits laitiers, en France principalement, mais aussi en Europe et à l’international. Nous avons besoin d’installer pour maintenir nos outils de transformation, nos laiteries, nos fromageries. Nous ferons notre possible pour maintenir la production laitière à un niveau satisfaisant et suffisant en installant de nouveaux agriculteurs.

Pour maintenir la filière laitière française, c’est un triptyque : l’éleveur, la production et la consommation. La consommation laitière, même avec l’apparition d’alternatives végétales, reste stable en France. Les marchés sont plutôt bien orientés. Si nous n’avons pas de lait demain en France, nous serons obligés de faire appel à du lait ou à des produits laitiers importés de l’étranger. Ne reproduisons pas ce qui a été fait sur la filière volaille. Sans un prix du lait acceptable, il n’y a pas d’attractivité et donc pas de vocation créée sur le métier.

Cette continuité s’exprime aussi par l’élection de Jean-Michel Javelle. Il était au bureau de Sodiaal depuis 2010. Il a participé à tous les plans stratégiques et tous les projets de la coopérative. Lui aussi sera donc dans une continuité. Il veut mener son mandat sous trois aspects :

  • La performance de la coopérative. Si la coopérative est performante, cela veut dire qu’il y a de la redistribution et donc de la rémunération pour nos éleveurs.
  • La transition et son financement. Si nous voulons être référents de la filière laitière en France, nous devons être exemplaires sur la dimension de durabilité.
  • Le collectif. Notre collectif compte près de 25 000 collaborateurs et éleveurs. C’est important pour répondre le mieux possible aux enjeux de demain.