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MON810, de sérieux doutes sur son avenir en France

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Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 11 janvier l’activation de la clause de sauvegarde pour le maïs MON810, lors d’un Conseil national de l’UMP. « Je n’ignore nullement que, dans ma propre famille, certains sont contre », a-t-il déclaré, mais souhaitant mettre ainsi la France « à l’avant-garde du débat sur l’environnement ».

Sa décision se fonde sur les éléments avancés par le président de la Haute autorité, chargée de mettre en avant les éléments nouveaux significatifs pouvant étayer une activation de la clause de sauvegarde. Or, remettant le 9 janvier son rapport, son président, le sénateur Jean-François Le Grand a fait état de « doutes sérieux ». Quatorze scientifiques, membres de la Haute autorité contestaient alors la notion de doute sérieux, qui ne figurent pas, en effet, dans le « projet d’avis sur la dissémination du MON810 » (voir ci-après). La polémique ne s’est pas limitée au seul Comité. Elle a aussi touchée le monde politique. L’annonce par Jean-Louis Borloo, le 8 janvier, du retrait du projet de loi, en pleine audition sur ce sujet par les sénateurs qui travaillent à son élaboration a choqué. Pour le rapporteur de la commission OGM au Sénat, Jean Bizet, « la démagogie l’emporte sur la démocratie ». Bernard Accoyer, président de l’Assemblé nationale, en appelle pour sa part à de « véritables conclusions scientifiques » et s’insurge sur la « remise en cause perpétuelle de ce que nous décidons ». En attendant, le projet de loi doit revenir au Sénat le 5 février, pour une présentation devant les députés au lendemain des municipales. La FNSEA a elle aussi été « secouée » par la crise de la semaine écoulée, entre la mention d’un recours « à la désobéissance civique » et le sentiment d’avoir été « rassurés » par le chef de l’Etat. Voir les principales réactions ci-après.

Lot de consolation ? Le gouvernement a annoncé « un plan d’investissement dans les biotechnologies végétales de 45 millions d’euros, soit une multiplication par huit des budgets actuels ».

Au final, la démarche auprès de Bruxelles doit être déposée par le ministre de l’Agriculture, au terme d’un délai de quinze jours dont dispose Monsanto pour présenter des éléments contradictoires.

C.D.

Le projet d’avis sur la dissémination du MON810 sur le territoire français

Le Comité de préfiguration d’une haute autorité sur les OGM, mis en place à l’issue du Grenelle de l’environnement, était donc chargé de « réévaluer les risques et bénéfices pour l’environnement et la santé publique » du MON810, seul maïs OGM autorisé pour l’heure en France. Se référant à des études menées depuis l’autorisation du MON810 en Europe, le projet d’avis du Comité fait état pour les points négatifs de « la dissémination de la toxine b », de « sélection de souche résistante sur deux lépidoptères cibles secondaires » et souligné la « possibilité d’effets toxiques avérés à long terme sur les lombrics, les isopodes, les nématodes et les monarques ». Du côté des point positifs il souligne « une réduction de 90 à 95 % des teneurs en mycotoxines ». Il dégage ensuite les points nécessitant une observation approfondie. Et conclut, sans mentionner explicitement des « doutes sérieux » sur la nécessité « à plus long terme de prendre en compte les impacts écologiques des produits autorisés à l’importation ».

LES PRINCIPALES REACTIONS

Philippe Gracien, Gnis : « C’est une véritable gabegie. La démagogie a triomphé de l’innovation agricole qui, désormais, se fera sans la France ».

Jean-Michel Lemetayer, FNSEA : « il est temps de sortir du mensonge. Soit les OGM sont néfastes, et alors il faut arrêter les importations, soit on met les producteurs français en situation de concurrence avec leurs homologues étrangers ». Il se dit ensuite, à l’issue d’une rencontre avec le président en fin de semaine, rassuré par celui-ci sur le fait que la loi serait bien débattue, seul le calendrier étant quelque peu modifié.

Bernard Accoyer, président de l’Assemblé nationale, conteste les décisions de la Haute autorité et demande qu’elles soient basées sur de « véritable conclusions scientifiques » et s’insurge sur la « remise en cause perpétuelle de ce que nous décidons ».

Orama (section des producteurs de grandes cultures de la FNSEA) considère que l’avis de la Haute autorité « est une présentation biaisée » car « sur le fond, au regard des exigences juridiques communautaires, cet avis ne fait en effet apparaître aucun élément scientifique nouveau de nature à fonder la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde ». « De leur côté, les producteurs de maïs OGM, respectueux des cadres légaux et victimes des fauchages, se sentent injuriés par la légitimation, dans les faits et politiquement, des auteurs de tels actes », souligne Orama qui laisse entendre que ses adhérents n’hésiteront pas à tenter de s’opposer au débarquement dans les ports français de soja OGM américain.

L’Association Française pour l’Information Scientifique « constate qu’aucun élément nouveau n’a été apporté permettant de justifier scientifiquement une mesure de suspension de la culture du maïs rendu résistant à la pyrale et à la sésamie et dénonce la confusion entretenue systématiquement dans le discours entre « exposition » et « impact » ».

La Confédération paysanne salue une « sage décision », mais s’inquiéte des crédits supplémentaires accordés au biotechnologies. José Bové suspend sa grève de la faim entamée le 3 janvier, assurant que son « combat n’était pas terminé ».