L’équilibre économique du bien-être animal encore fragile
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De nombreux intervenants étaient invités à réagir sur les liens entre élevage et bien-être animal, lors d’un colloque organisé le 22 octobre par la Fondation droit animal, éthique et sciences. Des échanges ont porté sur le coût économique du bien-être animal, un point majeur pour Julien Denormandie, présent au colloque. Si les leviers existent pour permettre la rentabilité, celle-ci est encore à structurer.
Une meilleure prise en compte du bien-être animal dans les exploitations est-il rentable pour les éleveurs ? La question était posée par la Fondation droit animal, éthique et sciences (LFDA), lors d’un colloque organisé le 22 octobre sur les liens entre bien-être animal et élevage. « Accroître le bien-être animal augmente très significativement les coûts, les bâtiments coûtent jusqu’à deux fois plus cher, indique Loïc Hénaff, président du directoire du groupe Hénaff. Il y a des mesures de biosécurité à mettre en place, la pénibilité n’est pas non plus évaluée. »
« La transition a un coût » pour le ministre de l’Agriculture
Venu pour échanger et défendre sa vision du bien-être animal, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a insisté sur la question des abattoirs. 130 millions d’euros sont prévus dans le plan de relance pour leur modernisation. « Le bien-être animal est une transition et chaque transition a un coût, a-t-il insisté. La question de la rémunération est centrale dans ce débat. Aujourd’hui les abattoirs ne gagnent pas d’argent, on ne peut pas dire « vous devez faire ça » si les fonds ne sont pas derrière, ça ne marche pas. »
Le levier de la Pac
La réforme de la Politique agricole commune, Pac, concentre également beaucoup d’attentes. L’accord trouvé par le Conseil européen, le 21 octobre, prévoit un écoscheme obligatoire, mobilisant 20 % des aides directes. « Pour la première fois les paiements directs pourraient être conditionnés à l’engagement environnemental ou sur le bien-être animal », rappelle Julien Denormandie. Si la mesure doit néanmoins recevoir l’aval du Parlement et de la Commission européenne pour figurer dans l’accord final, elle est un signe encourageant, pour Hervé Guyomard, directeur de recherche à l’Inrae et président du LIT Ouesterel. Ce dernier souhaiterait cependant aller plus loin : « Les aides de la Pac aident les producteurs, mais pas vraiment les consommateurs, comme cela est le cas aux Etats-Unis. L’augmentation du bien-être animal peut renforcer les inégalités d’accès à une alimentation de qualité, il faut donc davantage les accompagner. »
Des attentes parfois contradictoires des consommateurs
Car, de l’autre côté du panier, si les mentalités évoluent, les achats ne suivent pas le même rythme.« Les attentes des consommateurs sont parfois contradictoires, souligne Séverine Fontaine, directrice qualité filière animale chez Carrefour. Les consommateurs sont prêts à payer plus pour du jambon mais pas forcément pour une côte de porc, alors que ces produits sont issus du même animal. » Le facteur du prix reste par ailleurs le critère déterminant lors de l’acte d’achat. Dans les rayons, les produits à valeur ajoutée ne sont par ailleurs toujours bien valorisés. « 50 % de la viande Label Rouge est vendu en conventionnel », regrette Loïc Hénaff.
« Le bien-être animal peut-être rentable »
L’équilibre économique du bien-être animal est donc encore à construire. Mais, pour Sylvie Fontaine, il peut être synonyme de rentabilité. Elle cite ainsi comme exemple la castration des porcs qui peut permettre de réduire la quantité des rations. Elle insiste surtout sur le caractère collectif nécessaire à ces démarches. « Le surcoût potentiel est tel qu’on ne peut que travailler ensemble. L’arrêt de la caudectomie nécessite d’avoir moins de bêtes. Il faut laisser le temps aux éleveurs d’y aller, penser à l’ensemble des répercussions et mieux valoriser ces démarches. »