Biodiversité et COP 15, atteindre enfin les objectifs pour 2050
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La prochaine réunion de la Convention sur la diversité biologique devrait se tenir en octobre 2020. Les négociations avancent avec l’ambition d’aboutir à des objectifs chiffrés pour 2030 et 2050, accompagnés d’indicateurs de suivi. L’agriculture est concernée, via son usage des engrais et des pesticides. Le point avec l’Iddri.
Depuis le Sommet de Rio de 1992, à l’origine de la mise en place de la Convention sur la diversité biologique (CDP) avec 196 pays, les objectifs des plans stratégiques sur la biodiversité n’ont pas été tenus. Certes, des cadres riches ont été définis, notamment à l’issue des négociations de Nagoya, mais les constats vont plutôt vers des échecs. Une des erreurs, selon l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) qui organisait une webconférence le 19 mars : l’absence d’objectifs chiffrés, à l’exception de celui d’atteindre 17 % des aires protégées terrestres pour 2020. Les experts reprochent également des lacunes au niveau de la restitution des résultats, le manque de lien avec d’autres conventions et de communication vers tous les acteurs potentiels de la biodiversité. « Il y a des alliés de la biodiversité dans diverses organisations, qui se retrouvent parfois seuls, et qu’il faut soutenir », estime Aleksandar Rankovic, coordinateur gouvernance internationale de la biodiversité post-2020 à l’Iddri. Il estime que les experts sur le climat ont mieux réussi à sensibiliser l’opinion en présentant ce que serait un monde décarboné en 2050. « Très peu de documents montrent la vie avec une économie biodiversifiée » , reconnaît Aleksandar Rankovic.
Des objectifs chiffrés pour 2030 et 2050
Quoiqu’il en soit, et forte de ces constats, la Cop 15, qui devrait se tenir du 15 au 28 octobre à Kunming en Chine, entend faire mieux que les négociations précédentes. Les experts sont confiants. Un premier document a été présenté le 13 janvier. Il a été discuté à Rome du 24 au 29 février. « Les débats se sont bien déroulés, avec un fort engagement des pays africains, se félicite l’Iddri. Le cadre proposé est complet et contient tous les éléments nécessaires pour produire un résultat ambitieux pour la COP 15. » Le texte propose « une théorie du changement » pour les trente prochaines années, avec des objectifs pour 2050 et des étapes pour 2030.
Vingt objectifs sont regroupés en trois catégories : réduction des menaces pesant sur la biodiversité, réponse aux besoins des populations grâce à l’utilisation durable et au partage des avantages, développement d’outils et de solutions. Les chiffres à atteindre seront discutés à Kunming, comme la diminution des espèces menacées et la préservation de la diversité génétique, le nombre de personnes devant disposer d’une meilleure nutrition et ayant un accès durable à l’eau potable, etc.
Engrais, pesticides et plastiques
L’agriculture est concernée : l’avant-projet propose de mettre l’accent sur les engrais, les biocides et les plastiques, qui constituent « les trois principales familles de polluants portant atteinte à la biodiversité ». Une baisse d’au moins 50 % de cette pollution est proposée. « Au-delà des objectifs et cibles, c’est aussi dans les partenariats et les synergies, avec les autres conventions et institutions internationales, comme la FAO, et avec les acteurs de l’agroalimentaire que les enjeux principaux de la mise en œuvre se trouveront », estime Aleksandar Rankovic.
Le document contient également des chapitres sur la mise en œuvre et les mécanismes de responsabilité et de transparence. « Une véritable nouveauté » poursuit-il. Toutefois l’Iddri met en garde sur les dangers d’un texte trop lourd qui serait difficile à négocier à Kunming et qui pourrait faciliter des stratégies d’obstruction.
Quid des financements ? 50 à 80 milliards de dollars sont pour l’instant alloués. Une enveloppe décevante au regard des 340 milliards de dollars dédiés tous les ans aux énergies fossiles, ou les 113 milliards de dollars alloués au financement « d’une activité agricole plus néfaste pour la biodiversité », estime l’Iddri.
Le Coronavirus pourrait décaler la conférence
Mais le Coronavirus pourrait semer le trouble dans cette feuille de route. Les budgets risquent d’être revus à la baisse à cause des efforts nationaux colossaux pour lutter contre la pandémie et pallier ses impacts économiques. La situation sanitaire devrait également avoir pour conséquence de retarder la conférence de Kunming, voire de désensibiliser les citoyens à ce thème, davantage préoccupés par leur situation financière. À moins que ce ne soit l’inverse et que cette catastrophe mondiale provoque un autre regard sur les enjeux environnementaux de la planète.