Bien-être animal, « reconnaître ce qui est déjà fait », Jérémy Decerle, rapporteur européen
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Le député européen (LREM) depuis 2019, Jérémy Decerle a été nommé rapporteur sur le bien-être animal. À travers ce document, attendu pour le début de l’année 2022, l’ancienne tête de file des Jeunes agriculteurs souhaite avant tout mettre en lumière les efforts déjà à l’œuvre au sein du secteur agricole. Entretien.
Référence Agro : Vous avez été nommé rapporteur sur le bien-être animal début juillet. Comment vont s’organiser les travaux et avec quelle échéance ?
Jérémy Decerle : Ce rapport n’est pas une commande d’un pays ou de la Commission européenne. Elle vient de plusieurs parlementaires de la Commission agri, et notamment du groupe des Verts, qui souhaitaient avoir un état des lieux sur la réglementation en matière de bien-être animal, et ses évolutions. Nous allons dans un premier temps finaliser la commande et les contours de ce rapport, pour organiser notre recherche. Les travaux débuteront début 2021, pour une livraison prévue au début de l’année 2022. Après une première phase d’étude d’environ six mois, nous formulerons des propositions, sur la base du constat tiré. Notre périmètre d’action ne concerne que les exploitations, nous ne traiterons donc pas, par exemple, la question des abattoirs.
R.A. : Quelle est la priorité pour vous ?
J.D. : Ce qui me tenait à cœur, quand je me suis porté candidat pour piloter ce rapport, était de mettre en avant que le bien-être des animaux est lié à celui des éleveurs. Je souhaite également faire ressortir les évolutions qui ont eu lieu depuis plusieurs décennies. Beaucoup de critiques sont formulées mais peu de gens ont conscience de la manière dont les pratiques ont changé. Il y a trente ans, sur l’exploitation tenue par mon père, les vaches étaient attachées à une chaîne. Désormais chaque animal doit avoir un minimum d’espace. La question des transports concentre beaucoup de critiques, qui sont sans doute justifiées dans certains pays. Certains camions sont aujourd’hui équipés de systèmes de ventilation, d’abreuvoirs, etc. Il y a encore quinze ans, ces systèmes-là n’existaient pas. Nous ne pouvons pas tout demander à une profession qui va elle-même mal. Nous ne voulons pas uniquement nous focaliser sur les sujets sensibles et souvent mis en avant comme l’élevage hors-sol ou les cages, et je ne veux pas d’un rapport qui se contente de lister tout ce qui ne va pas. L’objectif n’est pas de se mettre la pression, mais de réaliser sereinement notre étude pour voir les améliorations possibles, sans oublier de reconnaître ce qui est déjà à l’œuvre et de nous appuyer sur les points positifs.
R.A. : Existe-t-il déjà des points de consensus ou d’oppositions, qui risqueraient de susciter le débat ?
J.D. : Difficile à dire pour l’instant. Les premières réunions devraient avoir eu lieu d’ici à la mi-octobre : nous y verrons plus clair à ce moment-là sur les positions et l’énergie que chacun veut
mettre dans ce travail. Une chose est sûre : si l’objectif est de régler des cas spécifiques, je ne suis pas le bon rapporteur ! Je souhaite dresser un constat réaliste de la situation pour avancer. Bien sûr, il y aura des débats sur les cages ou les élevages hors-sol, mais ils devront être rationnels, en se posant les bonnes questions. Par exemple, comment mettre tous les cochons dehors, comme certains le souhaitent ? Cela créera sûrement d’autres problèmes avec les riverains. Nous devons faire comprendre que tout ne peut pas changer du jour au lendemain. Une grande partie de la société veut encore manger de la viande, ne l’oublions pas. Nous devons faire preuve de rationalité pour éviter les postures radicales et formuler des propositions cohérentes. À nous aussi de regarder ce qui se fait ailleurs. Des pays comme le Luxembourg par exemple, sont davantage sortis du système de cage pour les poules pondeuses. Quels investissements ont été nécessaires ? Comment les éleveurs ont-ils été accompagnés ? Je suis partisan des comparaisons, servons-nous de ces exemples.
R.A. : Quel lien ce rapport aura-t-il avec les grandes feuilles de route européennes, comme le Green deal ou la Pac ?
J.D. : Pour ce qui est de la Pac, cela va être compliqué d’avoir une influence, car l’ambition portée par la présidence allemande du Conseil de l’UE est de voter des premiers textes d’ici à la fin de l’année. Mais pour ce qui concerne le Green deal, il me semble responsable que cela soit coordonné avec les résultats de notre rapport. Nous voulons avant tout prendre le temps qu’il faudra pour bien mener ces travaux.
R.A. : Le projet de mettre en place un étiquetage des modes d’élevage au niveau européen en 2021 est-il toujours d’actualité ?
J.D. : Le calendrier va dépendre des avancées sur le Green deal et dans une moindre mesure la Pac. Le sujet n’est pas revenu dans les discussions dernièrement, mais il serait logique que, dans le cadre de la stratégie Farm to fork, il soit traité.