Filière maïs : se remobiliser dans un contexte difficile
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Le congrès du maïs s'est tenu les 22 et 23 novembre à Toulouse. L'occasion pour la filière de faire le point sur l'année écoulée, d'identifier les leviers de progression et de parler des dossiers sensibles, irrigation et pression sur les phytos en tête. Entre un ministre invité, mais absent, des manifestants non prévus, mais bien présents, et des présidents de section qui n'ont pas la langue dans la poche, ces deux journées furent animées. Placées sous le signe de l'innovation et de l'interactivité, elles ont permis aux 650 participants de répondre, en direct, à différentes questions et sondages. Ils ont apprécié, et sont repartis avec des raisons d'espérer, dans un contexte qui s'annonce pourtant compliqué pour cette céréale. Les prévisions tablent sur un nouveau recul des semis au printemps : entre - 1 et - 2 %. Témoignages.
Daniel Peyraube, président de l'AGPM - « Des solutions existent pour que le maïs redevienne compétitif : qu'on nous laisse les mettre en place »
« Monsieur le Ministre, nous n'acceptons pas que vous ne soyez pas là ce soir. Quand on laisse la place vide, ce sont d'autres ministres qui l'occupent, confiait-il en clôture de la première journée. Le contexte de cette année est particulier. Malgré des rendements record, à près de 103 q/ha de moyenne, les perspectives sont peu réjouissantes. En 5 ans, les surfaces de maïs ont reculé de 17 % en France. Les agriculteurs se détournent du maïs et notamment de la nouvelle génétique. Nous voulons comprendre pourquoi. Certes, les prix sont en berne, la pression sur les moyens de production (irrigation et solutions phytosanitaires en tête) ne cesse de grandir, mais cette culture affiche de solides atouts. A nous de communiquer et de les rappeler. Des solutions existent pour que cette céréale redevienne compétitive. Qu'on nous laisse les mettre au point ! Sinon, nous resterons toujours sous la coupe de Bruxelles ». Évoquant là, les promesses d'Emmanuel Macron de stopper la sur-réglementation franco-française.
Rémi Bastien, président de la section maïs de l'UFS - « Redonner de l'attractivité à l'inscription française »
« Le nombre de variétés de maïs inscrite au catalogue français est en perte de vitesse. Le processus est-il trop compliqué, trop stricte ? L'UFS (Union française des semenciers) souhaite simplifier les procédures pour redonner de l'attractivité à l'inscription française et ainsi, être moins élitiste. Comment ? En valorisant toutes les données collectées au cours de l'évaluation variétale, en identifiant les critères indispensables, tout en restant sur du qualitatif. Les nouvelles génétiques, elles, ne séduisent plus. L'utilisation des « plus de 6 ans » sont en hausse tandis que les « moins de 3 ans » sont en baisse. La profession n'arrive plus à valoriser les efforts de recherche. Sans compter que la pression sur certains facteurs de production, notamment les TS, risque de détourner certains agriculteurs de la culture du maïs. A nous de leur montrer que cette céréale est compétitive et durable. Nous avons des raisons d'y croire, notamment au vu de la demande croissante des pays de l'Est ».
Eric Frétillère, président d'Irrigants de France, « Une association européenne pour les irrigants, sur les rails dès 2018 »
« Pour sécuriser les volumes d'eau, nous devons développer les liens avec les autres usagers de l'eau : à l'échelle du territoire, des régions, de la France mais aussi à l'échelle de l'Europe, soulignait Eric Frétillère, président d'Irrigants de France. D'où l'idée de créer l'association « Irrigants d'Europe », aux côtés de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal. A nous 4, nous concentrons 80 % des irrigants en Europe. Pour être efficaces, nous devons structurer nos actions pour innover et ainsi, rendre acceptable l'utilisation de l'irrigation. Pour cela, nous devons refondre la politique de l'eau pour la rendre plus dynamique et ainsi, faire émerger de nouveaux projets ». Cette association, dont Eric Frétillère sera le vice-président, devrait être opérationnelle dès 2018. Elle pourrait, à terme, s'ouvrir à d'autres pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas où là aussi, l'eau est un enjeu majeur.
Joël Arnaud, président de la FNPSMS - « Qui prend la marge sur la semence ? »
« Quand une dose sort de chez Limagrain, elle ne coûte pas plus cher aujourd'hui qu'hier. Or, arrivée chez l'agriculteur, elle coûte plus cher. Qui encaisse la différence ? C'est clair… » Pas de réaction de la part des distributeurs, pourtant représentés dans la salle ! Rémi Bastien, le président de la section maïs de l'UFS, a d'ailleurs précisé que l'UFS maïs avait lancé une étude pour, précisément, réaliser un état des lieux du champ à l'usine et ainsi identifier qui profite de quoi.
Luc Ferry, ancien ministre - « Avec le glyphosate, vous êtes mal barrés »
Intervenant lors du congrès de l'AGPM, Luc Ferry a fait réagir. Les manifestants tout d'abord, qui ont profité de son allocution pour se lever, dans la salle, et déployer leur banderole : « Glyphosate : permis de tuer ». « Ils jouent sur la peur et non sur la raison », précisait-il. Évoquant le dossier des OGM, il expliquait que « que vous le vouliez ou non, le maïs est pour beaucoup considéré comme le symbole des OGM ». Réaction aussi dans la salle quand il évoquait « qu'il y avait encore un peu d'OGM de cultivé en France » ! « Ce n'est pas parce qu'on n'a pas démontré que c'était dangereux, qu'il ne faut pas l'interdire ». Ajoutant, « avec le glyphosate, vous êtes mal barrés ». Il n'a pas hésité à enfoncer encore un peu plus le clou en soulignant que, selon lui, « l'agriculteur est un mauvais communiquant car il est trop honnête ». Une façon de militer pour le mensonge ? « Non, a rétorqué Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, présente pour conclure les débats. Même si les échanges sont parfois compliqués, la communication par la preuve est essentielle ». Elle a d'ailleurs salué la présence, à la tribune, de Jean-Claude Bevillard, vice-président de France Nature Environnement.
Crédit photos : AGPM-GIE