Enquête - Services en distribution : prime à l’économie !
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La politique de services interroge les distributeurs sur la vision de leur métier, les orientations de l’entreprise, le mode de rentabilité de l’activité. Certes, la gratuité totale du service semble bel et bien finie. Mais la part des services payants et gracieux constitue une décision stratégique qui reste parfois encore à caler : que doit-on faire payer, comment, qu’est-ce qui relève des missions naturelles du distributeur, des fondements du système coopératif ? Des réponses qui divergent aussi en fonction des régions et des relations entre les exploitants et leur distributeur.
Si les outils d’aide à la décision se sont fortement développés ces dernières années, l’innovation en la matière semble se tasser. D’une part, parce qu’il faut maintenant que les agriculteurs les utilisent. D’autre part, parce que la crise économique globale ainsi que celle que traversent certaines filières agricoles font plancher les distributeurs sur des services davantage axés sur la rentabilité économique des exploitations. Quid des services liés aux nouvelles formes d’énergie ? S’ils pourraient fortement se développer à l’avenir, ils n’en sont actuellement qu’à leur balbutiement.
La Dauphinoise, Champagne-Céréales, Coopagri-Bretagne et Agrial nous livrent leurs stratégies en la matière. Stéphanie Ayrault
Damien Ferrand, responsable conseils et services pour le groupe Dauphinoise (38)
Les exploitants préfèrent les offres globales
« Le service, ce n’est pas gratuit. Les exploitants doivent le savoir. Or, ils ne sont pas habitués à le payer, et les conseillers techniques ont parfois du mal à se faire rémunérer pour cette prestation. C’est pourquoi, il a fallu que nous structurions notre démarche service au sein du groupe Dauphinoise.
Il y a d’abord des services certifiés avec le référentiel Conseils et Services d’InVivo. De six en 2008, onze sont actuellement concernés. Ce sont des services techniques comme la protection fongicide sur blé, la fertilisation de la vigne ou encore l’optimisation fourragère de l’ensilage de maïs.
Ensuite, la structuration des autres services à l’exploitant se divise en une offre globale, où les services sont compris dans le prix d’achat du produit, et une offre différenciée entre le produit et le service. L’adhérent fait son choix dans le catalogue édité. Mais la plupart des agriculteurs préfèrent l’offre globale car ils veulent bénéficier d’une assurance « conseils illimités ».
Aujourd’hui, la demande s’oriente plus fortement vers les aspects économiques et nous cherchons la manière d’intégrer ce volet dans nos services. »
Le Groupe Dauphinoise réfléchit actuellement à l’uniformisation et l’enrobage marketing pour que les services deviennent une véritable marque de fabrique de la coopérative.
Claude Végas, responsable nouveaux services à Champagne-Céréales (51)
Réglementation et OAD
Champagne-Céréales a mis en place une politique de services aujourd’hui bien huilée. « Aucun n’est gratuit à Champagne-Céréales », insiste Claude Végas. Un véritable changement d’état d’esprit. « Nous avons mis en place cette organisation il y a trois ans. La facturation des services a nécessité une approche nouvelle de la part des équipes. Cela a été compliqué, notamment pour les commerciaux TSA, les techniciens service adhérent, qui avaient la culture du service gratuit et acquis. Cela commence à rentrer dans les mœurs ». Les nouveaux services proposés sont axés sur la réglementation : c’est le cas du contrôle des pulvérisateurs et de la mise en place de la certification HVE des exploitations agricoles. Figurent aussi ceux utilisant les outils d’aide à la décision pour la gestion des risques et l’optimisation de la marge brute. « Nous n’avons pas de nouveauté en matière d’OAD. Nous capitalisons sur d’anciens services comme les analyses de sol. Il y a un retour aux fondamentaux, à l’agronomie, poursuit Claude Végas. Et puis, il ne faut pas oublier que le premier service reste la relation humaine entre l’exploitant et son technicien ».
Pascal Cam, Responsable environnement et développement durable à Coopagri-Bretagne (29)
Les services économiques vont prendre de l’ampleur
« Dans un avenir proche, il faudra que nous proposions des services qui permettent de raisonner la partie économique, ce qui est majeur pour les éleveurs laitiers par exemple. Pour l’heure, il y a chez nous un panel de services gratuits, car nous considérons qu’ils relèvent des devoirs d’une coopérative envers ses adhérents. C’est le cas des suivis de culture. Nous proposons aussi des services payants : OAD, assolement, logiciel de gestion des effluents, outils réglementaires ou encore d’agronomie comme Planiterre. A l’occasion du salon de l’élevage, le Space, à Rennes, nous allons lancer de nouvelles applications sur Visioterre, notre logiciel de gestion économique, administrative et environnementale de l’exploitation.
Il n’y a pas de grande nouveauté en matière d’OAD. Il faut maintenant qu’ils soient utilisés par le plus grand nombre. En revanche, nous allons être très attentifs à la diffusion de l’information en interne, notamment en matière de réglementation ».
Patrick Beauvois, responsable d’Agrial Services (14)
Un secteur stratégique
« C’est un secteur innovant et stratégique pour nous, qui va être un élément de différenciation », indique Patrick Beauvois, tout nouveau responsable d’Agrial Services. Depuis trois ans, la coopérative normande a choisi de créer une direction dédiée aux services payants, « c’est-à-dire hors ceux attachés naturellement aux produits ». Elle englobe les outils autour de l’agronomie et de l’environnement, comme les OAD, les plans de fumure, la réglementation, mais aussi les bâtiments d’élevage et la formation… Des services vendus par les Référents technico-économiques d’Agrial, et par la vingtaine de conseillers services directement rattachés à la direction qui interviennent en tant qu’experts. La crise économique marque-t-elle un frein au développement des services ? « Il ne faut pas faire marche arrière. De toute façon, les services doivent apporter une valeur ajoutée à l’exploitant et optimiser, par exemple, l’emploi de produits phytosanitaires ou de fertilisants. » Quid des nouveaux enjeux agricoles comme la pose de panneaux photovoltaïques ? « Pour le moment, nous sommes observateurs sur les dossiers énergétiques et ne proposons pas de services en la matière. Est-ce que cela rentre dans les fonctions des coopératives ? La question pour nous reste à trancher ».