Le prix du blé, dopé par des volumes en baisse
Le
Les chantiers de récolte du blé progressent et les prévisions se confirment : la moisson 2020 serait la deuxième plus faible depuis 2004. Les échos chez les autres pays producteurs ne sont pas meilleurs. Les prix en profitent pour gagner quelques euros. Le recul des volumes risque de compliquer l’export alors que la demande des clients reste floue.
Une fois n’est pas coutume, les prévisions sont unanimes ! La production de blé tendre française avoisinerait, pour cette année, les 31,3 Mt, soit la deuxième plus faible récolte depuis 2004, derrière 2016. Selon le ministère de l’Agriculture, ce tonnage serait en baisse de 20,8 % par rapport à l’an passé (39,6 Mt), pour un rendement moyen attendu autour de 71,1 q/ha, dans le meilleur des cas. Si la baisse de production est générale, elle semble particulièrement marquée en Aquitaine (-49 %), dans le Poitou-Charentes (-43,2 %) et dans les Pays-de-la-Loire (-34,9 %). « L’annonce d’un nouveau recul des surfaces, de - 200 000 ha à 4,4 Mha (contre 4,99 Mha en 2019), a en revanche davantage surpris les opérateurs », confie Sébastien Poncelet d’Agritel (1).
0
Mt
la collecte de blé tendre française pour 2020, soit un recul de 20,8 % par rapport à 2019
Déception aussi en Russie, Roumanie, Bulgarie
Conséquence directe de ces mauvais chiffres et de l’incertitude du marché des céréales, une nette progression des cours du blé ces derniers jours. Une situation renforcée par les déceptions dans d’autres pays, notamment en Russie où les premiers bilans de chantiers de récolte dans le sud du pays, principale région de production des blés d’hiver et de source d’approvisionnement pour les exports, déçoivent également. « Les opérateurs locaux, pourtant optimistes le mois dernier, le sont de moins en moins, confirme Sébastien Poncelet. Même contexte en Roumanie et en Bulgarie où les échos ne sont pas bons. » Seule l’Australie semble s’en tirer : sa production de blé tendre a été revue à la hausse de 2 Mt et le pays se dirige vers sa deuxième meilleure récolte en orge. « Après plusieurs années de sécheresse, l’Australie est revenue à des niveaux de production normaux. Elle sera un concurrent de la France, notamment en blé tendre, sur la prochaine campagne », estime Marc Zribi, responsable de l’unité sucre et grains de FranceAgriMer, à l’issue du conseil spécialisé du 8 juillet.
« En Algérie par exemple, les achats de blé français sur les mois de juillet, août et septembre sont en baisse de plus de 40 % par rapport à l’an passé »
Sébastien Poncelet
Agritel
Incertitude sur la demande mondiale
Si l’inquiétude est palpable sur l’offre mondiale, elle l’est également du côté de la demande qui elle, reste incertaine chez les principaux clients de la France. « En Algérie par exemple, les achats de blé français sur les mois de juillet, août et septembre sont en baisse de plus de 40 % par rapport à l’an passé », précise-t-il.
Rationner l’export
Pour Sébastien Poncelet, « l’enjeu est désormais de rationner l’export, sans l’arrêter, dans un contexte où les quantités de blé sont moindres. Le marché français doit être plus cher par rapport à nos concurrents pour éviter de vendre du blé qu’on n’a pas. Mais toute la question est : plus cher de combien ? Sans oublier que le prix du blé français est déjà plus élevé que celui origine mer Noire par exemple. Là encore, tout dépendra de la demande internationale, difficile à quantifier à ce jour et de l’impact climatique sur les cultures encore à récolter, à commencer par les maïs américains ». Au final, le nombre d’éléments à surveiller reste bien supérieur aux éléments concrets. « Une chose est sûre, conclut-il : les agriculteurs français font davantage de rétention à la vente, comparé à l’an passé. Ils sont encore dans l’attente d’un bilan clair de leur récolte ».
Et pour le colza ?
Les oléagineux présentent également de fortes baisses de volumes, pour la troisième année consécutive. Agreste table sur une production de 3,37 Mt, en recul de 3,7 % sur un an, avec un rendement moyen de 30,3 q/ha. Certains chiffres seraient extrêmement bas. Les surfaces reculent une nouvelle fois, passant de 1,5 à 1,2 million d’hectares. Une situation qui inquiète la FNSEA. Dans un communiqué, elle précise que « les impasses techniques pour protéger les cultures des ravageurs dissuadent toujours plus les cultivateurs, et risquent de faire passer la sole de colza en-dessous du million d’hectares. Un chiffre qui mettrait en péril les industries de transformations et l’approvisionnement en tourteaux de colza pour l’élevage. »
(1) Agritel vient de rejoindre le groupe Argus Media de Londres, ce qui lui permettre de se développer à l’international avec une présence dorénavant dans plus de 20 pays.