Le retrait de molécules phytos pourrait menacer le développement des légumineuses
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Si le plan protéines ambitionne d’accroître les surfaces en légumineuses, les retraits de molécules, les impératifs de réduction d’utilisation de pesticides et le manque de financement de la recherche menacent cette ambition, ont affirmé plusieurs intervenants des Rencontres francophones sur les légumineuses, organisées fin février.
Pour atteindre les objectifs du plan protéines, les surfaces dédiées aux légumineuses devront fortement augmenter au cours des prochaines décennies. Mais comment conjuguer cette ambition avec celle de la réduction de l’utilisation des phytosanitaires ? « C’est un double challenge, pose Guénaëlle Hellou, enseignante-chercheuse en agronomie à l’Esa d’Angers, à l’occasion des Recherches francophones sur les légumineuses, organisées les 24 et 25 février. Moins de phytos pourrait augmenter la variabilité des rendements de légumineuses, et donc avoir un impact sur les cultures suivantes. Si les rendements baissent, les services attendus des légumineuses seront moins au rendez-vous. »
Des risques d’impasse
Une situation d’autant plus complexe que des freins techniques existent déjà, notamment suite à des retraits de molécules. « La gestion des graminées pourrait devenir très complexe, s’inquiète Franck Duroueix de chez Terres Inovia. Il ne faudrait pas que les agriculteurs se détournent de ces cultures en les jugeant trop salissantes. » L’ingénieur pointe également les risques liés au retrait de molécules pour les maladies racinaires et foliaires. « Nous sommes inquiets du plan pollinisateurs qui prévoit d’interdire les fongicides à la floraison, sauf en cas de dérogation. Il y a un risque que les investissements manquent sur la mention abeille pour cette petite filière, nous pourrions nous retrouver dans une impasse », poursuit Franck Duroueix.
Faire évoluer le conseil
Pour dépasser cette situation, plusieurs pistes d’action sont évoquées : développer les variétés résistantes, faire évoluer la formation et le conseil aux agriculteurs, ou mettre une place la contractualisation. « Des ruptures sont nécessaires, pour raisonner à l’échelle du système de culture sur le long terme, indique Guénaëlle Hellou. Le levier essentiel est la diversification pour intensifier les régulations biologiques et mettre en place de nouveaux agencements spatio-temporels ». Car pour l’heure, certaines filières ont déjà payé fort le manque de solutions alternatives. « La féverole est le cas type d’une filière potentiellement d’excellence, qui était tirée vers le haut par le débouché alimentaire, mais dont la disparition d’une molécule contre la bruche a entrainé l’effondrement », rappelle David Gouache.
Penser à l’après plan de relance
Pour l’heure, les moyens accordés à la recherche sont encore jugés insuffisants. « C’est un petit marché donc il y a moins d’investissement et de recherche sur la sélection variétale », résume David Gouache. La recherche variétale étant financée par la vente de semences. Michel Straëbler, directeur des sections chez Semae, se montre partagé quant à l’atteinte des ambitions du Plan protéines : « C’est un défi énorme d’autant plus que les moyens sont limités pour des petites filières qui n’intéressent pas les firmes privées et qui bénéficient de peu de recherches publiques. Il est imprudent de garantir que toutes les filières rempliront les objectifs. » Pour garantir le développement de ces filières, les intervenants appellent à d’ores et déjà penser à l’après plan de relance.