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Vente de phytos : l’interdiction des remises, rabais et ristournes pose questions

Le | Cooperatives-negoces

Petit par la taille, l'article 14 du projet de loi Egalim ne passe pourtant pas inaperçu. Afin d'éviter « toute incitation commerciale pouvant conduire à l'utilisation inappropriée de produits phytosanitaires », le gouvernement souhaite interdire, dans les contrats de vente de ces intrants, les 3R : remises, rabais et ristournes. Mais qui est concerné ? Les firmes ? Les unions d'appro ? Les distributeurs ? Les agriculteurs ? Chacun tente de comprendre la traduction possible de ces quelques lignes et l'impact sur les pratiques de coopération commerciale, bien ancrées à chaque échelon. Pas simple !


« Nos juristes planchent sur le dossier, confie Damien Mathon, délégué général de la FNA. A défaut d'avoir une note explicative claire du Gouvernement, nous allons essayer d'en construire une pour éclairer au mieux nos adhérents ». La question de fond que tout le monde se pose est la suivante : quelles pratiques commerciales vont réellement être interdites, à quel échelon ? « A priori, à tous les niveaux, indique Pascal Viné, délégué général de Coop de France. Qu'il s'agisse des négociations entre firmes phytos et centrales d'achat, firmes phytos et distributeurs, unions d'appro et distributeurs ou distributeurs et agriculteurs. Une décision qui n'a malheureusement donné lieu à aucune étude d'impact ! Nous regrettons que l'analyse politique ait pris le dessus sur l'analyse technique ».


Un phyto n'est pas un produit vétérinaire !

Le Gouvernement souhaite semble-t-il se calquer sur ce qui a été mené en élevage avec les produits vétérinaires. « Ce n'est pas du tout le même scénario, rappelle Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France. Certes, les quantités d'antibiotiques utilisées ont fortement diminué… mais avant tout car ils étaient utilisés pour un usage dévoyé, notamment en tant que stimulateur de croissance des animaux. Les produits phyto eux sont utilisés pour leur vrai rôle, pour un besoin ciblé à un moment donné ».


Pratiques de coopération commerciale, en débat

Depuis sa première présentation en janvier dernier, l'article 14 n'a pas été modifié. Il pourrait donc être voté en l'état, dès le mois de juin, pour une application à l'automne prochain. Beaucoup ont peur de voir disparaître les pratiques de coopération commerciale, largement répandues. « Le service associé à un acte de vente, comme l'aspect stockage, logistique, l'anticipation de la commande, la mise en place d'essais… génère effectivement une négociation sur le prix de vente d'un produit, précise Damien Mathon. Et c'est normal, car ce service rendu par l'acheteur génère des coûts. D'après nos juristes, cette notion de services, démontrable et justifiable, pourrait rester autorisée. Mais nous souhaitons une confirmation claire du Gouvernement sur ce point ».


Quid des négociations « horizontales »

Les firmes phytos, au travers de l'UIPP, ont elles aussi demandé un éclairage. « Telle que rédigée, la loi interdit toutes négociations, même les « horizontales », entre entreprises, souligne Delphine Guey, en charge de la communication. Or, celles-ci sont capitales pour préserver une forte dynamique de recherche. Si elles étaient réellement interdites, cela mettrait à mal le secteur tout entier et ses acteurs. Nous demandons qu'elles soient exclues du projet de loi d'autant qu'elles n'influent en rien sur les quantités potentiellement vendues aux agriculteurs ».


Importations parallèles en hausse ?

Pour l'UIPP comme pour d'autres opérateurs, l'une des craintes de cet article de loi est aussi de voir se développer les importations parallèles dont les prix pourront toujours se négocier. Autre crainte soulignée par certains opérateurs : que les firmes renforcent leur pouvoir économique en fixant leur prix, non négociable. Dans un marché de plus en plus concurrentiel, l'enjeu sera avant tout de réussir à fixer le bon prix !