Ecophyto 2018, se mettre d’accord, si possible
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L’enjeu de la rencontre de ce jeudi 28 janvier était important : l’Inra présentait la synthèse des travaux Ecophyto 2018 R&D. Rien moins que de définir des scénarios nationaux de réduction de l’usage des phytos pour répondre à l’objectif de moins 50 % à échéance 2018, si possible, de renseigner des indicateurs et d’analyser le jeu des acteurs pour lever les facteurs limitants !
Près de 100 experts, répartis en huit groupes y ont travaillé pendant deux ans. Une mobilisation rare, associant les différents acteurs, qui a permis de poser « les bases d’un futur différent », selon les propos de Marion Guillou, présidente de l’Inra.
Cette journée de restitution des travaux, rythmée par trois tables rondes, a d’abord permis d’avancer, avec prudence, les scénarios chiffrés sur les possibles baisses d’utilisation de produits. Si une réduction de 30 % est possible sur la base d’une adaptation des pratiques, le cap des 50 % est clairement admis comme difficile, car impliquant des changements radicaux. La prudence est en effet de mise dans l’interprétation de ces chiffres, qui vont être amplement commentés dans les mois à venir (nous reviendrons sur le sujet au fil de nos prochaines lettres). Ils sont fondés sur une seule année (2006), sur des références scientifiques s’appuyant en partie sur des dires d’experts, ne prennent pas en compte la variabilité climatique ou encore l’impact de l’innovation. « Des limites assumées », comme l’a souligné Pierre Stengel, de l’Inra, dans son propos introductif.
Catherine Deger
Photo : l’une des tables rondes, le 28 janvier, à Paris. De gauche à droite, Jean-Charles Bocquet, UIPP ; Pascal Ferey, FNSEA ; Philippe Magin, Coop de France, Yves le Bars, président du comité d’orientation d’Ecophyto 2018 et Jean-Claude Bevillard, France Nature Environnement.
Les scénarios ont été bâtis pour les grandes cultures, la vigne, l’arboriculture et les cultures légumières à partir des cinq modes de production : agriculture intensive, raisonnée, protection intégrée, production intégrée et enfin agriculture biologique. Ces modes de production sont associés à la notion de rupture, car passer de l’un à l’autre suppose un changement assez radical de stratégie phytosanitaire.
Les données chiffrées, très nuancées ont toutefois été résumées par Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, lorsqu’elle a conclu qu’ « une réduction de 30 à 40 % des pesticides est possible, en replaçant l’agronomie au cœur des pratiques », et que « moins 20 % était atteignable avec une production identique ». Elle a cependant admis que l’enjeu des quinze années à venir résidait dans l’autonomie alimentaire.
L’enjeu du conseil
Le jeu des acteurs a également fait l’objet d’une présentation, où il a été regretté une approche trop homogène entre filières de production, distribution, instituts, fournisseurs amont, chacun s’appuyant sur les contraintes de l’autre pour figer un système fondé sur la productivité. « Pour une partie c’est heureux, a tenu à répondre Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France métiers du grains, car nous produisons pour un marché. Prenons en compte le terrain, mais aussi le marché. » Et cela risque d’être compliqué si une modification sensible des rotations amenait à trouver des débouchés pour une production massive de triticale, de blé rustique, de féveroles ou de pois.
L’autre clivage majeur réside dans l’appropriation de nouveaux modes de production par les agriculteurs. Chacun s’accorde à reconnaître la valeur du groupe, du partage concret d’expériences sur le terrain pour remettre au cœur des discussions l’agronomie. Mais qui doit jouer le rôle d’animateur ? Et comment mettre en cohérence les structures déjà en place et, par exemple, un réseau de 800 fermes pilotes sur tout le territoire d’ici à fin 2010, annoncé à nouveau lors de ce colloque ? Les réponses à ces questions se joueront, en grande partie, dans les régions ou départements. La distribution agricole a tout intérêt à s’inscrire dans le mouvement.
La poursuite d’Ecophyto 2018 R&D
Les premières suites immédiates devraient être la mise en place d’un cahier des charges commun par les ministères de l’Alimentation et de l’Ecologie pour une étude spécifiques sur les zones de captages (elles peuvent générer, avec l’appui des agences de l’eau, des dynamiques de groupes très intéressantes) ; la poursuite des expérimentations sur les systèmes de cultures (et les ruptures entre agriculture raisonnée, protection et production intégrées) ; la structuration des bases de données pour un meilleur partage des informations.
Cette synthèse marque une étape dans les travaux engagés. Il s’agit désormais d’affiner les données acquises par des expérimentations sur le terrain. Les industriels, les instituts et la distribution entendent prendre toute leur place dans le système qui sera mis en place.
L’UIPP a proposé un nouveau point d’étape en 2014, pour valider la conformité des chiffres de baisse avancés « avec la performance économique de la ferme France ». Autre demande forte : que les indicateurs d’utilisation pris en compte pour l’instant soient complétés d’indicateurs d’impacts.
Ensemble des travaux disponibles sur www.inra.fr