Le soja français, prêt à décoller
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Le centre-Est de la France est l’un des deux principaux bassins de production de soja, avec le Sud-Ouest. Avec 61 000 ha cultivés par 3 500 agriculteurs, cette zone est privilégiée par la filière pour porter l’essor de la charte Soja de France, lancée en 2018. L’usine Extrusel, détenue par six coopératives (1), trois fabricants d’aliments du bétail (2) et soutenue par Sofiprotéol, s’inscrit dans cette dynamique. Un point d’activité était proposé sur place, à Chalon-sur-Saône, le 19 mars. Le 14 mars, l’usine Sojalim (65) ouvrait également ses portes.
10 000 t de Soja de France sur l’Est de la France
Dans l’Est, le site, opérationnel pour le colza et le soja, pourrait en se focalisant sur cette dernière culture, triturer jusqu’à 80 000 t chaque année. Sur 2018, ce chiffre s’est arrêté à 30 000 t, dont 10 000 chartées Soja de France. « L’année a été difficile, climatiquement, amputant largement la production », précise Michel Duvernois, directeur d’Extrusel. L’ensemble de la zone Bourgogne-Franche-Comté-Rhône Alpes n’a ainsi produit que 65 000 t de graines, sur les quelque 90 000 t attendues. Pour l’année prochaine, Michel Duvernois espère atteindre la barre des 100 000 t produites, pour enfin dépasser le cap des 30 000 t triturées.
Un objectif de 30 000 t à triturer
Une barre sous forme de plafond de verre, et pas simplement pour des raisons climatiques. « Est-ce que tout le monde joue le jeu des filières régionales ? », s’interrogeait le DG de Terre comtoise Frédéric Moine dans l’édito de la lettre d’info de sa coop, début mars. « Sur 2018, 35 000 tonnes de soja produites localement n’ont pas alimenté notre usine, calcule Michel Duvernois. Notre filière sans OGM, 100 % française, répond pourtant pleinement à la demande sociétale. » Selon lui, compte tenu de ces attentes, Extrusel pourrait tourner à plein régime sur le seul soja.
Trouver la bonne formule économique
Pour Patrick Grosjean, directeur de l’activité nutrition animale chez Terre Comtoise, la bascule reste à faire pour les productions « conventionnelles ». La filière Comté qu’approvisionne sa coop, a su sauter le pas. « 70 % de nos 5 000 t de tourteau de soja consommés sont désormais françaises, affirme-t-il. Nous ne voulons pas être dépendant des importations. Mais la filière Comté a toujours porté le sans-OGM dans son cahier des charges, et la valorisation de l’AOP permet de digérer le surcoût. » Car le tourteau issu d’Extrusel, actuellement à 440 €/t, revient 20 à 30 € plus cher que le tourteau non-OGM importé. Toutes les laiteries ne proposent pas un accompagnement financier pour couvrir la différence.
Jouer la synergie cultures-élevages
« Le mouvement est en marche, note toutefois Patrick Grosjean. Les fromageries suivent de plus en plus cette voie. » Des synergies locales se mettent en place. Car si le Soja de France coûte plus cher à l’éleveur, il rapporte aussi davantage au cultivateur. « Sur les cinq à six dernières années, le soja est ma culture la plus rentable, témoigne Emmanuel Buisset, producteur en Saône-et-Loire. Peu de phyto, pas d’engrais minéral, il importe surtout de soigner le semis et le désherbage. De plus, la plante structure le sol et constitue une très bonne tête de rotation avant un blé. » Terre Comtoise mise sur cet équilibre entre productions végétales et animales pour consolider sa filière soja. Et espère ainsi jouer le rôle de tête de pont pour une culture qui ne demande qu’à décoller.
30 000 t de « Soja de France » au niveau national en 2018
« Après avoir chuté jusqu’à 20 000 ha en 2009, le soja français représente aujourd’hui 154 000 ha », précise Charlotte Canale, ingénieure d’étude chez Terres Univia. L’objectif de la filière est de continuer à progresser pour atteindre les 650 000 t chartées Soja de France en 2025, contre 30 000 t en 2018. » Une ambition qui permettrait de gommer l’import actuel de 500 000 tonnes de tourteau de soja non-OGM chaque année. Le débouché « alimentation humaine » connait un bel essor, dont s’emparent également les coopératives de l’Est à travers le projet Selvah ((https://reference-appro.com/bfc-investit-dans-un-outil-industriel-pour-valoriser-le-soja-local/)), mais ne représente qu’un marché de 10 000 t à l’heure actuelle.
(1) BOURGOGNE DU SUD, Dijon Céréales, Terres d’Alliances, Dauphinoise, INTERVAL, Terre Comtoise
(2) Phélicot, Sanders, Soréal