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Bruxelles autorise 19 OGM à l’importation, les Etats décideront

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Le 24 avril, la Commission européenne a adopté une série de décisions concernant dix nouvelles autorisations d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’alimentation humaine et animale, sept renouvellements d’autorisations et deux importations de fleurs coupées non destinées à l’alimentation (voir le détail en encadré ci-après). Et ce, en l’absence de majorité qualifiée lors des votes des États membres. Une situation dont aimerait sortir la Commission européenne, et qui reflète les désaccords des pays. C’est pourquoi, le 22 avril elle a proposé une modification du règlement 1829/2003 qui permettrait à chaque gouvernement d’interdire les importations d’OGM pour l’alimentation humaine ou animale sur son territoire, à l’instar de la législation adoptée le 11 mars pour la culture des plantes transgéniques. Les Etats interviendraient à l’issue de la procédure d’autorisation européenne. Si la Commission ne détaille pas les arguments justifiant l’interdiction, ceux en lien avec les risques pour la santé humaine ou l’environnement ne devraient pas pouvoir être pris en compte car restant réservés à l’Agence européenne de sécurité alimentaire, Efsa. Une proposition rejetée dans l’ensemble Cette proposition permettra-t-elle à l’Union européenne de sortir de l’impasse de la question des OGM ? Elle fait en tout cas plutôt l’unanimité contre elle. « La Commission peut se féliciter d’avoir enfin les mains libres pour autoriser, à sa guise, les OGM à son niveau », a déclaré José Bové, membre de la commission agriculture et développement rural du Parlement européen. « Jean-Claude Juncker se couche devant le lobby des entreprises transgéniques », a-t-il ajouté en réaction aux nouvelles autorisations d’importation. Les eurodéputés socialistes français, qui ont pourtant soutenu la mesure permettant à un État membre d’interdire la culture des plantes transgéniques, rejettent ce texte, estimant qu’il revient à renationaliser le marché. « Par ailleurs, cela n’empêcherait probablement pas des détournements commerciaux et donc une présence de matières premières issues d’OGM dans les pays qui en refuseraient l’importation », indiquent-ils. Les organisations agricoles et alimentaires européens comme Copa-Cogeca (syndicats et coopératives), Corceral (céréaliers) ou encore EuropaBio (bio-industries) ont également regretté la proposition. Selon Pekka Pesonen, secrétaire général de Copa-Cogeca, cette politique « va sérieusement menacer le marché intérieur pour les produits alimentaires et aliments pour animaux, entraînant des pertes d’emplois importantes et la baisse des investissements dans la chaîne agro-alimentaire. » Ces organisations exhortent le Parlement européen et le Conseil à rejeter la proposition de la Commission qui serait contraire à l’esprit du marché unique. Inquiétude des filières animales L’alimentation animale, principale filière concernée, a dénoncé le projet par le biais de son syndicat, Snia. « Limiter la commercialisation d’OGM en France induirait un très net renchérissement des coûts de production en élevage », affirme le Snia. Car même si les fabricants d’aliments du bétail affirment que 80 % des matières premières utilisées sont d’origine française, le déficit de protéines oblige à importer, notamment des tourteaux de soja dont une quantité significative est issue de graines génétiquement modifiées. Même les Etats-Unis ont notifié leur déception à l’annonce de la proposition «  qui paraît difficilement conciliable avec les obligations internationales de l’UE, selon Michael Froman, le négociateur principal du partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP). De plus, diviser l’Europe en 28 marchés pour la circulation de certains produits semble contraire à l’objectif européen de renforcer le marché intérieur ». La proposition législative va être étudiée par le Parlement et le Conseil européens.

  • Les OGM autorisés, en détail
• s’agissant des dix nouveaux OGM : le maïs MON 87460, les sojas MON 87705, MON 87708, MON 87769, 305423 et BPS-CV127-9, le colza MON 88302 ainsi que les cotons T 304-40, MON 88913 et LLCotton25 × GHB 614; • s’agissant des sept renouvellements : les maïs T 25 et NK 603, le colza GT 73 et les cotons MON 531 × MON 1445, MON 15985, MON 531 et MON 1445; • 2 fleurs coupées transgéniques (œillets des lignées IFD-25958-3 et IFD 26407-2). Les autorisations sont valables pour dix ans et tout produit obtenu à partir de ces OGM sera soumis aux règles de l’UE en matière d’étiquetage et de traçabilité. Avec ces autorisations, 68 produits alimentaires OGM ont reçu l’autorisation d’importation dans l’UE, essentiellement destinés à l’alimentation animale. Lien vers la proposition : Reviewing the decision-making process on genetically modified organisms (GMOs) Lire aussi notre article : OGM : la nouvelle directive européenne entre en vigueur