Bruxelles veut réduire l’impact des biocarburants sur l’environnement
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La Commission européenne a proposé, le 17 octobre, un sérieux amendement à la directive relative aux énergies renouvelables qui fixe un taux d’incorporation de 10 % dans la consommation du secteur des transports d’ici 2020. Selon la proposition de la Commission, les biocarburants de première génération, qui représentent aujourd’hui 4,5 % de la consommation d’énergie du secteur des transports dans l’Union, ne devront pas dépasser le seuil des 5 % d’ici à 2020. En revanche l’objectif global de parvenir à 10 % d’énergies renouvelables dans la consommation du secteur des transports d’ici 2020 reste, lui, inchangé. Plafonnement des biocarburants de première génération Par cet amendement à la directive relative aux énergies renouvelables, la Commission souhaite ainsi plafonner la part des biocarburants de première génération, c’est-à-dire produits à base de cultures alimentaires (comme le blé, le maïs, la betterave, le colza, etc.), afin d’encourager les industriels à développer des biocarburants de deuxième génération à base de déchets végétaux ou de troisième génération à base d’algues. Elle entend de ce fait réduire les interférences avec la production alimentaire mondiale, alors que les cours des céréales atteignent des sommets. Selon le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, le développement des biocarburants de première génération s’est fait au détriment des cultures alimentaires et des forêts. Au point que les émissions générées par la déforestation rendent le bilan carbone de certains biocarburants de première génération aussi mauvais que celui des combustibles fossiles qu’ils remplacent. La proposition de la Commission « n’est pas parfaite, mais c’est très important pour assurer que l’avenir des biocarburants soit plus durable », a jugé la commissaire en charge du climat, Connie Hedegaard. Pour mieux prendre en compte la dimension climatique des biocarburants, la Commission propose aussi d’inclure des facteurs liés aux changements indirects d’affectation des sols (ILUC pour « indirect land use change »). Toutefois, les conséquences indirectes en émission de CO2 devront être seulement mentionnées mais ne seront pas prises en compte pour calculer le bilan carbone du biocarburant. Insatisfaction générale Les principaux syndicats européens d’agriculteurs (Copa-Cogeca) et industriels de biocarburants (ePure pour l’éthanol et EBB pour le biodiesel) ont dénoncé, dans un communiqué commun, cette proposition de la Commission relative aux biocarburants de première génération. Selon le secrétaire général de Copa-Cogeca, Pekka Pesonen, « certains Etats ont déjà fait des plans qui dépassent la limite de 5 %. Cette proposition va mettre un terme brutal au développement du secteur et provoquer un ralentissement dans l’industrie des biocarburants et l’emploi dans les zones rurales ». Pour Sofiprotéol, cette proposition « constitue une véritable menace pour la filière biodiesel », énonçant « des conséquences graves sur l’emploi, l’industrialisation des territoires et l’agriculture ». Les ONG, pour qui la Commission ne va pas assez loin, ne sont pas satisfaites non plus. Oxfam remarque par exemple que « le plafond d’incorporation proposé est plus élevé que le niveau actuel de consommation d’agrocarburants de première génération en Europe ». Le projet de la Commission « marque un tournant dans le soutien européen aux agrocarburants mais reste dans la demi-mesure », explique Jérôme Frignet, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France. Et d’enchaîner : « En proposant enfin une valeur chiffrée pour les émissions indirectes de CO2 associées aux agrocarburants, elle officialise le fait que le biodiesel produit en France émet plus de gaz à effet de serre que le diesel fossile. Mais sous la pression des lobbies industriels et d’Etats membres comme la France, elle n’impose pas la prise en compte de ce facteur disqualifiant ». La proposition, en l’état, « ne va pas empêcher les biocarburants de faire monter les prix alimentaires et accélérer le changement climatique », juge de son côté Les Amis de la Terre. Et elle n’empêchera pas le phénomène de « l’accaparement des terres » dont sont victimes les paysans pauvres des pays en développement, dénonce ActionAid. Selon la Banque mondiale, les biocarburants représentent entre 21 % et un tiers des surfaces ainsi acquises dans les pays en développement. Cette nouvelle proposition de la Commission relative aux biocarburants de première génération doit à présent être avalisée par les Etats membres et le Parlement européen avant d’entrer en vigueur.