La ruée vers l’orge… française ?
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Entre un Brexit qui n’en finit plus et les tensions qu’accumule la Chine avec les États-Unis, l’Australie et le Canada, les marchés, notamment agricoles, connaissent une période d’incertitude. Les orges françaises pourraient en profiter pour se vendre à l’international… à condition que cette cacophonie géopolitique dure encore un peu pour que la récolte 2019 en bénéficie ! A l’occasion du colloque Orges brassicoles organisé le 11 avril à Paris, Julien Darley, de Granit Négoce, a balayé les scenarios possibles pour les graines françaises.
L’adage « le malheur des uns fait le bonheur des autres » pourrait s’appliquer aux orges françaises et à la géopolitique actuelle. La guerre commerciale qui oppose la Chine aux États-Unis, et désormais certains de leurs alliés comme l’Australie et le Canada, a des effets collatéraux sur les produits alimentaires.
Huawei, clé de voute des négociations
Pékin a ouvert une enquête pour des mesures de dumping contre les orges australiennes, car l’Australie avait rompu son contrat avec le géant chinois de la tech Huawei. La Chine a aussi fermé ses frontières aux importations de colza de Richardson International, l’un des plus gros exportateurs canadiens, car le Canada a arrêté le directeur financier de Huawei. « Huawei est une entreprise énorme, bien plus importante que le marché de la bière. Les Chinois seront prêts à sacrifier ce dernier pour Huawei. La question est de savoir quand cela va s’arrêter », s’interroge Julien Darley, de Granit Négoce.
Et la France dans tout ça ? « Si l’Australie ne peut pas fournir la Chine, cette dernière devra bien s’approvisionner autre part. Est-ce que cela va durer assez longtemps pour que la récolte française de 2019 en bénéficie », se demande le trader. La Chine devrait importer sur la campagne 2019-2020, 3,9 Mt d’orges. De son côté, l’Australie devrait avoir un surplus de 1,85 Mt d’orges brassicoles. « Mais si elle ne peut pas fournir le marché mondial, il va y avoir un gros déficit et donc une hausse des cours ». La France pourrait donc bénéficier à la fois d’une hausse des prix et d’un nouveau débouché avec la Chine.
Brexit : les exports britanniques à l’arrêt, la France en embuscade
Autre sujet chaud en matière de politique, où la France est directement concernée cette fois : le Brexit, qui n’en finit plus ! Sans deal, le Royaume-Uni deviendrait un pays-tiers pour l’UE. Or, le pays est excédentaire en orges, alimentant habituellement l’Union européenne d’environ 300 000 tonnes. « Il y a eu depuis fin mars un arrêt du business entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale, car il n’y a plus de règles, constate Julien Darley. Pour l’instant, ils n’ont pas vendu un kilo et ils ne vont pas alimenter le bilan européen sur 2019 vu l’incertitude ». Et ce qui n’a pas été fourni par le Royaume-Uni, a été couvert par la France, qui pourrait ainsi conserver son bon potentiel d’export après la récolte 2019.
Alors que la plupart des pays européens voient leurs surfaces d’orges de printemps diminuer, celle de la France, à l’inverse, progresse, de l’ordre de 14 %, pour probablement dépasser les 500 000 ha. Granit Négoce entrevoit aussi un déficit d’offre de la part du Benelux et de l’Allemagne. L’Espagne, du fait de la sécheresse, ne fournira pas d’orges brassicoles à l’export.
Les voyants restent au vert pour les orges françaises, mais elles ne sont pas à l’abri des comportements imprévisibles des dirigeants américains, chinois et britanniques.