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« Le Label rouge n’est pas assez présenté comme une réponse aux attentes sociétales »

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Avec 15 % de sa production sous Label Rouge, la filière française de volailles est loin devant ses voisins européens. Mais, dans un contexte où de nombreuses démarches et labels voient le jour, avec un panel d’exigences plus restreint, la gamme de produits peine à poursuivre cette dynamique. Décryptage avec Eric Cachan, président du Syndicat national des labels avicoles de France, le Synalaf.

« Le Label rouge n’est pas assez présenté comme une réponse aux attentes sociétales »
« Le Label rouge n’est pas assez présenté comme une réponse aux attentes sociétales »

L’accentuation de la dynamique sur les signes de qualité est l’un des objectifs majeurs du plan de filière volaille, adopté en 2017. Plus de deux ans plus tard, et malgré l’investissement de 630 millions d’euros, les objectifs de ce plan, dont celui concernant le Label rouge, n’ont pas été remplis. Le président du Syndicat national des labels avicoles de France, le Synalaf, Éric Cachan, revient sur les raisons de cette stagnation et les leviers d’actions mobilisés pour développer la gamme Label Rouge.

Référence Agro : Le Plan de filière adopté en 2017 vise une augmentation de 15 % des productions sous Label Rouge. Qu’en est-il ?

Éric Cachan : Nous avons eu 0 % de croissance en 2019. La progression des produits de découpe n’est pas assez rapide pour compenser la rétraction des ventes des pièces entières. C’est une contre-performance car nous cochons toutes les cases des attentes sociétales. Cela est la conséquence de plusieurs facteurs : les Français cuisinent de moins en moins, beaucoup de nos produits sont vendus en GMS qui est un marché en recul, mais surtout l’ordonnance sur les promotions de la loi Egalim a fait beaucoup de mal. En effet, 40 % des poulets Label Rouge étaient vendus en promotion avant la promulgation de l’ordonnance.

Néanmoins, même si nous regrettons la stagnation sur 2019, nous sommes tout de même à 18 % de la production française en production fermière (plein air ou liberté) Label Rouge ou Biologique. La production plein air représente moins de 5 % en moyenne dans le reste de l’Europe. C’est une chance pour les consommateurs français. Mais le prix reste quelquefois un frein. Les personnes sensibles au bien-être animal mais ayant peu de moyens nous échappent.

R.A. : De plus en plus d’ONG poussent pour de meilleures conditions de production, notamment à travers le cahier des charges European Chicken Commitment (ECC)*. Pourquoi le Label Rouge ne bénéficie-t-il pas d’une telle promotion ?

E.C. : En France, 80 % de la production de volaille est encore sous le modèle standard. Nous travaillons beaucoup avec les wellfaristes. Leur objectif est avant tout de faire évoluer le mode de production standard vers davantage de bien-être animal, en mettant la pression sur les distributeurs. Le cahier des charges ECC représente des surcoûts conséquents. Il y a aussi des impasses logistiques. Par exemple, aujourd’hui, seuls 10 % des abattoirs sont équipés pour avoir recours à l’étourdissement, requis par l’ECC. On parle beaucoup de l’ECC comme d’une voie d’avenir alors qu’il y a d’autres produits qui répondent davantage aux attentes sociétales. Le Label rouge et le bio ne sont pas assez présentés comme des réponses, sur le marché de la volaille.

R.A. : Comment mieux faire connaître le Label Rouge ?

E.C. : Nous avons un projet de campagne de communication vers la France pour assurer des relais de croissance chez les plus jeunes générations, et à l’export, pour la période 2021-2023. Il fait suite à un programme similaire sur 2018-2020. Pour la RHD, l’objectif est de donner des réponses aux acteurs. La loi Egalim, en imposant 50 % de produits locaux durables et de qualité dont les produits sous SIQO, va nous aider. Il faut absolument que nous nous engagions dans cette voie, car nous avons les capacités de fournir ce marché. A nous de faire comprendre que cela ne revient pas forcément beaucoup plus cher par repas. Par exemple, les cuisses des poulets Label Rouge sont plus grosses et peuvent être coupées en deux et donc nourrir deux personnes, en milieu scolaire. Adapter les grammages, limiter le gaspillage…sont de bons moyens de compenser le surcoût de produits gustativement meilleurs.

R.A. : Avez-vous identifié des leviers de développement en particulier ?

E.C. : Nous devons faire preuve de pédagogie. Actuellement entre 5 et 10 % de la production va en RHD. Quant à l’export, qui représente aujourd’hui 5 % du marché Label Rouge, notre objectif est de doubler cette part. Nous devons travailler à rehausser le niveau pour répondre encore mieux aux attentes sociétales. Nous pourrions par exemple rendre obligatoire pour l’alimentation des volailles, le sans-OGM ou mettre en place un étiquetage du Bien-être animal. Le Label Rouge est bien connu mais il souffre d’un déficit de contenu, les consommateurs ne savent pas bien ce que le label implique. À nous de le faire savoir. Et cela est plus facile si toutes les productions sont alignées sur une même base de cahier des charges.

Enfin, nous devons travailler à rendre nos valeurs plus lisibles. Je ne suis pas sûr que le consommateur s’y retrouve face à l’ensemble des allégations présentes dans les rayons. Aujourd’hui, seuls le volailles fermières élevées en plein air ou en liberté ( Label rouge, AOC, bio) assurent une faible densité des animaux. Mais de nombreuses allégations ou visuels sur les étiquettes viennent brouiller les lignes. Nous travaillons au sein de l’interprofession de la volaille, Anvol, à construire une segmentation claire, mais cela demeure compliqué.

Qu’est ce que l’ECC ?

Porté par une trentaine d’ONG européennes, l’European Chicken Commitment fixe plusieurs critères de production tels que : une densité d’élevage maximum de 30kg/m2, l’accès à la lumière naturelle (50 lux), un étourdissement au CO2 avant l’abattage. Celui-ci ne contient néanmoins pas de contrainte à l’accès extérieur. Les porteurs de l’ECC voudraient voir se généraliser leur cahier des charges à l’horizon 2026.