La Commission européenne évalue l’impact du Covid-19 sur les filières agricoles jusqu’à 2021
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Un rapport publié le 21 avril par la Commission européenne, analyse l’impact de la pandémie sur les filières agricoles et agroalimentaires ainsi que sur les productions et les modes de consommation. Les ventes de produits à haute valeur ajoutée, tels que la viande de qualité, les vins et les fromages de spécialité, généralement consommés hors domicile, diminuent de manière significative. S’il est encore trop tôt pour estimer l’étendue et l’importance du choc créé par cette crise, il devrait durer jusqu’à mi-2021.
La Commission a publié, le 21 avril, son dernier rapport sur les perspectives à court terme pour les marchés agricoles de l’Union Européenne. La crise sanitaire et économique, causée par le virus Covid-19, subie par le monde entier, a mis en lumière l’importance du maintien de l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les pénuries alimentaires sont écartées, le secteur de l’agroalimentaire restera dans les mois à venir moins impacté économiquement que ceux du BTP ou des transports par exemple. À court terme, le secteur fait preuve de résilience. Néanmoins des tensions sont à signaler dans la chaîne agroalimentaire aussi bien sur la logistique que sur la production. Des marchés ont été durement touchés en raison des fermetures des restaurants et du ralentissement des échanges. .
Mesures de soutiens prises en avril
Pour soutenir les agriculteurs, des mesures ont été prises le 16 avril par la Commission européenne avec notamment des avances plus élevées des paiements directs à partir de mi-octobre. Et au lendemain de la publication de ce rapport, une train de mesures, fortement attendues par le syndicalisme agricole, a été annoncé. Il est fondé sur l’aide au stockage privé dans les secteurs des produits laitiers et de la viande, d’autorisation d’auto-organisation de marché par les opérateurs dans les secteurs durement touchés et de flexibilité dans les secteurs des fruits et légumes, du vin, ainsi que d’autres programmes de soutien du marché. La Commission entend faire adopter rapidement ces mesures d’ici à la fin du mois d’avril.
Une récession estimée à 7,5 % par rapport à la situation actuelle
Côté projections, selon le rapport de l’Union européenne, il est encore trop tôt pour estimer l’étendue et l’importance du choc. Il devrait durer jusqu’au milieu de l’année 2021. La sortie de la crise va dépendre des mesures et de la gestion par les gouvernements du monde entier. La crise sera toutefois plus violente que celle de 2008. La récession estimée est de 7,5 % par rapport à la situation actuelle du produit intérieur brut de l’EU, avec un rebond à 4,7 % en 2021. Une future baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, l’accroissement du chômage sur fond récession impliqueront une baisse de la demande des produits alimentaires de qualité, de luxe, au profit des produits de première nécessité. Si les analyses macroéconomiques portent principalement sur les produits consommables, cette récession s’applique également aux engrais, aux produits de protection des plantes, aux produits vétérinaires et aux autres biens non fabriqués dans l’Union Européenne mais en Asie de l’Est et Afrique du Nord. Si beaucoup de données ne sont pas encore disponibles, il ne devrait pas y avoir de répercussion sur la continuité des approvisionnements vers l’UE.
Prévisions sur les marchés agricoles campagne 2020/21
- Céréales : La production mondiale pourrait atteindre un pic sur la campagne 2020/2021 suite au bon rendement en maïs et blé aux USA. La Russie et l’Ukraine s’attendent à une hausse de la production en blé et maïs. La production de céréales dans l’UE sur la campagne 2020/2021 devrait se situer à 296 Mt, en baisse de 2,2 % par rapport à la campagne précédente. Néanmoins les prix devraient rester stables en raison des inégalités de répartition de la demande : repli de la demande de maïs en lien avec un recul de la production d’éthanol et demande soutenue du blé. Malgré des problèmes de transports liés à la crise, aujourd’hui résolus, l’exportation des céréales en Europe est dynamique et devrait atteindre 31,8 Mt. La consommation de céréales en alimentation animale va s’accroître pour les volailles et les porcs en raison d’une demande haussière sur ces marchés.
- Oléagineux : Une baisse de 17 % en Europe par rapport à 2014 de la production de graines de colza est estimée en raison du recul de la demande en biocarburant liée à la baisse des coûts du pétrole. Dans l’Union européenne, sur les dernières années, l’augmentation de la production des graines de soja se confirme ainsi qu’une baisse de la demande en huile de palme.
- Protéines : Même si la consommation de viande se maintient, une augmentation de la part des protéines végétales aussi bien à la production qu’à l’importation se fait ressentir. La hausse de la production de protéines (pois lentilles, pois chiches..) serait de 4 % par rapport à 2014.
- Sucre : La baisse du coût de l’énergie et de la demande en gaz entraîne une baisse de la production d’éthanol. Les capacités de production et les quantités déjà stockées étant largement suffisantes, une baisse du prix du sucre est à envisager. Ajouté à la crise du Covid19 et aux difficultés de circulation des biens, le marché global pourrait même être déficitaire. Une baisse de la consommation des ménages en sucre en raison du confinement est enregistrée.
