Référence agro

Brexit : le secteur agricole liste les conséquences d’un « No deal »

Le | Politique

« Il faut se préparer, mais sans savoir à quoi. Cela implique un investissement financier, et si un accord était finalement trouvé, les entreprises pourraient avoir l’impression d’avoir perdu leur argent, explique Catherine Dubois de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). D’où la difficulté. » Elle participait, le 20 juin, à un débat organisé à l’Assemblée générale des chambres d’agriculture (APCA), sur le Brexit. Une quinzaine d’intervenants, pour discuter des conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sur les filières agricoles, et les stratégies possibles de reconquête des marchés perdus.

500 000 millions d’euros de pertes selon l’APCA…

Car si l’incertitude plane toujours sur les modalités du Brexit, les conséquences économiques d’une sortie sans accord ne font plus de doute. « 30 % des produits alimentaires du Royaume-Uni viennent de l’Union européenne. Ce pays est également le troisième client de la France pour l’agroalimentaire », précise Maximim Charpentier, président de la Chambre régional Grand Est. L’économiste Thierry Pouch prévient : « En cas de non-accord, l’ensemble des régions sera touché. » En tête, les Hauts-de-France, avec des pertes estimées à 90 M€ par an, devant le Grand-Est (67 M€) et la Nouvelle-Aquitaine (65 M€).

« Le Royaume-Uni est un partenaire avec lequel le secteur agroalimentaire français réalise un excédent commercial de 3 milliards d’euros », rappelle Vincent Hébrail-Muet, de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Les boissons et l’alcool seraient les secteurs les plus concernés. Selon l’APCA, ils représenteraient 40 % des 500 M€ de pertes à court-terme, en cas de « no deal ». Un scénario de moins en moins hypothétique depuis le départ de la première ministre Theresa May : l’accord trouvé entre cette dernière et les 27 ayant été plusieurs fois retoqué par les députés britanniques. Le partisan du « no deal » Boris Johnson est désormais en position de force pour prendre la succession.

… mais des positions plutôt attentistes

Un avenir flou qui place de nombreux acteurs du secteur agricole dans « une position attentiste », de l’aveu d’Arnaud Degoulet, président d’Agrial. « À l’instant t, on ne sait pas quels seront les effets réels du Brexit. Le monde coopératif n’est sûrement pas assez sensibilisé », reconnaît-il. Tout en rappelant : « L’Angleterre est extrêmement dépendante pour son alimentation, les gens vont continuer à manger après le Brexit. » Mais les inquiétudes sont également propres aux filières, preuve de la complexité du dossier.
Directeur de l’interprofession porcine Inaporc, Didier Delzescaux, s’inquiète, en cas d’accord, de voir le Royaume-Uni devenir « un cheval de Troie des États-Unis et du Canada ». Du côté de la filière laitière, Béranger Guyonnet, de la direction des relations extérieures chez Sodiaal, souligne les potentiels impacts indirects du Brexit. « Les produits laitiers irlandais destinés au marché anglais pourraient se retrouver sur le marché français, et tirer les prix vers le bas. »

Les droits de douane en question

Les fluctuations du cours de la livre sterling, et l’impact du rétablissement de droits de douane, font également partie des sujets d’inquiétude évoqués. Comme en témoigne Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportations de vins et de spiritueux. « Les Britanniques vont continuer à boire du vin français. À l’approche de l’échéance initiale du 29 mars, nous avions augmenté nos stocks pour pouvoir continuer à alimenter les marchés britanniques. Notre inquiétude porte plutôt sur les droits de douane. Le stockage pourrait nous permettre de nous prémunir de cette situation. »

Prochaine étape : le 31 octobre

La prochaine échéance de ratification d’un accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est fixée, pour l’instant, au 31 octobre 2019. Du côté de l’administration française, les mesures d’ores et déjà prises s’inscrivent dans l’hypothèse du no deal. 700 agents douaniers sont actuellement en cours de recrutement et plusieurs bureaux de douane ont été installés le long de la Manche et de la mer du Nord.