Référence agro

Changements d'affectation des sols et GES : encore beaucoup d'incertitudes, selon l'Ademe et l'Inra

Le | Politique

La base de travail était conséquente : un corpus de 5 730 articles scientifiques. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) se sont penchés sur cette littérature situant les grands enjeux liés aux changements d’affectation des sols. Huit groupes d’études ont été caractérisés (voir encadré).

GES : des comparaisons biocarburants-énergies fossiles fluctuantes

L’un des champs d’étude les plus fréquents concerne le climat, avec deux approches classiques : l’angle « cause », où l’usage de certaines surfaces évolue à cause de l’impact du changement climatique sur certaines cultures ; et l’angle « effet », où le stockage (ou déstockage) de carbone dû aux changements d’affectation des sols influence le climat. Dans ce dernier cas, les travaux centrés sur l’implantation de cultures à vocation énergétique ont été passés au crible par l’Ademe et l’Inra.

Partant d’un corpus aussi conséquent, difficile de trouver des grandes tendances absolues. La comparaison des émissions de GES dues aux bioénergies à celle des énergies fossiles, par exemple, présente des résultats fluctuants. Selon la référence fossile choisie, la différence par rapport aux énergies fossiles oscille entre une baisse moyenne des émissions de GES de 42 % et une hausse moyenne de 9 %.

L’affectation initiale des sols, une influence importante

Le type de changement d’affectation des sols impliqué joue également un rôle important. Dans le cas d’une occupation initiale forestière, les émissions de GES dues aux bioénergies sont en moyenne plus élevées que celles dues aux énergies fossiles. Ce n’est pas le cas quand l’occupation initiale est une prairie. Un constat « inattendu », selon l’Ademe et de l’Inra, qui préconisent une étude approfondie de ce cas de figure.

Parmi les autres enseignements, l’Inra et l’Ademe notent que les plantes pérennes comme le miscanthus, utilisé pour les biocarburants de seconde génération, tendent à mieux préserver les teneurs en carbone organique du sol, comparées aux cultures énergétiques annuelles. Par ailleurs, plus de la moitié des études focalisées sur l’enjeu « eau » concluent à une augmentation de la consommation dans le cas d’un changement d’affectation des sols en vue de produire des cultures à vocation énergétiques.

Rapprocher les disciplines scientifiques pour plus de pertinence

L’Ademe et de l’Inra concluent à un grand nombre d’incertitudes sur l’influence des bioénergies sur l’environnement, via les changements d’affectations des sols. Quantifier les impacts de ces derniers est un exercice dépendant des situations et des méthodes utilisées, qui sont loin d’être « stabilisées ». Ce qui suggère, selon les deux structures, « la nécessité d’un rapprochement entre les communautés scientifiques travaillant sur les changements d’affectation des sols avec celles traitant des évaluations environnementales. »

Benoit Gabrielle, chercheur à l’AgroParisTech, remarque un absent dans cette littérature : « Les chercheurs se sont encore peu penchés sur le lien en changement d’affectation des sols et l’évolution des régimes alimentaires. »

5 730 documents, une segmentation en huit grands groupes thématiques

  • Deux premiers sous-ensembles proches concernent les études traitant du changement climatique et du stockage de carbone ;
  • Les bioénergies constituent un groupe à part entière, avec des focus notamment sur la concurrence avec l’alimentation ;
  • Trois sous-ensembles de documents sont centrés sur la réorientation des surfaces : développement urbain, conduite des prairies, gestion forestière ;
  • Enfin, deux groupes de travaux scientifiques sont liés aux impacts des changements d’affectation des sols, avec un lien à l’agriculture fort : biodiversité et ressource en eau.