- Pommes et oranges : Il n’y aura pas d’impacts négatifs sur la consommation pour les fruits et légumes peu périssables. Au contraire, une forte demande pour ce type de produits est notée. Depuis le début de la crise du Covid-19, l’augmentation de la consommation domestique en produits frais tels que les pommes se fait sentir et l’exportation recule de 34 % par rapport à 2014. La production de pommes étant moins favorable cette année, le marché européen se recentre sur lui même. Ainsi, on observe une baisse de 10 % de la production sur la campagne 2019/2020 par rapport à 2014, quand les importations augmentent elles de 9 %, avec la demande des ménages. La baisse du trafic aérien entraînant des difficultés d’approvisionnement en fruits tropicaux incite les consommateurs à acheter des produits frais cultivés en Europe. Le même schéma est observé pour le marché des oranges, avec un faible rendement de production en Europe, une augmentation de la demande des consommateurs, une baisse de 5 % des exportations compensés par plus d’importations. Une baisse de la consommations de produits transformés tels que les compotes, jus, cidres est attendue, suite à la fermeture des écoles et restaurants.
- Vin : Chute du marché en raison d’une baisse des exportations, à laquelle s’ajoute la taxe des USA et une baisse de la consommation locale en période de confinement. La baisse de la demande varie par type de vins. Si celle des commerces de proximité augmente, elle ne compensera pas la perte engendrée par la restauration. On estime à 8 % la baisse de la consommation globale de vin en Europe par rapport à 2014 et une baisse de 14 % des exports vers la Chine, les USA. Les stocks vont ainsi s’accroître.
- Laitage : La crise est apparue au moment du pic de production printanier de produits laitiers. La baisse de la demande associée à une baisse des coûts va forcer le marché à concentrer sa production sur les produits secs de type poudre de lait. Les centrales de collecte de lait vont parfois jusqu’à faire pression sur les fermes pour qu’elles diminuent leur production de lait. Les stocks en hausse en raison de la faible demande, en particulier sur le marché chinois, vont faire baisser les prix de 17 %. Si le prix du beurre diminuera de 6 % par rapport à début 2020, les prix du fromage restent stables. Quant aux consommations de beurre, briques de lait, yaourts, fromages et autres produits laitiers vendus par les grandes surfaces, elles augmentent avec la consommation domestique. Et la demande mondiale de produits laitiers européens pourrait rester en 2021 au même niveau que l’année précédente, sous réserve d’un rétablissement des services de restauration. Les exportations vers la Chine, l’Asie et le Sud de l’Afrique devraient diminuer de 17 % en raison de la crise, entraînant la constitution de stocks. Des disparités d’évolution de la consommation sont relevées, mais l’augmentation de la part des ménages ne parviendra pas à compenser les pertes engendrées par la restauration et la baisse des exportations. Ainsi, la production globale de produits laitiers devraient chuter de 2 %.
- Volaille : La production européenne poursuit son augmentation avec la hausse de la demande, environ +1,6 % par an. Particulièrement en cette crise liée au Covid-19, cela reste la viande la moins chère pour les ménages confinés. Si les importations ont augmentés modérément en 2019, elles vont toutefois chuter en 2020, la production locale étant suffisante. Et, au contraire, les exportations ont augmentées de 6,7 % en 2019, tendance à la hausse qui perdura sur la période 2020/2021.
- Bœuf : La production issue des races à viandes a diminué de 1 % en 2019 au profit des troupeaux des vaches à lait. Le marché sera affecté par la crise du Covid-19 par la baisse de consommation des particuliers, préférant la viande bas de gamme en lien avec un replis du pouvoir d’achat et un contexte économique en recession. L’avenir est incertain sur les importations et exportations. Seule certitude : la baisse de la demande et des prix durant les prochaines années.
- Porcs : Baisse du nombre d’élevages de 3 % en 2018 en raison d’une baisse des prix et de la crise de la fièvre porcine africaine. L’augmentation des prix en 2019 a toutefois compensé la crise et stabilisé les quantités de porcs, même si une réduction de 3 % est enregistrée en France par rapport à 2018. En 2020, une petite hausse est attendue, les exportations vers l’Asie continuant. LEs exportations augmentent de 17 %, notamment vers la Chine. La crise du Covid-19 ne devrait pas affecter de manière significative le marché de la viande de porc et les prix resteront élevés, +45 % d’une année à l’autre. Attention toutefois à l’augmentation des cas de peste porcine africaine recensés en Europe qui pourraient impacter le marché.
- Ovins : Après une forte augmentation de la production de viande ovine en 2019, celle-ci devrait rester stable sur 2020. Toutefois, avec la crise du Covid-19, les surplus engendrés par la fermeture des restaurants ne pourront être absorbés par les commerces. Le confinement a de plus eu lieu lors de la période de Pâques et du Ramadan, où les consommations de moutons sont les plus importantes, et ceci impactera fortement le marché, exerçant une pression sur les prix. Les exportations d’animaux vivants vont diminuer, en particulier vers la Lybie et l’Iran en raison des mesures sanitaires liée au Covid-19. Les exportations de viande devraient se poursuivre sur 2020 sur la même tendance que 2019, en particulier vers le Moyen-Orient et Hong-Kong. Les importations sont en baisse de 6 % en 2019, la Nouvelle Zélande concentrant sa production vers l’Asie. Une baisse similaire est attendue sur 2020.
- Fleurs : Ce secteur est l’un des plus impactés en raison de la fermeture de la quasi-totalité des jardineries, surtout en la période de Pâques où est réalisé l’un des plus gros chiffre d’affaires.