Congrès de la FNSEA : un pacte économique et sociétal
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En invitant des personnalités connues et d’horizons différents, à l’instar de Serge Papin, directeur général de Système U, à débattre de l’avenir de l’agriculture, le syndicat agricole majoritaire a montré, le 28 mars à Tours, sa volonté d’ouverture pour co-construire des solutions innovantes. Loin parfois des clivages historiques.
« Je prends des risques à venir au congrès de la FNSEA », a indiqué, amusé, Bernard Chevassus-au-Louis, président de l’association environnementale Humanité et de biodiversité. Il intervenait sur les contrats de solutions destinés à réduire l’utilisation des pesticides. « J’ai été heureusement surpris de voir que la FNSEA s’engageait dans cette voie, a-t-il reconnu. Quelle que soit la solution, il faut assumer le fait que les agriculteurs ont besoin d’éliminer un certain nombre d’espèces qui posent problème. Nous devons prendre garde au fétichisme sur des innovations, comme le biocontrôle, et avoir en tête que la substitution d’un produit phytosanitaire avec une solution alternative ne sera pas possible. Les exploitants deviendront des chercheurs de solutions combinatoires. »
Pesticides, climat : l’agriculture a des solutions
Une place centrale pour les agriculteurs que Christian de Perthuis, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, valide aussi en matière de climat. « Nicolas Hulot a besoin de vous pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone », s’est-il exclamé. L’économiste croit au développement du biogaz, aux vertus économiques et environnementaux multiples selon lui, beaucoup plus qu’à celui des biocarburants. « La méthanisation doit constituer un revenu complémentaire pour les exploitants, insiste Olivier Dauger, administrateur à la FNSEA en charge du dossier énergie-climat. En gérant les effluents d’élevage et en créant de l’emploi, la filière s’avère un réel plus pour les territoires, qui doivent l’encourager. »
Mais pour développer la méthanisation, Christian de Perthuis martèle qu’il est nécessaire d’inventer un nouveau modèle économique, favorable aux sols ou à la biodiversité, et défavorable aux technologies polluantes.
Big data, sécuriser les données de l’agriculteur
Si tous s’accordent sur la nécessité de prendre le virage du numérique, reste la fameuse question de la redistribution de la valeur. Un problème en partie levé par la charte sur l’utilisation des données agricoles que la FNSEA a choisit de présenter lors de son congrès. « Si nous sommes favorables à l’open data, notamment pour créer des outils d’aide à la décision, nous demandons que l’opérateur soit clair sur l’utilisation des données », explique Henri Biès-Péré, deuxième vice-président de la FNSEA en charge des questions de territoire.
L’objectif est bien de répondre aux attentes des consommateurs, qui cherchent des éléments de réassurance. « Nous avons identifié plusieurs attentes, a expliqué Magali Sartre, responsable développement durable du groupe Bel : davantage de pâturage, de bien-être animal, sans OGM, prise en compte de la déforestation, filière courte, etc. » La réponse à ses attentes est-elle une piste sérieuse de montée de gamme des produits agricoles ? Bel y croit. La structure a mis en place le 29 janvier une charte de confiance qui fixe une rémunération du lait à l’année à 350 euros pour mille litres de lait par contrat, avec des primes pour les pratiques environnementales.
La grande distribution ne joue pas le jeu
« Tout le monde est d’accord pour aller vers davantage de qualité et pour mieux rémunérer les agriculteurs, renchérit Magali Sartre. Pourtant, les négociations restent toujours aussi difficiles avec la grande distribution. » Car c’est là que bât blesse. « La signature de la charte d’engagement sur les prix n’a rien changé, reconnaît Serge Papin. Nous devons construire les prix en partant du coût de production et bâtir des prix référents. Des prix que l’on ne puisse plus renégocier comme ce que l’on voit actuellement chez certains distributeurs, notamment sur le lait. C’est inadmissible. »