Référence agro

Exporter vers l’Algérie : la roulette russe niveau garantie ?

Le

La France reste le premier fournisseur de blé tendre de l’OAIC, l’office public algérien. En 2019, l’Algérie a importé 4,6 Mt de blé français. Ce débouché privilégié pourrait devenir moins accessible pour les exportateurs. En effet, depuis juillet 2019, inquiètes de la solvabilité de l’état algérien, les banques françaises se montrent de plus en plus réticentes à confirmer aux exportateurs des lettres de crédit. Or, ce document, qui engage la banque à payer le vendeur en cas de non-paiement de l’acheteur, reste une sécurité pour les opérateurs. Ces derniers demandent la mise en place d’un système de garantie publique.

« Les banques sont de moins en en moins nombreuses à délivrer les lettres de crédit quand il s’agit de négocier avec l’Algérie. Elles ne s’engagent plus à l’avance, mais au dernier moment », soulignait Marie-Ange Mathieu, directrice financière et administrative de chez Soufflet, lors d’une conférence de presse le 11 janvier. Or, entre la vente et le chargement du bateau, les exportateurs engagent des frais qu’ils ne peuvent se risquer à perdre. « Un bateau pour l’Algérie, c’est environ 5M€ », chiffrait-elle.

Des stratégies qui varient en fonction des opérateurs

« C’est une inquiétude que j’entends et que je partage même si Ceremis n’est pas concernée directement car nous vendons du blé rendu Rouen ou Dunkerque à des exportateurs qui eux, vendent ensuite à destination de l’Algérie », explique Guillaume Vandevelde, directeur de l’union Cérémis. En effet, en septembre, le Crédit Agricole exprimait ses craintes dans sa lettre de conjoncture. « Avec l’enlisement de la crise du régime politique sous la pression de la rue, les contraintes budgétaires de plus en plus fortes faisant craindre une modification des politiques d’importation du pays, et depuis début juillet, la suspension de Mohamed Belabdi, numéro un de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) pour des allégations de corruption, on peut s’inquiéter de l’avenir des relations entre la France et l’Algérie pour le commerce de céréales », soulignait la banque.
En fonction de leur politique interne, les exportateurs chargent ou non les bateaux avant même réception des précieux sésames. Dans les deux cas, des risques existent : celui d’avoir engagé des frais sans obtenir de garantie en cas de non-paiement, ou de ne pas tenir les délais des contrats de livraisons pour avoir attendu trop longtemps la réponse de la banque. « Heureusement, l’export de blé français reste dynamique, même si les grèves peuvent, ponctuellement encore, perturber certains échanges. Les chargeurs avec des portefeuilles de clients importants peuvent décaler un chargement pour l’Algérie et charger d’autres bateaux en attendant les lettres », constate Guillaume Vandevelde.

Un système de garantie publique

Depuis plusieurs mois, les exportateurs français négocient auprès de l’État français pour mettre en place un système de garantie publique. Cela existe déjà pour des marchés à destination de Cuba. Depuis 2012, la France et cette île des Caraïbes sont engagés dans une ligne de crédit à court terme. Dans ce cas, l’État français s’engage, en cas de défaut de paiement du pays importateur, à ce que les entreprises françaises soient couvertes. « Nous devons tout mettre en œuvre pour conserver le marché algérien », insiste Jean-François Lepy, directeur général de Soufflet Négoce.