Bilan du plan Écophyto, les parties prenantes ne sont ni d’accord, ni satisfaites
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Le Comité d’orientation de suivi du plan Écophyto (Cos) s’est tenu à Paris le 7 janvier, regroupant les membres du gouvernement, le monde agricole, les associations de défense de l’environnement. Bilan de plusieurs heures de réunion : peu de changements ou d’annonces, place très limitée au dialogue, et les résultats, ainsi que les ambitions présentées par le Gouvernement, ne satisfont personne. La ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne, elle-même, avoue l’échec de ce plan : « Il faut se rendre à l’évidence : la politique mise en œuvre depuis désormais plus de dix ans ne produit pas les résultats espérés, dans le secteur agricole. Ceci doit nous conduire à réinterroger, en profondeur, cette politique. »
La viabilité économique des mesures, grande oubliée
Du côté du monde agricole, un mélange d’agacement, d’incompréhension, mais surtout d’inquiétude domine. « Comme l’ont souligné les Jeunes agriculteurs lors des quelques prises de parole possibles, les questions économiques n’ont pas été abordées une seule fois », regrette Christophe Grison, président de la coopérative Valfrance et en charge du suivi du dossier Écophyto pour la Coopération agricole.
Les organisations professionnelles représentants les producteurs de blé, de betterave, de maïs et d’oléoprotéagineux (1) avouent « n’y comprendre plus rien et demandent une remise à plat des indicateurs ».
Si le décret relatif à la séparation du conseil et de la vente est prévu à la consultation pour janvier, coopératives et négoces ne restent pas moins inquiets du délai de mise en œuvre. « Nous avons pris acte de cette volonté de séparer ces deux activités, mais nous demandons un délai supplémentaire car nos organisations vont être modifiées en profondeur et à l’heure actuelle, tout le monde se dirige vers la vente. C’est le plus simple et le seul modèle économique possible. D’autant plus que nous n’avons toujours pas les textes », dénonce le président de Valfrance.
La hausse des ventes de produits phytosanitaires indigne
Les associations environnementales ont de leur côté dénoncé l’échec du plan et son manque d’ambition, réagissant vivement à la hausse observée des ventes sur 2018. « On continue de marcher sur la tête et il semble qu’aucun chiffre, aussi alarmiste soit-il, ne fasse réagir les autorités » se désole Sylvie Corpart, secrétaire nationale environnement à la Fnab. Le syndicat souligne que l’agriculture biologique « se passe totalement des produits issus de la chimie de synthèse qui sont ceux présentant le plus de risques pour la santé humaine ». Il n’a toutefois pas commenté que le souffre, utilisable en agriculture bio, constitue les volumes les plus importants de produits phytosanitaires dans ce rapport, même si des tonnages sont utilisés dans l’agriculture conventionnelle. « Les nouvelles données de suivi du plan de réduction des produits phytosanitaires sont catastrophiques avec une augmentation de 21 % de la quantité de substances actives vendues par rapport à 2017 ! », fustige Générations Futures dans un communiqué, demandant la mise en place urgente de mesures contraignantes, tout comme Arnaud Gauffier, de WWF France sur Twitter. Même son de cloche du côté de France nature environnement : « Plus de 600 millions d’euros d’argent public ont été investis sur 10 ans pour réduire la consommation de pesticides en France dans le cadre d’Écophyto ! Il est plus que temps de tirer le bilan des blocages structurels dans le monde agricole et d’aller vers des solutions de soutien plus affirmées à la transition agroécologique et à l’agriculture biologique. »
Le Gouvernement, comme l'Union des industriels de la protection des plantes (UIPP), explique cette augmentation par la hausse de la consommation de produits destinés au bio, les aléas climatiques et l’anticipation de la redevance pour pollution diffuse. « Dans les médias ce matin, on parle d’une hausse de 25 % des pesticides, sans précision sur le fait que ce n’est pas une hausse de la consommation, mais une constitution de stock pour anticiper les hausses de taxes », nuance Laurent Vittoz, directeur général de Valfrance sur Twitter.
(1) AGPB, CGB, AGPM, Fop