Export de blé : pour rester dans la course, la France doit répondre présent 12 mois sur 12
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Les opérateurs de la filière céréales mettent en garde les OS et les agriculteurs qui jouent le jeu de la rétention. A l’export, les clients attendent une présence permanente sur les marchés : dès la récolte, 12 mois sur 12. Une stratégie qui permet non seulement de réduire les coûts logistiques mais aussi de s’affirmer face à un mastodonte russe pour qui volume et prix ne sont pas un problème. Le « made in France » continue de séduire…. autant ne pas passer à côté d’opportunités.
Depuis plusieurs années, le constat est le même. Une fois les blés moissonnés, la mise au marché des OS et agriculteurs français ne se réalise pas au fil de l’eau. « Du 15 juillet au mois de janvier, l’activité export tourne sur nos clients captifs européens et Pays tiers, regrette Frédéric Guillemin, trading manager chez Soufflet Négoce. La rétention des producteurs pour espérer de meilleurs prix pénalise la présence de l’origine française sur le marché international et engendre des à-coups logistiques coûteux pour la filière. Aujourd’hui, la référence prix du marché est dictée par l’offre russe et tout le bassin mer noire. L’offre française retenue par les producteurs et stockeurs ne pèse que peu à l’échelle mondiale. »
Ne pas laisser de place aux concurrents
Les opérateurs du port de la Rochelle, réunis le 14 juin à l’occasion de leur bourse maritime annuelle, souhaitaient tirer la sonnette d’alarme sur l’impact de cette stratégie sur le moyen et le long terme. « Nos clients meuniers étrangers veulent de la régularité : sur la qualité du produit bien sûr, mais aussi d’un point de vue logistique, affirme Vincent Poudevigne, directeur général de la Sica Atlantique. Ils veulent pouvoir compter sur l’origine France tout au long de l’année. C’est le cas du Maghreb et des régions sub-sahariennes par exemple. « Pour nous, exportateurs, il est toujours compliqué de dire non à un client, faute de marchandise, appuie Frédéric Guillemin. Abandonner le marché pendant six mois, c’est aussi laisser la place à nos concurrents et à terme, prendre le risque de perdre nos clients. La récolte doit se commercialiser sur 12 mois. Concentrer les exportations pays tiers sur six mois complique non seulement la logistique mais augmente, de façon significative, les coûts. Une réalité dont les agriculteurs n’ont pas toujours conscience. Les producteurs doivent raisonner en termes de rentabilité économique de l’exploitation et non spéculer sur les prix du marché ».
La filière céréales mobilisée
L’ensemble de la filière céréales a pris conscience de la nécessité de rendre plus fluide la mise en marché de la collecte nationale. 50 % des 37 Mt sont exportées : près du quart vers les pays tiers, sur des marchés où nous sommes en concurrence directe avec les pays de la Mer noire. Et chez eux, le coût de production d’une tonne de céréales est inférieur de 30 € ! Un handicap que nous devons contourner en misant sur la qualité. « Car le « made in France » attire toujours, assure Vincent Poudevigne. Tout comme notre capacité à tracer nos productions. Nous devons miser sur ces atouts .»
La Russie, l’indétrônable n° 1
Si tout le monde a vu, au fil des dernières campagnes, s’imposer la Russie sur le marché mondial, peu d’opérateurs pensaient que cette assise allait s’encrer durablement. Ce pays occupe aujourd’hui la première place des exportateurs de blé. Et cela devrait durer ! Le rendement moyen russe est de 50 q/ha. Que va-t-il se passer quand ils atteindront 70 ou 75 q/ha ? Avant, l’économie russe reposait sur l’énergie. Désormais, la volonté du gouvernement russe est claire : mettre la main sur le commerce mondial de céréales et notamment en accentuant encore sa présence sur la Mer noire. « Les sociétés russes y sont omniprésentes avec des outils de pointe dans les principaux ports. D’où la nécessité, pour nous, de continuer aussi d’investir dans nos sites portuaires pour répondre aux attentes de nos clients », insiste Vincent Poudevigne.
En céréales, le circuit court, c’est 4000 km
La France a-t-elle encore un avenir sur l’échiquier mondial ? « Oui, bien sûr, rassure Frédéric Guillemin. Mais ne nous trompons pas de stratégie. Ne nous battons pas sur les volumes et sur les prix. Face à la Russie, c’est peine perdue. Il faut aller sur le créneau de la qualité et de la régularité, en assurant une présence permanente sur les marchés. Nous devons également changer de vocabulaire. Ne parlons plus « de surplus de récolte », ni de « disponible exportable ». La grande exportation doit être considérée au même niveau que le client qui se situe à 200 km du silo de collecte. Tous nos clients doivent être bichonnés, nous devons augmenter les référentiels qualitatifs pour les satisfaire. » L’export est un réel débouché, quitte, certaines années, à devoir importer pour satisfaire nos propres besoins intérieurs.
Selon Vincent Poudevigne, « le circuit court n’est pas forcément d’expédier de la marchandise de la Rochelle en région parisienne en camions. Exporter par navire au Maghreb ou en Afrique Sub-saharienne affiche un meilleur bilan carbone. Le circuit court en céréales, c’est 4 000 km ! »