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Marchés céréaliers, de nombreuses incertitudes pour 2023

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Évolution des surfaces, des prix, des coûts de production… Le 14 février, le réseau des chambres d’agriculture organisait un point sur la situation de l’agriculture française, un an après le début de la guerre en Ukraine. Pour 2023, de nombreuses incertitudes demeurent, en raison d’une grande volatilité des cours, et des politiques européennes jugées trop peu encourageantes.

Marine Raffray et Thierry Pouch, économistes pour Chambres d’agriculture France, sont revenus sur la - © D.R.
Marine Raffray et Thierry Pouch, économistes pour Chambres d’agriculture France, sont revenus sur la - © D.R.

Alors que la production de blé pour la campagne en cours est attendue, au niveau mondial, autour de 795 Mt, la poursuite de la hausse de son prix semble se confirmer. C’est en tout cas ce qu’a affirmé Thierry Pouch, chef du service études et prospectives chez Chambres d’agriculture France, à l’occasion d’une conférence organisée, le 14 février 2023, sur la situation de l’agriculture française, et notamment des marchés céréaliers, un an après le début de la guerre en Ukraine. « Cela se confirme depuis plusieurs jours, en raison notamment de l’incertitude liée au renouvellement, en mars, de l’accord entre l’Ukraine et la Russie sur les exportations de céréales ukrainiennes depuis les ports de la mer Noire. Cela est aussi dû à l’impact du tremblement de terre en Turquie, qui est une grande productrice de farine. »

Les trajectoires d’évolution du prix du blé, qui a passé les 280 €/t il y a quelques jours, restent néanmoins difficiles à prédire. « Nous sommes dans une phase de grande volatilité », poursuit l’économiste. Selon lui, les stocks détenus par la Chine jouent un rôle central. Ces derniers s’élevaient en 2022 à 500 Mt. « Ce sont des niveaux impressionnants qui contribuent à l’instabilité des marchés », glisse Thierry Pouch.

Crainte d’un effet ciseau lié au prix des engrais

À cela s’ajoutent les chiffres désormais bien connus de la hausse des charges, liées à l’énergie et aux intrants, avec lesquels les agriculteurs doivent également composer. « En ce qui concerne les engrais, il y a un risque potentiel de ciseaux entre leur prix et celui des matières premières végétales, prévient Marine Raffray, économiste au sein du réseau des chambres. Le croisement s’est opéré fin 2022, c’est un point d’attention pour 2023. »

Marchés céréaliers, de nombreuses incertitudes pour 2023 - © D.R.
Marchés céréaliers, de nombreuses incertitudes pour 2023 - © D.R.

Des résultats à l’export satisfaisants…

Malgré ce contexte atypique, les économistes tiennent à souligner les bons résultats économiques du secteur. « Nous notons une rupture avec une longue période de baisse de la valeur ajoutée, rappelle Thierry Pouch. Reste à voir si celle-ci va s’inscrire dans la durée. » Les chiffres sont également positifs en matière de commerce extérieur agroalimentaire. Ce dernier affiche un excédent de 11 Mds €, alors que la France connaît un déficit record de - 164 Mrds €, inédit depuis les années 70. « Nous nous satisfaisons de ces résultats, tirés par la viticulture et les produits céréaliers, mobilisés pour répondre notamment aux demandes faites par l’Algérie, le Maroc ou l’Égypte », explique l’économiste.

… qui ne doivent pas cacher de nombreux points de vigilance

Des résultats qui ne doivent pas aveugler les observateurs sur d’autres constats moins enthousiasmants. La France a ainsi accru son déficit sur les filières fruits et légumes, et volailles notamment. « Les bons résultats présentés cachent une réalité différente, en particulier sur les volumes », insiste Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, citant la collecte de lait en baisse ou la crise traversée par la filière viticole. « Face à une Ukraine qui n’a pas produit ou exporté une partie de ses volumes, la France aurait pu compenser. Or, elle s’est mise à importer plus. Ce n’est pas une fatalité, mais je m’étonne de l’absence de réaction de la Commission européenne, qui porte au contraire davantage de politiques de contraintes, que d’encouragement. »